Politique intérieure

L’actualité politique des derniers mois s’est focalisée sur l’opposition grandissante entre le PSNC (Parti du Salut National Cambodgien, dirigé par Sam Rainsy et Kem Sokha) et le PPC (Parti du Peuple Cambodgien, dirigé par Hun Sen, Premier ministre), qui gouverne seul le pays. Le mouvement de grève qui anime l’ensemble des ouvriers et ouvrières des usines textiles s’inscrit dans le mouvement général de protestation initié par les élections du 27 juillet, même s’il n’a pas été suscité directement par l’opposition : c’est un ras-le-bol général contre l’injustice, le népotisme, la corruption qui sévissent dans tous les secteurs du pays. L’autorité de l’Etat a disparu en de nombreux domaines. A vouloir ignorer cette fronde générale, le pouvoir s’expose à une révolte qui risque de dégénérer. L’opposition ne doit pas trop vite chanter victoire et rester prudente, car ce mouvement populaire la dépasse. La sagesse voudrait que les deux partis s’assoient à la même table que celle des responsables syndicaux pour trouver une solution rapide au tsunami politico-social qui balaye le pays.

* Le bras de fer entre l’opposition et le gouvernement continue. Le 19 novembre, Sam Rainsy et Kem Sokha refusent de négocier une sortie de crise tant que le parti au pouvoir refusera une enquête transparente sur le processus électoral. C’est une condition sine qua non. Un consortium d’ONG et TPI (Tranparency International) ont établi deux rapports qui révèlent, chiffres à l’appui, les truquages électoraux. L’opposition déclare que le gouvernement, qui a utilisé la force le 12 novembre contre les ouvriers, a rompu l’engagement mutuel de ne pas utiliser la violence. Le 24 novembre, le Vice-Premier ministre Sar Kheng demande la reprise des négociations, mais refuse tout préalable.

* Le 1er décembre, plus de 100 moines bouddhistes entreprennent dix jours d’une « Marche de la Paix », le long des cinq principales routes nationales, dans le but de porter un cahier de doléances aux députés, le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme. Ces moines appartiennent au « Groupe indépendant des moines pour la justice sociale », qui comprend environ 3 000 membres, avec le moine Bun Buntenh à leur tête. Les moines marcheurs trouvent souvent porte close dans les pagodes où ils comptaient passer la nuit. La majorité du clergé bouddhique suit en effet les ordres du gouvernement. En dépit des interdictions de la municipalité de Phnom Penh, les moines se rendent devant le bâtiment de l’Assemblée nationale. Ils ne peuvent remettre leur pétition aux députés en congé en ce jour de fête.

* Le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme, Sam Rainsy réunit 15 000 manifestants à Siemréap. On commence à entendre les slogans « Hun Sen démission ».

* A partir du 15 décembre, l’opposition lance des manifestations quotidiennes à Phnom Penh, à pieds, en moto, en tuc-tuc, qui rassemblent plusieurs milliers de manifestants et qui occasionnent des bouchons monstres. Loin de s’essouffler, le nombre de manifestants augmente. Le 29 décembre, ils sont rejoints par des milliers de grévistes de l’industrie textile, la plupart arrivés des campagnes en camions, et atteignent le chiffre de plus de 50 000 (100 000 selon certaines estimations). Trois cents moines y participent. Selon Sam Rainsy, « le tsunami politique est arrivé ». Surya Subédi, envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies, appelle toutes les parties au calme.

* Pour tenter de débloquer la situation, plusieurs associations d’observation du processus électoral (Adhoc, Comfrel, Nifec) proposent une élection à mi-mandat, ce qui permettrait à chacun de ne pas perdre la face et donnerait le temps de revoir les listes électorales ainsi que de réformer le système électoral. Mais le 20 décembre, Hun Sen déclare qu’il ne démissionnera pas et qu’il n’y aura pas de nouvelles élections, car la Constitution l’interdit. Il refuse également l’idée d’une élection à mi-mandat

* Sur RFI, VOA en langue khmère, les supporters du PSNC et parfois Sam Rainsy lui-même tiennent des propos antivietnamiens nettement exagérés par rapport à la réalité actuelle du Cambodge. Les démentis de Sam Rainsy en langues étrangères ne suffisent pas à dissiper le malaise. D’autre part, fonder une propagande sur la haine raciste est un procédé méprisable qui a fait ses preuves désastreuses par le passé. Le ministre de la Défense estime, non sans raison, que l’opposition, par une telle rhétorique, met en danger la stabilité du pays.

