Le 8 mai dernier, un secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères vietnamiennes, Pham Binh Minh, a exposé pendant 2 heures, devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies réuni à Genève, la situation des droits de l’homme dans son pays. Il ne s’agissait pas là d’une initiative de la délégation vietnamienne, mais d’une obligation imposée par le décret adopté, le 18 juin 2007, par le Conseil des droits de l’homme. Celui-ci prévoit une série de mesures destinées à assurer l’application des droits de l’homme dans l’ensemble des pays du monde. L’une d’elles stipule qu’à partir de l’année 2009, chacune des 192 nations membres de l’organisation des Nations Unies, devra, à tour de rôle et périodiquement, présenter devant le Conseil un rapport sur l’état et l’évolution des droits de l’homme dans son propre pays, un rapport qui pourrait être soumis à la critique des autres nations et ONG concernées.

L’événement était très attendu dans le pays, où, depuis plus de deux semaines, les déclarations gouvernementales comme les articles de la presse officielle ont attiré l’attention de l’opinion publique sur cet événement. La diaspora vietnamienne, très sensible en ce domaine, s’est également manifestée: on comptait environ 500 représentants de la diaspora devant le siège des Nations Unies, le 8 mai 2009. Quelques-uns d’entre avaient pris place à l’intérieur du Conseil. La plupart manifestaient sur l’esplanade, devant le siège des Nations Unies, en faveur de la démocratie, pour la libération des prisonniers politiques, l’interruption de l’exploitation de la bauxite sur les Hauts Plateaux du Centre, etc.

Au Vietnam, dès le 21 avril, au nom des Affaires étrangères, Pham Binh Minh, avait présenté le rapport des droits de l’homme devant la presse nationale et internationale. Le 23 avril, le texte vietnamien intégral de 22 pages était disponible sur le site Internet des Affaires étrangères (1). Il a aussitôt été résumé et commenté par les principaux médias officiels. C’était en effet la première fois que les autorités officielles se livraient à un exercice de ce genre. On peut regretter que ce soit surtout un exercice d’autosatisfaction, si l’on excepte la mise en évidence de quelques défaillances, considérées comme les conséquences de la guerre. Le texte passe en revue un certain nombre de droits fondamentaux, sans relever aucune faille dans leur application: le fonctionnement démocratique des institutions, le droit de fonder des associations, le droit d’expression et la liberté de presse, les droits individuels, économiques, culturels et sociaux, etc. Le rapport insiste longuement sur la lutte contre la pauvreté engagée par l’Etat vietnamien.

Dans ce rapport volumineux, la place accordée à la description de la situation religieuse est en fin de compte assez restreinte. Une seule page lui est consacrée. Il y aurait aujourd’hui au Vietnam, 20 millions de croyants pour une population totale de 86 millions d’habitants. Cependant, le rapport ajoute que 80 % de la population mène une vie « religieuse », sans précisions complémentaires (2). En conséquence, l’Etat vietnamien considère « la croyance et la religion, comme un besoin légitime de l’homme et ne cesse de garantir l’exercice de la religion pour sa population ». Douze religions sont aujourd’hui reconnues par l’Etat, le bouddhisme, le catholicisme et le protestantisme étant celles qui comptent le plus de fidèles. Le rapport affirme ensuite que les croyants au Vietnam jouissent des conditions les plus favorables pour exercer leur religion. Les jours de fête rassemblent, dans les pagodes, les églises et les temples, des centaines de milliers de fidèles. Les anciens lieux de culte sont restaurés, de nouveaux sont construits. La formation du clergé est assurée. Nombreux sont les jeunes ecclésiastiques qui sont envoyés en formation dans des pays étrangers, comme les Etats-Unis, la France, l’Italie, l’Inde. Les organisations religieuses, selon les auteurs du rapport, peuvent mener des activités caritatives et apporter leur contribution dans les domaines de la santé et de la culture. Enfin, les représentants des différentes Eglises et religions participent sans difficulté aux divers rassemblements religieux internationaux.

Il n’y a aucune ombre au tableau et aucune allusion n’est faite aux divers conflits qui ont opposé, ces temps derniers, les autorités civiles et des religions comme le bouddhisme unifié (3), le catholicisme et certains groupes protestants. Ces différends n’ont pas seulement concerné les terrains et les propriétés religieuses accaparés par l’Etat, mais encore des questions touchant la société, comme l’éducation, l’exploitation de la bauxite sur les Hauts Plateaux du centre du pays, ou encore la liberté d’expression et de la presse, etc. De plus en plus, certaines instances religieuses apparaissent comme les porte-parole de la société civile.

Il est à souligner que, pour la rédaction de ce rapport sur les droits de l’homme, les auteurs n’ont pas consulté les responsables des grandes organisations religieuses, mais seulement les groupements dépendants directement ou indirectement du Front patriotique. Au début du rapport, sont énumérées les différentes associations consultées pour tracer ce tableau des droits de l’homme au Vietnam. Pour la question religieuse, seules deux organisations ont été entendues, à savoir l’instance directrice du bouddhisme patronné par l’Etat et le Comité d’union du catholicisme, qui n’est pas une association d’Eglise mais un organe du Front patriotique.

(1) On peut trouver l’intégralité du texte vietnamien de ce rapport sur les droits de l’homme sur le site des Affaires étrangères, mis en ligne le 23 avril 2009: http://www.mofa.gov.vn/vi/nr040807104143/nr040807105001/ns090423105036
(2) On n’identifie pas clairement les 20 % de Vietnamiens sans vie religieuse. Le Parti communiste lui-même, qui compte plusieurs millions d’adhérents, encourage le culte des ancêtres et des héros de la nation. Il y participe lui-même. Trente temples et lieux de culte sont ainsi consacrés au culte de Hô Chi Minh (voir EDA 464).
(3) A propos du bouddhisme unifié, partie de la communauté bouddhique refusant la mainmise du régime sur ses instances, voir, notamment, EDA 385, 395, 403.

(Source: Eglises d'Asie, 11 mai 2009)