En 2007, les autorités chinoises ont célébré avec une certaine emphase le 50ème anniversaire de la création de l’Association patriotique des catholiques chinois; puis, en 2008, celui des premières ordinations épiscopales illicites, en 2008 (1). A chaque fois, ces anniversaires ont été l’occasion pour Pékin de réaffirmer son attachement au principe d’« indépendance » de l’Eglise catholique de Chine, un principe qui devrait à nouveau être mis à l’honneur lors de la prochaine « Assemblée nationale des représentants catholiques ». Cette instance doit se réunir d’ici à la fin 2009 pour élire le président de l’Association patriotique et celui de la Conférence des évêques « officiels ». Rome, de son côté, a choisi de mettre en avant un autre anniversaire: le 400ème anniversaire de la mort de Matteo Ricci. Le 18 mai dernier, le pape Benoît XVI a envoyé un message à l’évêque de Macerata, lieu de naissance du célèbre jésuite italien, en mettant à l’honneur l’œuvre et l’héritage d’un éminent missionnaire adepte d’une évangélisation pensée en harmonie avec la culture chinoise.

Saint François Xavier était mort le 3 décembre 1552 sur l’île de Sancian, sans pouvoir toucher la Chine. Trois ans plus tard, le jésuite Melchior Nunez Barreto arrivait à Canton; en 1582, le P. Mateo Ricci le rejoignait. Sa connaissance de la langue chinoise, sa science de géographe et d’astronome devaient séduire les savants ainsi que l’empereur qui l’appelait à Pékin en 1601. Ses travaux astronomiques, sa réforme du calendrier chinois, ses écrits sur la morale de Confucius et sur le « Seigneur maître du ciel » sont diffusés dans l’empire. A sa mort, le 11 mai 1610, l’empereur confirme ses successeurs européens dans leurs charges et permet aux missionnaires jésuites d’annoncer l’Evangile dans toutes les provinces, sauf deux situées à l’extrême ouest.

Pour les catholiques comme pour les non-catholiques, la figure du P. Matteo Ricci incarne le prototype du missionnaire éclairé, respectueux des hommes et de la culture auprès desquels il est envoyé et soucieux d’annoncer la Bonne nouvelle de l’Evangile. Dans un message rendu public par le Saint-Siège le 18 mai dernier, le pape Benoît XVI a redit son admiration pour l’originalité et le style « prophétique » de la mission chinoise du jésuite italien.

Matteo Ricci avait vu le jour le 6 octobre 1552 à Macerata, dans la région des Marches, au centre de l’Italie. C’est donc par un message en date du 6 mai que Benoît XVI a exprimé à Mgr Claudio Giulodori, actuel évêque du diocèse de Macerata, son soutien à l’année jubilaire décrétée pour l’occasion dans ce diocèse et aux manifestations qui l’accompagnent.

Selon Benoît XVI, Matteo Ricci était « doué d’une foi profonde et d’un génie scientifique et culturel extraordinaire ». Le jésuite italien a « consacré de longues années de sa vie à nouer un dialogue profond entre l’Occident et l’Orient, en même temps qu’il œuvrait profondément à enraciner l’Evangile dans la culture du grand peuple de la Chine ». « Encore de nos jours, son exemple demeure un modèle pour la rencontre fructueuse entre les civilisations européenne et chinoise », écrit le pape.

En rappelant le succès considérable remporté dès sa parution à Nankin en 1595 du Traité de l’amitié (De amicitia en latin, Jiaoyoulun en chinois) de Matteo Ricci, le pape souligne que « ce qui a rendu son apostolat original et, nous pouvons le dire, prophétique, est la sympathie profonde qu’il nourrissait pour les Chinois, pour leurs traditions culturelles et religieuses ». Cette amitié placé au cœur de son apostolat, Matteo Ricci eut la joie de la voir partagée par ses interlocuteurs grâce « au climat de respect et d’estime qu’il cherchait à cultiver, lui qui prenait soin de connaître toujours mieux les traditions de la Chine de son époque ».

Le pape exprime son espoir que l’année jubilaire décidée à Macerata et les nombreux colloques et manifestations culturelles qui l’accompagneront en Italie comme en Chine « offriront l’opportunité d’approfondir les connaissances sur la personnalité et les activités » du jésuite italien – qui ne fut reconnu comme un pionnier dans la proclamation de l’Evangile et un précurseur de l’inculturation dans le travail missionnaire qu’au XXème siècle. Benoît XVI conclut en formulant le vœu que l’exemple donné par Matteo Ricci permette « à nos propres communautés, qui comprennent des personnes appartenant à différentes religions et cultures, de grandir dans un esprit de respect et d’acceptation réciproque ».

On peut noter qu’en mars 2007, trois mois avant la publication de sa Lettre aux catholiques chinois, le pape Benoît XVI avait déjà envoyé un télégramme à l’université de Macerata, où un congrès sur l’œuvre de Matteo Ricci était organisé. Le pape citait alors le jésuite italien comme un « précurseur » du lien d’amitié entre la Chine et le christianisme. Plus avant, en 2001, à l’occasion d’un colloque à l’université grégorienne, à Rome, alors que d’autres rencontres se déroulaient à Pékin, le pape Jean Paul II avait cité le traité sur l’amitié en rappelant que l’Eglise ne réclame aucun privilège mais veut construire avec la nation chinoise une amitié « fondée sur le respect mutuel et sur une compréhension plus profonde » (2).

(1) Voir EDA 498.

(2) Zenit, 19 mai 2009.

(Source: Eglises d'Asie, 22 mai 2009)