* Le 10 décembre, Sam Rainsy, qui semble avoir l’art des formules déplacées, demande à Hun Sen de « ne pas être plus faible qu’une femme » et de suivre l’exemple de Mme Yingluck, Première ministre thaïlandais, qui a dissout son gouvernement et appelé à de nouvelles élections. Ces propos heurtent le mouvement féministe, ainsi que Yingluck Shinawatra.

* Hor Nambora, fils de Hor Nam Hong, ministre des Affaires étrangères, en poste à Londres est remplacé par Méas Kimleng, conseiller de Hor Nam Hong et ex-ambassadeur en Australie.

Politique extérieure

* Le 4 décembre, Hun Sen demande au Japon et à la Chine d’user de modération dans le conflit qui les oppose au sujet des îles Senkaku (en japonais) / Diaoyu (en chinois). Il propose à l’ASEAN de jouer les bons offices.

* Relation de cause à effet, ou simple coïncidence, le 4 décembre, Xinhua News Agency, l’agence officielle chinoise, critique Hun Sen pour n’avoir pas su gérer la crise politique de son pays et demande que soient menées des réformes sérieuses et profondes. L’agence cite un analyste cambodgien qui pense que le déclin de la popularité de Hun Sen vient de son refus des réformes : népotisme, corruption, évictions forcées, immigration illégale, pas de justice indépendante, beaucoup de pauvres n’ont pas bénéficié de la croissance. Les observateurs estiment que cet article est une mise en garde de la Chine, qui a besoin de stabilité dans la région. « Nous sommes un pays indépendant, nous n’avons pas à recevoir les ordres de quiconque », réplique le porte-parole du gouvernement.

* Le 9 novembre, un drone effectue un tir dans la province de Préah Vihéar, près de la frontière thaïlandaise. Un tel événement s’était déjà produit en 2007 et 2009. On soupçonne l’armée thaïlandaise d’être à l’origine de ce tir, mais cette dernière nie toute responsabilité.

* Le 15 novembre, quelques jours après la déclaration par le Japon et l’ASEAN de « la liberté de survol » dans la région des ilots Senkaku/Diaoyu, le Premier ministre cambodgien se rend en visite au Japon. Il y signe un certain nombre d’accords de coopération économique et de « partenariat stratégique ». La Japon est le principal donateur d’aides au Cambodge, mais la Chine est le principal investisseur et passe pour avoir des liens privilégiés avec le Cambodge. Cette visite est prise comme un affront par la Chine. Le Premier ministre japonais profite de cette visite pour annoncer une aide de 19,4 milliards de dollars aux pays de l’ASEAN durant les cinq prochaines années. Il accorde également au Cambodge une aide 134 millions pour trois projets. Des experts japonais seront envoyés prochainement pour aider à la réforme du système électoral cambodgien. Cette visite suit d’un mois celle du Premier ministre japonais au Laos et au Cambodge. Le ministre cambodgien des Affaires étrangères se rendra en Chine en janvier 2014.

* Les 26, 27 et 28 décembre, Hun Sen se rend au Vietnam où il rencontre son homologue vietnamien et signe neuf contrats de coopération. Le commerce entre les deux pays s’élève actuellement à 2,7 milliards de dollars, mais il est envisagé de le porter à 5 milliards en 2015. Le Premier ministre vietnamien se rendra au Cambodge les 13 et 14 avril prochains.

* L’opposition en profite pour fustiger cette visite. « Hun Sen doit choisir entre le Vietnam et son peuple », dit Kem Sokha. « Hun Sen est parti au Viêtnam pour recevoir des instructions afin de maltraiter le peuple khmer », déclare Tep Vanny, militante anti-éviction.

Chambres extraordinaires pour juger les ex-responsables Khmers rouges

* La Chambre suprême demande que le procès de Nuon Chéa et de Khieu Samphân se tienne le plus rapidement possible. Ce second procès devrait commencer en février.

