CHINE: De passage à Hongkong, le chef des Affaires religieuses minimise le rôle des Eglises domestiques

Eglises d’Asie, 6 avril 2010 – Après avoir pris en septembre 2009 la succession de Ye Xiaowen à la tête de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses (plus connu sous l’ancienne appellation de Bureau des Affaires religieuses) (1), Wang Zuo’an a effectué sa première visite officielle à Hongkong à la fin du mois de mars dernier (2). A cette occasion, il s’est entretenu avec les principaux dirigeants des Eglises protestantes du Territoire et, le 27 mars, il a exprimé l’idée, très convenue, que les communautés protestantes en Chine continentale devaient pour leur propre bien s’enregistrer auprès de l’officiel Mouvement des trois autonomies.

L’essor des communautés chrétiennes, notamment protestantes, est une réalité connue en Chine populaire et la presse chinoise s’en fait d’ailleurs l’écho (3). Le souci que les autorités gouvernementales rencontrent est qu’une partie de plus en plus importante de ces communautés choisissent de se développer en dehors du cadre officiel prévu pour elles. En clair, les « Eglises domestiques », au sens où elles regroupent des communautés, plus ou moins importantes, qui se réunissent, non dans les églises affiliées au Mouvement des trois autonomies mais dans des appartements, des salles louées dans des hôtels ou encore des entrepôts, échappent au contrôle du gouvernement, lequel s’exerce par l’entremise du Mouvement des trois autonomies, qui est l’équivalent, pour les protestants, de l’Association patriotique des catholiques chinois.

Le 27 mars, dans un temple luthérien de Hongkong, Wang Zuo’an a invoqué l’argument de la sécurité pour justifier son appel à ce que les Eglises domestiques de Chine continentale régularisent leur situation en s’affiliant au Mouvement des trois autonomies. Il a notamment expliqué que des individus cherchaient à éviter l’affiliation parce que les Eglises domestiques qu’ils fondaient et dirigeaient étaient un moyen pour eux de gagner leur vie; autrement dit, certains en Chine n’hésitaient pas à utiliser les habits de la religion pour abuser de la confiance des croyants et vivre à leurs dépens. D’autres fondaient une Eglise domestique parce qu’ils étaient entrés en conflit avec leur Eglise d’origine et avaient choisi de faire sécession. Dans d’autres cas, a-t-il encore précisé sans développer plus avant, une Eglise domestique pouvait naître parce que des désaccords de nature théologique apparaissaient au sein de telle ou telle communauté. Il pouvait aussi arriver que des croyants soient influencés par des chrétiens de l’étranger et arrivent à penser que seules les Eglises domestiques étaient légitimes, a-t-il déclaré.

Interrogé par ses interlocuteurs hongkongais quant à la possibilité de voir accordées aux chrétiens continentaux les libertés dont jouissent les chrétiens de Hongkong, le responsable des Affaires religieuses a répondu que « la Chine [était] confrontée à tant de défis dans le domaine religieux » que « si la diversité religieuse constatée à Hongkong [était] appréciable, la taille de la Chine et le contexte qui [était] le sien font que les choses y [étaient] plus compliquées ». Il a évoqué à ce propos le défi que représentait la formation des pasteurs en Chine continentale, tout particulièrement dans les régions rurales, là où des chrétiens « mêlaient des coutumes locales aux enseignements religieux ».

A propos du nombre des chrétiens protestants en Chine populaire, Wang Zuo’an a cité le chiffre de 20 millions de fidèles, 16 millions d’entre eux pratiquant leur religion dans les structures enregistrées auprès du Mouvement des trois autonomies et 4 dans des églises non enregistrées. Avec le chiffre de 16 millions, Wang Zuo’an ne s’éloigne pas beaucoup de celui publié en 2005 par le Mouvement des trois autonomies, qui faisait état d’une fourchette comprise entre 10 et 15 millions de croyants. Quant au chiffre de 4 millions de fidèles hors structures, la mention est plus originale mais reste très éloignée des données fournies récemment par un chercheur chinois, qui évoquait 50 millions de protestants pratiquant leur religion dans des Eglises domestiques (4). Signe sans doute du malaise créé par de telles divergences statistiques, Wang Zuo’an a déclaré que Pékin souhaitait que soit mené un décompte précis des chrétiens en Chine; mais il a aussitôt ajouté que le simple fait de prendre la décision d’effectuer un recensement pourrait être mal compris.

A l’agence chrétienne d’information ENI (Nouvelles œcuméniques internationales) (5), un chrétien protestant de Pékin, membre d’une Eglise domestique, a commenté les propos de Wang Zuo’an en expliquant qu’il était inexact de dire que les membres des Eglises domestiques « refusaient de s’enregistrer » auprès des autorités. « Nous sommes prêts à nous enregistrer auprès des autorités civiles, mais non auprès de l’administration des Affaires religieuses », qui est « inconstitutionnelle » du fait de « son ingérence dans la liberté religieuse des citoyens », a expliqué Yu Jie. Le Mouvement des trois autonomies est « un mouvement dont la nature est politique; il ne constitue par une organisation d’Eglise au sens où la Bible l’entend », a précisé ce chrétien, ajoutant que « les mesures coercitives dirigées contre des Eglises domestiques n’[avaient] pas lieu d’être ».

(1) Voir EDA 514

(2) La visite de Wang Zuo’an à Hongkong s’est déroulée du 26 au 31 mars 2010. Il était invité dans le Territoire par le Colloque des six responsables religieux de Hongkong, structure fondée en 1978 réunissant des responsables bouddhistes, catholiques, protestants, musulmans, confucéens et taoïstes pour discuter de questions sociales.

(3) Voir dépêche ci-dessus

(4) Voir EDA 519, 520

(5) ENI, 31 mars 2010.