Vietnam: Décès d’un écrivain vietnamien francophone, haut responsable du scoutisme

La plupart des 12 prêtres qui concélébraient la messe de funérailles de l’écrivain Cung Giu Nguyên dans la cathédrale de Nha Trang, le 10 novembre dernier, avaient été formés au scoutisme par le défunt ou avaient suivi ses cours (1). Le scoutisme était en effet l’un des multiples champs d’activités de cette personnalité de la culture vietnamienne qui vient de s’éteindre, à quelques jours d’être centenaire, le 7 novembre 2008. Ses talents se sont exercés en de multiples domaines. Il aura été un écrivain fécond (près de 100 ouvrages, écrits en vietnamien, français et anglais). Dans les divers établissements où il a dispensé son enseignement, avant de devenir le proviseur du lycée principal de Nha Trang, il a initié ses élèves à la littérature vietnamienne et chinoise, au latin, aux lettres françaises, à l’anglais, l’histoire, la géographie, l’économie et même la philosophie.

Il était né le 20 novembre 1909 à Huê, dans une famille d’origine chinoise émigrée du Fou Kiên (Fujian) au XIXème siècle. Après des études secondaires au célèbre collège de Quôc Hoc de Huê, où furent formés un certain nombre d’artisans de l’indépendance vietnamienne, il est obligé de renoncer à des études supérieures de peinture pour gagner sa vie. En 1928, il débute dans l’enseignement à Nha Trang. Pour des raisons politiques, il est licencié de son poste en 1930 et mène alors pendant plus de dix ans une carrière de journaliste. Il collabore à diverses revues et, en 1939, est nommé rédacteur en chef de la revue Soir d’Asie, publiée à Saigon. Il est réintégré dans l’Education nationale en 1945. Il ne quittera plus Nha Trang jusqu’à sa mort, sauf pour différents séjours en France, en Angleterre et dans d’autres pays étrangers. Depuis les années 1970, l’écrivain donnait également des cours à l’université de Nha Trang. Il était officier de l’académie et membre sociétaire de l’Association des écrivains de langue française.

Il a été l’un des grands écrivains francophones du Vietnam. L’une de ses premières œuvres, Volontés d’existence, fut publiée en 1954 sur la célèbre revue France-Asie. Le plus remarquable de ses ouvrages est un roman, Le Fils de la baleine, paru chez Fayard en 1956, un livre que Daniel Rops contribua à faire connaître et qui reçut un très bon accueil de la critique littéraire de la métropole. L’intrigue romanesque du livre intègre une description très précise d’un village de pêcheurs traditionnel et de ses coutumes religieuses. Celle qui fournit le sujet du livre impose au découvreur du cadavre d’une baleine échouée sur la côte le devoir de présider ses funérailles grandioses, comme s’il était son fils. C’est le héros du livre qui joue ce rôle. Cung Giu Nguyên fera encore paraître chez le même éditeur, Le Domaine maudit (1961) et Le Boujoul (1980). Son œuvre en langue vietnamienne n’est pas moins importante.

L’écrivain était un fidèle catholique et a montré durant toute sa vie des signes de son attachement à son Eglise. Il a été l’un des hauts responsables du mouvement scout au Vietnam. C’est lui qui, de 1958 à 1963, avait été chargé du camp de formation des chefs scouts sur le plan national. Lors des funérailles à la cathédrale de Nha Trang, se côtoyaient les diverses générations d’élèves l’ayant eu comme professeur, de très nombreux responsables du mouvement scout, venus de tout le pays et même de l’étranger. Ce sont eux qui, après la messe de funérailles, ont accompagné son cercueil jusqu’au cimetière de Hon Chuông, où il repose désormais.

(1) Voir VietCatholic News, 11 novembre 2008. Le décès a été annoncé, le 7 novembre 2008, par le journal Tuôi Tre (‘Jeunesse’), qui a publié une notice biographique. Le reste de la presse officielle a, semble-t-il, passé l’événement sous silence. On peut lire un essai d’Alain Guillemin sur cet auteur à l’adresse http://newvietart.com/index4.256.html

(Source: Eglises d'Asie, 12 novembre 2008)