* La Suède s’engage à accorder 1,5 million de dollars aux Chambres extraordinaires.

* Des juges d’instruction khmers sont désignés pour instruire les cas 004 (In Chaem, Ta Tith, Ta An).

Economie

* Le 27 novembre, l’Union européenne suspend ses importations de fruits de mer des bateaux battant pavillon de complaisance cambodgien, pour non-respect des lois internationales en matière de pêche. La menace, faite en 2012, est mise à exécution.

* Avec 200 bateaux en 2009, la flotte cambodgienne de complaisance est la troisième du monde. Selon Environmental Justice Foundation, elle comprendrait 176 bateaux de pêche et 24 bateaux-usines. Jusqu’en 2002, le Cambodge a vendu ses droits d’enregistrement à une société singapourienne véreuse (Cambodian Shipping Corp.), qui versait 16 000 dollars par mois à Khek Vandy, ancien ministre du Commerce, dont le frère en était le président. A partir de 2003, il a vendu ses droits à une société sud-coréenne (ISROC) qui lui a versé 6 millions de dollars jusqu’à présent, mais cette somme ne figure dans aucun registre gouvernemental.

* Mme Chéa Serey, fille de Chéa Chantho, gouverneur de la Banque nationale, est nommée directrice générale de la Banque centrale. Mme Hun Kimleng, nièce de Hun Sen, et épouse du Chef de la police nationale, est chargée d’une agence de taxation à Tokyo. Le 12 décembre, Mme Hun Sinath, jeune sœur de Hun Sen, est nommée sous-secrétaire d’Etat au ministère des Relations entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Pendant trente ans, elle a occupé le poste de consul à Chongqing (Chine).

* Depuis le début novembre, le service des douanes aux frontières a reçu des directives de rigueur dans l’inspection et la taxation des produits importés. Ces mesures visent la suppression de la contrebande. Le prix de beaucoup des produits importés a donc augmenté, ce dont se plaint en particulier le monde de l’hôtellerie. Cette augmentation sera sans doute à court terme, et encouragera peut-être les entrepreneurs à investir dans la production au Cambodge même. Selon un rapport de Global Financial Integrity américain en date du 12 décembre 2013, depuis 2002, le Cambodge a perdu en moyenne 133 millions de dollars chaque année en fraudes douanières, en contrebande et en mouvements illégaux de fonds.

* Le gouvernement a recueilli 800 millions de dollars en taxes durant les onze premiers mois de l’année, dont 55,5 millions pour le mois de novembre.

* En octobre, l’inflation annuelle s’élevait à 4,2 % sur les douze mois passés.

* Le 20 décembre, l’Assemblée nationale, y compris Hun Sen, approuve à l’unanimité et sans débat, le budget national de 3,54 milliards de dollars. Elle renomme Suy Sem à son poste l’ex-ministre des Mines et de l’Energie. L’Autorité Nationale Cambodgienne du Pétrole sera placée sous son contrôle. L’Assemblée nomme également Cham Prasith, ex-ministre du Commerce, comme ministre de l’Industrie et des Handicapés. Elle approuve la garantie gouvernementale à une société privée, chargée de la construction d’une ligne à haute tension entre Sihanoukville et Phnom Penh. C’est la 14ème société à jouir de cet agrément.

Tourisme

* Le nombre des touristes qui ont visité les côtes cambodgiennes s’est accru de 84 % en dix mois pour atteindre le chiffre de 420 000. Le gouvernement projette d’en recevoir un million dans deux ans.

Textile

* Selon le ministère du Commerce, les exportations de produits textiles ont augmenté de 22 % durant les six premiers mois de l’année, pour s’élever à 5,07 milliards de dollars. Les raisons de cette augmentation est la reprise de l’économie aux Etats-Unis et en Europe.

Dons et investissements

* En dépit de la demande du PSNC faite à la communauté internationale de ne pas accorder d’aide au gouvernement « illégal » du Cambodge, le 4 décembre, l’Allemagne s’engage à faire un don de 64 millions de dollars, soit « une augmentation substantielle », dit l’ambassadeur. Cinquante-quatre millions sont destinés à la santé et le développement rural. La Banque mondiale a établi un plan pour aider le Cambodge dans les trois années à venir, la Banque asiatique de développement (BAD) versera 525 millions entre 2013 et 2015.

