De nombreuses réactions se sont fait entendre à l’issue du procès qui s’est tenu le 23 octobre dernier, au Tribunal populaire de la province du Nghê An et a condamné deux paroissiens de la paroisse de My Yên (diocèse de Vinh) à des peines de plusieurs mois de prison.

C’est pour avoir voulu faire libérer ces deux catholiques arrêtés au mois de juillet 2013 qu’un groupe de paroissiens avait subi le 4 septembre dernier, une très brutale agression des forces de l’ordre rassemblées par les pouvoirs publics locaux.

La sentence, à savoir six et sept mois de prison ferme, a choqué. La population catholique est convaincue que les deux hommes sont parfaitement innocents et auraient dû être remis en liberté sans délai. C’est l’avis général dans le diocèse. Cependant, l’apparente clémence de cette condamnation, en comparaison de celles qui ont été par exemple attribuées aux jeunes catholiques militants de ce même diocèse, a intrigué. On a vite soupçonné les autorités de poursuivre un dessein secret à travers ce procès et cette sentence.

Le 26 octobre, trois jours après le procès, un communiqué au ton vigoureux a été publié par l’évêché du diocèse (voir ci-dessous la traduction en français du texte). Il dénonce la sentence comme étant injuste, ambiguë, et camouflant l’embarras des autorités faisant porter par des boucs émissaires la responsabilité de leurs actions illégales. Le communiqué qui parle de « manque de clarté » laisse entendre que ce premier procès en cache d’autres. Il est demandé aux autorités d’abandonner immédiatement toutes poursuites judiciaires sur cette affaire.

D’autres commentaires de ce procès, mis en ligne sur des sites indépendants, sont allés encore plus loin dans la voie du soupçon. L’avocat Nguyên Van Dai, dissident militant pour la cause de la liberté religieuse, ancien prisonnier de conscience, estime que le procès doit être considéré comme un test destiné à jauger les réactions des catholiques et de l’Eglise catholique au Vietnam (1).

En fonction de la force ou de la faiblesse de leurs réactions après ce premier procès, assure-t-il, les autorités auraient l’intention d’ajuster leur stratégie pour la suite de cette affaire. En effet, selon l’avocat, celle-ci est loin d’être terminée. Les poursuites judiciaires qui ont déjà abouti à ce premier procès avaient été ouvertes sous une quadruple inculpation : « trouble à l’ordre public », « séquestration illégale de personnes », « destruction de biens » et « blessures volontaires ». Or, le premier procès n’a volontairement retenu que la première accusation de « trouble à l’ordre public ». Les trois autres inculpations n’ont donc pas été abandonnées et seront jugées plus tard.

Les suggestions de l’avocat sont confirmées par les déclarations officielles. L’Agence vietnamienne d’information le dit expressément : « En ce qui concerne les trois autres chefs d’accusation, les organes d’instruction les ont isolés pour les juger à part (…) » (2). (eda/jm)

Communiqué de l’évêché du diocèse de Vinh
(Mis en ligne sur le site Internet du diocèse de Vinh, il a été traduit par la rédaction d’Eglises d’Asie.)

Objet : Protestations contre une sentence injuste et ambiguë

Xa Doai, le 26 octobre 2013

L’attitude adoptée par le Tribunal populaire du Nghê An, telle qu’elle apparaît à travers le récent procès prétendument « public » et une condamnation prétendument « ajustée aux coupables et à leurs crimes » portée contre les deux paroissiens de My Yên, n’a étonné ni l’opinion publique vietnamienne ni l’opinion internationale. Cette façon de se conclure est bien dans la manière des autorités vietnamiennes. Elle consiste à faire porter par des innocents la responsabilité d’une action erronée pour camoufler celle des pouvoirs publics. L’opinion publique a vigoureusement protesté contre la condamnation injuste et dépourvue de clarté, prononcée par le Tribunal populaire de la province du Nghê An contre MM. Ngô Van Khoi et Nguyên Van Hai.

Après avoir rencontré la famille et la parenté de ces deux personnes à Trai Giao (annexe de la paroisse de My Yên), l’évêché du diocèse de Vinh est en mesure de confirmer que les organes judiciaires n’ont pas communiqué la date du procès (qui a eu lieu le 23 octobre 2013) aux familles des deux accusés. Or, cette communication doit obligatoirement avoir lieu pour que la sentence puisse emporter la conviction de tous, surtout lorsque l’affaire attire l’attention spéciale de l’opinion publique à cause de tels manquements aux procédures. Pourtant, cela n’empêche pas le journal officiel du Nghê An d’affirmer que ce procès était public et sans ambiguïté, et d’ajouter que la sentence rencontre « un large accord dans l’opinion publique ».

Le diocèse de Vinh maintient sa revendication, à savoir que les détenteurs du pouvoir doivent libérer MM. Ngô Van Khoi et Nguyên Van Hai et indemniser les personnes impliquées dans cette affaire pour les dommages causés. Aux parties civiles, l’évêché leur demande d’abandonner toute poursuite en rapport avec l’affaire de Trai Giao du 22 mai 2013 et celle de My Yên du 4 octobre 2013.

Nous vous réitérons ici les points de vue et les revendications légitimes déjà rendus publics dans la lettre 35/13-VTG du 5 juillet 2013 demandant la libération de ces personnes.

P. Paul Nguyên Van Hiêu, chancelier de l’évêché.

(1) Dans une interview accordée à l’agence VRNs, le 28 octobre 2013.
(2) Voir Vietnam+, 23 octobre 2013

(Source: Eglises d’Asie, 28 octobre 2013)