Eglises d'Asie, 20 mai 2011 - 19 mai, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a en effet déclaré que la Chine « espérait que le Vatican pourra[it] admettre la réalité de la liberté de culte et du développement du catholicisme en Chine et qu’il créera[it] par des actions concrètes les conditions du développement des relations entre la Chine et le Saint-Siège ».

Ce faisant, le gouvernement chinois a placé le débat sur le terrain de la diplomatie et des libertés, là où le pape Benoît XVI avait pris soin de s’adresser non aux dirigeants politiques, mais aux catholiques, plaçant les enjeux sur le terrain de la foi. Le 18 mai, au terme de sa catéchèse en différentes langues, le pape a en effet longuement évoqué la journée mondiale de prière pour les chrétiens de Chine, fixée au 24 mai de chaque année (2), n’hésitant pas à évoquer sans détours leur situation difficile : « Là comme ailleurs, a-t-il déclaré, le Christ vit sa passion. Alors qu’augmente le nombre de ceux qui L’accueillent comme leur Seigneur, le Christ est rejeté, ignoré ou persécuté par d’autres : ‘Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?’ (Actes 9,4). »

Le pape fait de la prière des chrétiens dans le monde pour l’Eglise en Chine un devoir : « Ces fidèles ont droit à notre prière, ils en ont besoin. » Benoît XVI dresse un parallèle entre la force agissante de la prière à l’époque des Apôtres et la situation aujourd’hui : « Nous savons des Actes des Apôtres que, lorsque Pierre était en prison, tous avaient prié avec force et obtenu qu’un ange le libère. Nous aussi faisons de même : prions intensément tous ensemble pour cette Eglise, confiants que, par la prière, nous pouvons faire quelque chose de très réel pour elle. »

Ce qui est en jeu actuellement est « l’unité (des catholiques chinois) avec l’Eglise universelle ». Cette unité est voulue par les catholiques chinois (« ils l’ont dit de nombreuses fois »), mais c’est bien la prière qui peut « obtenir que l’Eglise en Chine demeure une, sainte, catholique, fidèle et ferme dans la doctrine et la discipline ecclésiale ». L’appel du pape ne s’adresse en effet pas aux dirigeants chinois, mais aux évêques de l’Eglise de Chine : « Nous savons que, parmi nos frères évêques, certains souffrent et sont soumis à des pressions dans l’exercice de leur ministre épiscopal. A eux, aux prêtres et tous les catholiques qui rencontrent des difficultés pour professer librement leur foi, nous exprimons notre proximité. » Le ton est donc celui de la sollicitude, la prière de tous devant permettre aux évêques de « dépasser la tentation d’un chemin indépendant de Pierre » pour choisir, le cas échéant, celui du martyre, même si le mot n’est pas ici prononcé : « La prière peut obtenir pour nous et pour eux, la joie et la force d’annoncer librement et de témoigner de Jésus Christ crucifié et ressuscité, l’homme nouveau, vainqueur du péché et de la mort. »

Le pape termine en s’adressant à la Vierge Marie : « A Marie, je demande d’éclairer ceux qui sont dans le doute, de ramener les égarés, de consoler les affligés, de fortifier ceux qui sont empêtrés par les flatteries de l’opportunisme. Vierge Marie, Secours des chrétiens, Notre Dame de Sheshan, prie pour nous ! » (3).

Dès le lendemain, le 19 mai au matin, un des principaux sites Internet catholiques de Chine, Catholic Online (www.chinacath.org), mettait en ligne une traduction en chinois du texte prononcé par le pape lors de l’audience du mercredi. Selon les dernières informations disponibles, le texte n’a pas été retiré – comme cela a pu arriver par le passé pour des informations sensibles – et la partie réservée aux commentaires est restée ouverte, ce qui laisserait penser que les services chinois cherchent à connaître l’état d’esprit de la communauté catholique après qu’elle a pris connaissance de la parole papale.

Pour le moment, la vie de l’Eglise en Chine se poursuit : le 20 mai, dans la province du Shandong, un évêque « officiel » a été ordonné. Il s’agit du P. John Lu Peisen, 45 ans, ordonné évêque pour le diocèse de Yanzhou, un siège épiscopal vacant depuis le décès de Mgr Thomas Zhao Fengwu en 2005. Consacré évêque avec l’accord de Rome, Mgr John Lu Peisen a été ordonné par trois évêques qui sont en communion avec le pape, les deux autres évêques présents lors de la messe d’ordination étant eux-aussi reconnus par Rome. Le président de la Conférence des évêques « officiels », Mgr Joseph Ma Yinglin, qui a été ordonné évêque sans mandat pontifical, avait opportunément fait savoir qu’il ne pourrait pas prendre part ou assister à l’ordination de Mgr Lu Peisen, des affaires concernant son diocèse de Kunming l’appelant ce jour-là à être présent au Yunnan (sud-ouest de la Chine). Le 19 mai, Mgr Ma Yinglin avait déclaré qu’une des tâches de la Conférence épiscopale, dirigée maintenant par des évêques issus des « jeunes générations », était, entre autres, de « choisir les candidats à l’épiscopat de manière prudente et sérieuse selon la tradition de l’Eglise et les règlements de la Conférence des évêques catholiques de Chine ».

(1) Voir la dépêche diffusée par EDA le 17 mai 2011
(2) Dans sa Lettre aux catholiques de Chine du printemps 2007, le pape Benoît XVI avait demandé que le 24 mai, fête de Marie, Secours des chrétiens, fête du sanctuaire marial de Sheshan (situé à proximité de Shanghai), devienne une journée de prière pour l’Eglise en Chine. Ce jour-là, les chrétiens dans le monde entier sont donc invités à invoquer la Vierge pour l’Eglise qui est en Chine.
(3) Benoît XVI reprend ici un mot (« opportunisme ») qu’avait utilisé, le 1er avril, dernier Mgr Savio Hon Tai-fai, prêtre salésien de Hongkong nommé en décembre 2010 secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Dans une interview à L’Avvenire, Mgr Hon avait déclaré que, parmi les évêques de Chine continentale, « malheureusement le nombre des opportunistes avait augmenté » ; il avait aussi déploré que, parmi les nouveaux évêques, des nominations « de compromis » avaient été ces derniers temps concédées par Rome.Voir EDA 549

(Source: Eglises d'Asie, 20 mai 2011)