* Le 22 décembre, le magnat de l’agriculture Mong Rethy annonce la signature d’un important contrat de 200 millions de dollars avec une société chinoise pour l’élevage de porcs au Cambodge.

Société

Travailleurs


* Selon un rapport du BIT et du l’Institut National des Statistiques, rendu public le 28 novembre, le Cambodge compterait 7,2 millions de travailleurs, qui gagneraient en moyenne 119 dollars par mois (130 pour les hommes, 105 pour les femmes). Seulement 19,4 % bénéficient d’indemnités de maladie, 9,5 % bénéficient de retraites.

* Le Cambodge refuse les propositions de la Malaisie pour l’envoi de travailleurs immigrés cambodgiens. La Malaisie a refusé 90 % des recommandations cambodgiennes, notamment l’autorisation aux migrants de conserver leur passeport, de bénéficier de trois repas par jour, d’un congé annuel, d’avoir un contrat signé avec l’employeur, etc. « Plus nous pourrons en envoyer, plus nous gagnerons d’argent, et plus d’argent arrivera au Cambodge », dit le représentant du ministère du Travail. Il envisage d’envoyer 300 000 femmes cambodgiennes en Malaisie, ce qui rapporterait 1,5 milliard de dollars. « Nous devons répartir nos travailleurs selon la demande du marché mondial », ajoute-t-il.

Mouvements syndicaux

* Le 28 novembre, suite à la décision du ministère du Travail, la société SL Garnment accepte de réembaucher ses 19 représentants syndicaux. Les ouvriers reprennent le travail le 4 décembre, même s’ils n’ont pas obtenu le départ de Méas Sotha, administrateur cambodgien, qui désormais ne s’occupera plus de la gestion de l’usine au quotidien. Ils n’ont obtenu que la moitié de leurs mensualités durant les mois de grève. Les parlementaires de plusieurs pays de l’ASEAN demandent que soit menée une enquête indépendante sur la mort d’une vendeuse lors des manifestations du 12 novembre.

Salaires

* Le 27 novembre, après une réunion qui comprend des membres des syndicats et du patronat, ainsi que des représentants de grandes sociétés internationales, le gouvernement propose d’augmenter les salaires des ouvriers de l’industrie textile progressivement durant les cinq années à venir, pour atteindre 160 dollars en 2018. En mars 2012, le salaire minimum était passé de 42 à 61 dollars ; en septembre à 80. Les syndicats demandent 154 dollars.

* Le 15 décembre, lors de la réunion de 200 patrons de l’industrie textile, leur porte-parole déclare qu’ils sont dégoûtés du gouvernement, qui ne fait rien pour contrôler les grèves. Ils acceptent d’augmenter progressivement les salaires jusqu’à 130 dollars en 2018, proposition inférieure à celle du gouvernement. Les syndicats demandent alors 160 dollars dès 2014. Selon une étude qu’ils ont menée, un salaire de 177 dollars permettrait une vie digne aux ouvriers. Le 18 décembre, 22 syndicats demandent une augmentation immédiate de 100 % des salaires des ouvriers. « En 2018, avec coût de la vie ce sera 300 dollars qui seront corrects », affirme Sam Rainsy.

* Le 19 décembre, 30 000 ouvriers de 36 usines des zones économiques spéciales de Svay Rieng reprennent le travail après trois jours de grève qui visaient à demander une augmentation de salaire immédiate à 154 dollars, et de meilleurs conditions de travail. Mais après avoir pris connaissance des accords entre syndicats et patronat, 20 000 d’entre eux reprennent le mouvement et certains jettent des pierres sur les bâtiments de l’usine. Treize responsables syndicaux sont arrêtés. Les ouvriers déclarent leur détermination à continuer le mouvement jusqu’à l’obtention de leurs revendications. Sam Rainsy se rend sur place pour les encourager.

