Le 16 avril dernier, un clip tourné dans une rue de Saigon et diffusé sur plusieurs réseaux sociaux de la ville a provoqué une forte émotion au sein de la population. On y voit un officier de police en train de tabasser sans pitié et jusqu’à l’évanouissement un vendeur ambulant, Pham Tiên Minh Phong. La famille et les proches soupçonnent que cette brutalité a été commise à cause de l’attitude du colporteur vis-à-vis des « agents de l’ordre public ».

Le marchand de rue ne s’était pas acquitté d’une somme de 700 000 dongs (27,90 euros), qu’il devait verser mensuellement pour que les gardiens de l’ordre le laissent exercer son métier sans problème. Hospitalisé après l’agression policière, le marchand ambulant a révélé les détails de son histoire à plusieurs médias. Il a aussi précisé qu’il n’avait jamais payé la somme demandée.

L’émotion ressentie provenait autant du scandale devant le traitement inhumain infligé par le policier à cet homme privé de ressources qu’au malaise éprouvé par la population devant la répression et la disparition programmée de pans entiers du décor de la vie urbaine traditionnelle. Les colporteurs transportant aux deux bouts d’un long fléau souple des articles de toutes sortes proposés au public sillonnent en effet les rues des grandes villes vietnamiennes depuis des siècles.

Victime du nouvel ordre urbain

Les marchands ambulants sont sans doute ceux qui souffrent le plus du nouvel ordre urbain exigé par la modernisation. Hérité du passé dans sa forme simple, un fléau souple et deux plateaux, le métier s’était développé et partiellement modernisé au cours du siècle précédent, surtout lorsque l’industrialisation a précipité des foules entières depuis les campagnes jusque dans les villes. Une partie importante des migrants, faute d’autres emplois, avait choisi ce moyen de survivre.

Cependant, lorsque la nouvelle politique d’ordre urbain a été mise en place il y a quelques années, le marchand ambulant devint rapidement la cible des critiques. De nouvelles réglementations ont régi la vie urbaine. Les activités des colporteurs portaient atteinte à l’esthétique générale, au bon ordre public. Elles étaient une gêne pour la circulation. Elles se virent rapidement classées parmi les infractions sanctionnées par la loi tandis que leurs auteurs étaient poursuivis par la police.

Ces derniers temps, dans la presse officielle, sur des vidéos diffusées par les réseaux sociaux, on a pu voir de nombreux exemples de colporteurs interpellés par la police, leurs marchandises et leurs outils de travail confisqués… Signe des temps ? Tribut à la modernité ?
Triomphe de la mondialisation ?

(Eglises d'Asie, le 29 avril 2016)