Année sainte pour les catholiques du Vietnam

Des dizaines de milliers de catholiques vietnamiens ont lancé lundi 23 et mardi 24 novembre une Année sainte avec l'espoir de réchauffer leurs relations avec Hanoï.

Une veillée autour de l'église de So Kien, à une soixantaine de kilomètres au sud de Hanoï, a rassemblé lundi 23 novembre près de 50 000 personnes dans cette petite ville à 70 km au sud d'Hanoï, qui constitue l'un des coeurs de la communauté catholique au nord du Vietnam. C4est d'ailleurs à So Kien que fut bâtie la première cathédrale du diocèse de Hanoï dans la deuxième partie du XIXme siècle

Ils étaient au moins autant mardi 24 pour la messe d'ouverture de cette année qui célèbre à la fois les 350 ans des premiers diocèses vietnamiens et le cinquantenaire de la création d'une structure propre à l'Église du pays. Des cardinaux venus de France (dont le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France), des États-Unis et du Saint-Siège avaient aussi fait le voyage.

Parti de Hanoï, le mouvement a fait tâche d'huile

Ce coup d'envoi intervient à un moment sensible des relations entre catholiques vietnamiens et Hanoï: depuis près de deux ans, ils sont à couteaux tirés sur la question des biens dont l'Église a été spoliée. «Avec l'ouverture de cette année sainte, nous souhaitons (...) une meilleure compréhension entre le régime et l'Eglise, une forte amélioration des relations des deux parties», explique le P. Nguyen Trong Tinh, de la province de Nam Dinh au nord.

Fin 2007, les catholiques avaient lancé des manifestations inédites pour récupérer des terrains nationalisés après le départ du colonisateur français en 1954, ou la prise de pouvoir des communistes sur le Vietnam réunifié à la fin de la guerre contre les Américains en 1975.

Parti de Hanoï, autour de l'ancienne délégation apostolique, le mouvement avait fait tâche d'huile dans la capitale et d'autres provinces, donnant parfois lieu à des affrontements violents avec la police. Pour enrayer le phénomène, Hanoï avait construit des parcs publics sur les sites les plus controversés. Mais la question est loin d'être réglée.

Possible voyage du pape

Les catholiques ont obtenu quelques concessions mais se battent toujours pour ce qu'ils considèrent comme leur propriété. Pour Hanoï, céder créerait un précédent dangereux: les quelque 6 millions de catholiques, sur une population de 86 millions, sont loin d'être les seuls à avoir perdu des terres.

Malgré ce contentieux, un diplomate étranger estime que l'Année sainte pourrait aussi donner de l'élan aux pourparlers entre le Vietnam et le Vatican en vue de la normalisation de leurs relations. Le Premier ministre Nguyen Tan Dung a effectué une visite historique au Saint-Siège en 2007. Et le lancement des festivités vietnamiennes intervient alors que les deux parties tentent de mettre sur pied un autre déplacement en décembre, celui du président Nguyen Minh Triet.

A l'occasion de cette visite, un diplomate étranger «ne serait pas surpris qu'on donne (au pape) l'opportunité de venir» au Vietnam. Peut-être même dès l'an prochain, avant le rétablissement de liens diplomatiques.

«Nous voulons seulement pratiquer notre religion»

Il note d'ailleurs des avancées sur d'autres sujets que la terre, comme le retour de Caritas l'an dernier dans le pays. Après plus de trente ans d'absence, l'organisation catholique peut ainsi de nouveau aider les victimes d'intempéries. Ce développement d'activités dans l'éducation, la santé, fait partie des autres grandes revendications de l'Église vietnamienne.

«Nous voulons seulement pratiquer notre religion», affirme le P. Vo Duc Toan, venu de Dalat. Mais, juge-t-il, «les religions en général et les catholiques en particulier n'ont pas encore de vraie liberté au Vietnam. L'Etat nous regarde toujours avec méfiance».

La-Croix.com (avec AFP et Églises d'Asie)

http://www.la-croix.com/Les-catholiques-du-Vietnam-ouvrent-une-Annee-sainte/photo2/2402703/4085