* Le 23 décembre, le gouvernement annonce une augmentation de 19 % du salaire minimum pour avril prochain, soit 95 dollars par mois. C’est l’étincelle qui met le feu aux poudres. Le 24 décembre, environ 3 000 travailleurs de Kompong Cham entrent en grève pour protester contre la décision gouvernementale. Le 25 décembre, environ 10 000 ouvriers de dix usines de Phnom Penh et des provinces de Kandal et Kompong Speu se mettent également en grève. Sam Rainsy, durant sa manifestation quotidienne, invite les grévistes à continuer leur mouvement. Selon l’opposition, les ouvriers de plus de 120 usines à travers le pays sont en grève. Le patronat déclare que c’est une poignée de leaders syndicaux qui terrorisent les ouvriers et les empêchent de se rendre au travail.

* Selon le ministère du Travail, 240 usines autour de Phnom Penh sont en grève. Le syndicat des patrons des 400 usines du textile conseille de fermer les usines pour éviter des déprédations par les manifestants, mais surtout pour empêcher les ouvriers de s’organiser. C’est l’effet inverse qui se produit : les ouvriers sont libres pour se rendre en masse aux manifestations de l’opposition. Selon le CLEC, les ouvriers n’attendent plus les mots d’ordre de leurs responsables syndicaux, et les manifestants sont désormais « hors de contrôle ». Six responsables de syndicats sont invités au ministère du Travail le 27 décembre. Ils sont accusés d’inciter les ouvriers. Le secrétaire du plus important syndicat (CCAWDU) affirme qu’il ne demandera pas à ses membres l’arrêt des manifestations tant que le salaire minimum de 160 dollars ne sera pas obtenu. Le 25 décembre, les membres de son syndicat étaient en grève dans 82 usines, le 26 décembre, le mouvement en touchait 188. Il estimait que 300 usines dans le pays étaient en grève.

* Le 26 décembre, le convoi du Hun Sen qui se rend au Vietnam se trouve nez à nez avec 5 à 6 000 manifestants qui lui crient « Dégage ! ». Il a eu l’occasion ainsi de voir de visu et d’entendre l’opposition populaire.

Déforestation

* Le 20 novembre, suite à la plainte de membres des minorités ethniques, et contrairement aux déclarations du gouverneur de la province Ratanakiri faite la veille, le porte-parole du gouvernement déclare que la concession « informelle » accordée à la société Daun Penh Agrico est « illégale », et viole le moratoire du Premier ministre en date du mois de mai 2012. En 2011, cette société a reçu une concession de 8 825 hectares à l’intérieur des 250 000 hectares du Sanctuaire de Vie Sauvage de Lumpat (Ratanakiri). Selon Adhoc, qui s’appuie sur de photos prises par satellite, le magnat Try Phéap, transporte chaque jour 40 m3 de bois précieux en grumes de 3 m, par la Srèpok (valeur 35 000 dollars le m3). Mais les autorités locales n’ont pas le droit d’arrêter les camions puisque Try Phéap a reçu en février 2012 le droit exclusif d’exportation du bois de 28 concessions. Il a payé 3,4 millions de dollars au gouvernement pour la vente de 4 871 m3 de bois saisis. 124 familles de la minorité Lao de Ratanakiri portent plainte devant Adhoc contre plusieurs sociétés qui déforestent leurs terres et vendent le bois à Try Phéap. Un rapport de la Task Force pour les Droits de l’Homme au Cambodge révèle de plus que Try Phéap et son épouse ont reçu 90 000 hectares en concession dans la seule province de Ratanakiri. Dans l’ensemble du pays, ses concessions personnelles affectent 1 445 familles. Les autorités locales avouent leur incapacité d’arrêter ce trafic, car « les ordres viennent d’en haut, du niveau national ».

* Le 27 novembre, environ 400 personnes venues des provinces de Stoeung Treng, Kompong Thom et de Préah Vihéar reprennent leurs patrouilles de protection de la forêt de Prey long. Selon ces villageois, la déforestation a doublé de volume depuis les dernières élections. Ils notent que trois à quatre camions chargés de bois de luxe quittent la forêt chaque jour. Cinq cents arbres auraient été coupés. Après cinq jours de patrouilles, ils découvrent 2 000 pièces de bois coupées illégalement.

Expulsions

* Le 24 novembre, 42 familles de Cheb, dans la province de Préah Vihéar, manifestent contre la société chinoise Rui Feng, à qui ont été données leurs terres où elles vivaient depuis trois ans. La société chinoise y fera une plantation de cannes à sucre. Cette société a obtenu 8 841 hectares.

