VIETNAM: L’incompatibilité entre l’école bouddhiste du Village des pruniers et le gouvernement vietnamien se confirme

Eglises d’Asie, 20 avril 2010 - Victimes d’une première expulsion de leur couvent de Bat Nha, les quelque 400 religieux de l’école bouddhiste du Village des pruniers, communauté fondée en France par le vénérable Thich Nhat Hanh, avaient été aussi obligés, dans les derniers jours de l’année, de quitter le monastère de Phuoc Thien où ils s’étaient réfugiés et de se disperser dans la nature. Depuis cette date, très peu d’informations avaient filtré concernant le destin de ces moines. Une rencontre entre une délégation de religieux du Village des pruniers et le personnel de l’ambassade du Vietnam à Paris remet cette affaire dans la lumière de l’actualité et permet de conclure qu’une solution de conciliation n’est pas à envisager pour le moment.

Le 8 avril dernier, à l’invitation de l’ambassade du Vietnam à Paris, une délégation du Village des pruniers, conduite par le vénérable Thich Trung Hai, a rencontré des membres du personnel diplomatique. Selon le compte rendu du religieux, cette rencontre a été particulièrement décevante (1). Le personnel de l’ambassade s’est plaint de l’absence du maître fondateur du Village des pruniers, le vénérable Thich Nhat Hanh. Celui-ci a l’habitude de déléguer ses pouvoirs pour tout ce qui concerne les affaires administratives. Les religieux n’ont pu débattre de leurs problèmes ni avec l’ambassadeur ni avec son adjoint. Leurs seuls interlocuteurs auront été des employés de l’ambassade de second niveau. Ceux-ci se sont contentés de répéter les thèses officielles à savoir que l’affaire de Bat Nha était une affaire intérieure au bouddhisme, qui ne concernait pas l’État mais opposait le Village des pruniers et l’Eglise bouddhiste officielle du Vietnam; une affirmation qui a été largement démentie par diverses déclarations du bouddhisme officiel au Vietnam. L’ambassade vietnamienne a également reproché aux religieux d’avoir répandu des versions des faits erronées et déformées.

Les représentants du Village des pruniers, très déçus de leur entrevue, en ont conclu que l’intention des Affaires étrangères vietnamiennes était seulement de montrer au monde que l’État vietnamien était en rapport avec les religieux bouddhistes afin de trouver une solution à la question de Bat Nha. En réalité, il ne s’agirait là que d’une attitude formelle ne recouvrant aucune intention authentique de réconciliation.

Au début de l’année 2010, une demande d’asile en France pour les religieux persécutés au Vietnam avait été déposée auprès de la présidence de la République française. Aujourd’hui, selon les confidences du vénérable Thich Trung Hai, le Village des pruniers s’orienterait déjà vers une solution hors du Vietnam. Au mois d’octobre prochain, le maître de cette école bouddhiste zen, Thich Nhat Hanh, partira en tournée dans divers pays d’Extrême-Orient (Hong kong, Malaisie, Indonésie et Thaïlande). Certaines communautés bouddhistes de ces pays seraient heureuses d’accueillir les jeunes moines vietnamiens, obligés de quitter leur pays pour continuer de pratiquer le mode de vie religieuse du Village des pruniers.

Déclarés indésirables depuis déjà plus d’un an, les 400 religieuses et moines bouddhistes du monastère de Bat Nha, dans la province de Lâm Dông, avaient été expulsés dans la violence et la précipitation par une troupe d’hommes de main de la Sécurité, le 27septembre 2009. Dans les jours qui suivirent, les moines chassés trouvèrent refuge dans la pagode-monastère de Phuc Huê où le recteur leur avait donné l’asile. Les pressions exercées par les autorités sur les religieux comme sur leurs hôtes, les obligèrent finalement à se disperser dans les derniers jours de l’année.

Leur communauté avait été fondée au Vietnam par le vénérable Thich Nhât Hanh. Celui-ci, après un long exil aux États-Unis puis en France où il s’est fixé, avait au mois de janvier 2005, accompli en compagnie de nombreux disciples une visite au Vietnam où les autorités l’avaient accueilli avec beaucoup d’égards. Il avait renouvelé son voyage en 2007 et avait même présidé de solennelles cérémonies de réconciliation nationale, officiellement autorisées par l’État. Ces bonnes relations lui avaient permis de fonder une communauté religieuse vivant selon l’esprit et les règles du Village des pruniers. Les causes de la rupture des bonnes relations entre les religieux et les autorités ne sont pas, pour le moment, très claires. Le changement d’attitude des autorités pourrait être lié à certaines déclarations publiques du fondateur de cette école bouddhiste (2).

(1) les propos du religieux bouddhiste ont été rapportés par Radio Free Asia, émission en vietnamien, le 19 avril 2010(2) Pour l’historique de cette affaire, voir EDA 514, 515, 516, 520, 521, 523, 524