* Dans la nuit du 22 novembre, une foule de près de 1 000 villageois mettent le feu à une pelleteuse qui devait raser un crématorium construit sur un terrain sur lequel était construit et la pagode et le crématorium, à Prek Léap, près de Phnom Penh. Ce terrain a été attribué l’an dernier à une société de construction. Trente policiers n’osent affronter la foule en colère.

* Les 27 et 28 novembre, plus de 300 villageois de Rovieng, province de Préah Vihéar, manifestent contre une société (TPBTV) à laquelle le ministère de l’Industrie et des Mines a accordé une concession de 9 000 hectares, et qui cherche, par coercition, à en acheter davantage pour 1 000 dollars par hectare auprès de 278 familles.

* Suite aux révélations de déforestation illégale par la société vietnamienne Hoang Ang Gia Lai faite par Global Witness en mai dernier, la Deutsche Bank retire ses 4,5 millions de parts dans le capital de la société.

* Le 4 décembre, des membres de la minorité Phnong de Kéo Seima portent plainte pour la destruction de 37 de leurs maisons. Leur terrain a été vendu à une société vietnamienne Binh Phuoc et à une société khmère, Sovan Réachsey.

* Le 23 décembre, une trentaine de manifestants contre les évictions, dont Tep Vanny et Yorn Bopha, ainsi que vingt moines, bloquent le boulevard Monivong à hauteur de la mairie de Phnom Penh pour demander un supplément de compensation à leur expulsion. Ils estiment que les 8 500 dollars reçus ne sont pas suffisants. Ils bloquent les sorties et les entrées de la municipalité. Les moines demandent des excuses publiques pour avoir été molestés par la police, sinon ce « sera la guerre avec la municipalité ». La manifestation reprend le 25 décembre. Le ministre de l’Intérieur demande à Sam Rainsy, présent sur les lieux, de faire enlever les barricades, mais les manifestants refusent.

* Selon Adhoc, les cours de justice reprennent les dossiers laissés en suspens pendant la période électorale pour gagner des voix : Kompong Chhnang avec l’épouse Suy Sem, ministre des Mines et de l’Industrie, ainsi 51 familles en conflit avec KDC pour 145 hectares ; Krakor, Kompong Speu...

Corruption

* Le 15 novembre, l’Unité Anti-Corruption (UAC) arrête le chef des Affaires sociale de Srey Santhor (province de Kompong Cham) pour avoir retenu les retraites des 120 anciens enseignants (comprises entre 25 et 130 dollars mensuels) envoyées par le ministère des Affaires sociales depuis mars 2010, ainsi que cinq dollars par mois de bonus pour les enseignants en fonction. Si Rong Chhun, président de l’Association Indépendante des Enseignants du Cambodge (AIEC), salue cette action, il rappelle que l’on ne doit pas arrêter simplement des « petits poissons ». En juillet 2012, le ministre des Finances avait informé son collègue des Affaires sociales d’un détournement de 5,5 millions de dollars en budgets falsifiés et en listes de « vétérans fantômes ». Effectivement, le 22 novembre, l’ACU estime, contre toute évidence fournie par Global Fund, que les fonctionnaires du Centre national de lutte contre la malaria, la tuberculose et le sida, qui auraient détournés plus de 410 000 dollars, n’ont rien fait d’illégal. Global Fund a suspendu tous ses contrats. Commentaire de Kem Ley, analyste politique indépendant : « ACU est une institution gouvernementale... qui envoie en prison seulement ceux que le gouvernement désire envoyer en prison. » Le 18 décembre, un fonctionnaire chargé des taxes à Siemréap est arrêté.

* Le 29 novembre, on apprend que ACU a arrêté deux membres d’Electricité du Cambodge de la province de Mondolkiri qui auraient fait des faux et détourné ainsi 100 000 dollars. Elle arrête également le directeur-adjoint des douanes du port de Sihanoukville.

* Après le scandale de la corruption au sein du ministère de la Santé, RACHA, ONG chargée de la santé reproductive, est soupçonnée, pour le moins, de mauvaise gestion.

* Le 3 décembre, Transparency International, basée en Allemagne, classe le Cambodge au 160ème rang sur 177 dans son index de perception de la corruption.

Education nationale

* Le 28 novembre, un panel composé de cinq hommes d’affaires étrangers et le Conseil pour le Développement du Cambodge (CDC) ont déploré l’inadaptation du système éducatif cambodgien au développement du pays. Le Cambodge ne semble pas prêt pour la lutte qu’initiera l’ouverture de la Communauté économique de l’ASEAN en 2015. Le nouveau ministre de l’Education nationale semble vouloir mettre de l’ordre dans les finances et dans la réglementation des professeurs.

* Le 28 novembre, l’UE, la Suède et l’UNICEF font un don de matériel électronique au ministère de l’Education nationale pour une somme d’environ 500 000 dollars.

* Le 10 décembre, le Premier ministre annonce le recrutement de 6 000 nouveaux professeurs en 2014 et 7 000 en 2015, au lieu de 5 000 nouveaux recrutés chaque année. Il prend Krousar Thmey en exemple pour l’éducation des enfants sourds et aveugle, et prend en charge ses écoles.

Santé

* Des millions de serpents venimeux vivent le long des rivières et forêts inondées, dont les morsures de dix espèces sont mortelles. Quatorze morts ont été enregistrées cette année par morsure de serpent, mais on estime qu’il y en aurait des centaines, et que les serpents font plus de victimes que les mines. Pour la seule province de Bantéay Méan Chhey, on a enregistré 300 cas de morsures de serpent dans l’année. Quatre vingt-dix personnes ont été reçues pour morsure de serpent à l’hôpital de Kompong Chhnang en 2012.

Armée

* 175 soldats cambodgiens vont être envoyés au Mali. Déjà d’autres contingents ont été envoyés au Liban, en Syrie et au Sud-Soudan. Le 17 décembre, un quatrième contingent, fort de 184 hommes, part remplacer celui présent au Liban.

* Le 25 novembre, la Chine achève la livraison des douze hélicoptères Z-9 payés par un prêt chinois de 200 millions de dollars.

* Le 26 novembre, l’Agence suisse pour le Développement et la Coopération s’engage à verser 3 millions de dollars pour le déminage et l’aide aux victimes des mines. Il resterait 3,1 millions de mines, réparties sur 1 700 km² à déminer, ce qui occasionnerait une dépense de 50 millions par an. Depuis 1979 jusqu’en septembre 2013, les mines ont tué 19 683 personnes, et en ont blessé 44 606. Depuis le début de l’année, 21 personnes sont mortes (37 en 2012). Dix « héros-rats » formés au déminage arriveront au Cambodge en mars 2014.

* Les FARC s’adonnent à trois jours d’exercices à tir réel avec de nouvelles orgues de Staline RM-70 qui remplacent les BM-21 russes. Elles peuvent lancer 40 roquettes en 20 secondes, à une distance de 20 km. Chaque roquette coûte entre 1 200 et 3 300 dollars. Un seul tir de RM-21 coûte donc 48 000 dollars.

Médias

* Le 20 novembre, le ministre de l’Information se dit fatigué de la télévision d’Etat. Elle ne doit plus rapporter les déplacements des différents ministres et de leur entourage, mais se réserver au Premier ministre, au président de l’Assemblée et du Sénat, ainsi qu’au roi. Cette mesure s’inscrit dans une volonté de regagner le soutien populaire. Effectivement, désormais la télévision d’Etat n’hésite plus à rapporter les manifestations de l’opposition.

* En dépit d’une couverture biaisée des dernières élections, le 11 décembre, 19 prix sont accordés à cinq journaux et huit télévisons nationales.

Droits de l’homme

* Le 22 novembre, après une heure et demie de débat, la Cour suprême libère Yorn Bopha, emprisonnée depuis 444 jours pour une action criminelle imaginaire. Expulsée de Borei Keila en janvier 2012, elle avait été arrêtée, jugée et incarcérée immédiatement lors d’une manifestation contre les expulsions. Amnesty International venait de lancer une campagne de signatures pour sa libération. Elle n’est cependant pas innocentée. Dès le 28 novembre elle reprend la tête de manifestations pour réclamer le droit des femmes dans la société khmère.

Sports

* 209 athlètes cambodgiens participent aux 27ème Jeux du Sud-Est Asiatiques du 5 au 22 décembre à Naypyidaw (nouvelle capitale de la Birmanie). Ils y remportent 47 médailles.

Religion

* Le 12 décembre, les reliques de Bouddha (des cheveux, des dents et des os), apportées de Sri Lanka il y a 60 ans, et déposées dans le stupa situé devant la gare de Phnom Penh, puis, en 2002, dans le stupa construit par Sihanouk à Oudong, d’une hauteur de 42 m, pour un coût de 4,5 millions de dollars, disparaissent en pleine nuit. La police est incapable de mettre la main sur les voleurs. Ce vol suscite l’indignation des moines bouddhistes. L’opposition en profite pour fustiger le gouvernement incapable de protéger cet héritage et de retrouver les voleurs. La mairie de Phnom Penh met en garde les moines contre toute activité politique et menace de leur supprimer le droit de vote. Selon la mairie, les offrandes aux moines ont baissé d’un million de dollars depuis juillet suite à l’engagement (ou au non-engagement ?) des moines en politique.

Divers

* Le 22 novembre, la grosse voiture de Cheam Yéap, député PPC et porte-parole de fait du gouvernement, heurte de plein fouet une moto qui circulait en sens inverse et la traine, ainsi que ses deux occupants sur cinquante mètres. La passagère est tuée, le conducteur, son mari, grièvement blessé, laissé sans soins au bord de la route pendant une demi-heure. La voiture de Chéam Yéap ne s’arrête pas. Il pense n’avoir rien fait de mal, car il a immédiatement téléphoné à son avocat, puis donné 1 000 dollars à la famille de la victime ainsi que 500 au docteur qui soigne le blessé. Il lui a également acheté une nouvelle moto. Son action illégale, mais fréquente au Cambodge, est critiquée par l’OMS, par Handicap International et par l’opposition.

Patrimoine

* Un petit temple pré-angkorien en briques, de cinq mètres de hauteur, vénéré par les Djaraïs de Ratanakiri, nommé Prasat Ta Nang, est découvert dans la concession de la société Men Sarun. Il y en a encore deux autres répertoriés par le ministère de la Culture. En dépit de la loi de protection de l’héritage culturel, on craint fort pour leur survie.

* Le 1er décembre, l’ethnologue khmer Ang Chouléang publie Old Text Khmer Book, ouvrage de 280 pages dans lequel il analyse le khmer ancien. L’ethnologue avait reçu le Grand prix de l’Université japonaise de Fukuoka en 2011 pour son étude des rituels et traditions cambodgiens.

* Le 2 décembre, Heng Samrin, président de l’Assemblée nationale, inaugure à Snoul, le monument à la gloire du Front Uni du Salut National du Kampuchéa (FUNSK), qui a appelé les troupes vietnamiennes en 1978. La construction de ce mémorial de 41 m de hauteur a coûté 3 millions de dollars.

* Sotheby’s, la société américaine de ventes aux enchères d’objets d’art, accepte, après une action judiciaire de deux ans, de rendre au Cambodge la statue de Dryodhana dérobée dans le temple de Prasat Chen de Koh Ker. La statue est désormais exposée dans le musée de Phnom Penh.

Météorologie

* Un froid « sibérien » s’est abattu sur le Cambodge depuis la mi-décembre : entre 11 et 14º C dans les provinces périphériques, 18,5º C à Phnom Penh. Nouveau découpage de circonscriptions de Phnom Penh.

* Le 25 novembre, la municipalité de Phnom Penh, sur proposition du ministère de l’Intérieur, annonce la création de cinq nouvelles circonscriptions avant les élections de mai 2014. La ville comprend 810 conseillers municipaux. L’opposition estime que c’est une mesure pour faire élire des membres du PPC, et que ces nouvelles circonscriptions augmenteront la corruption. Finalement seuls trois nouvelles circonscriptions sont créées.

* Selon le maire de Phnom Penh, 32 559 familles pauvres vivraient à Phnom Penh. Le 10 décembre, Journée internationale des droits de l’homme, le maire annonce la création d’« une petite ville » avec de petites maisons que ces familles pauvres pourront louer ou acheter pour 1 220 dollars.

(Source: Eglises d'Asie, le 7 janvier 2014)