Politique intérieure

Elections


* La préparation des élections du 28 juillet prochain domine désormais toute la vie politique cambodgienne :

* Un comité des droits de l’homme composé de parlementaires de 162 pays propose un texte au Conseil de l’Union interparlementaire, dont le Cambodge fait partie, qui demande à ce que Sam Rainsy puisse participer aux futures élections. Le porte-parole du gouvernement cambodgien répond par la négative, car Rainsy a été condamné par une justice indépendante.

* Le 31 mars, plus de 1 000 membres du Parti des Droits de l’Homme (PDH), élisent Son Soubert président du parti, pour permettre à Kem Sokha, l’ancien président, de tenir un poste dans le nouveau Parti du Salut National Cambodgien (PSNC, fusion entre le PSR et le PDH).

* Un rapport de 58 pages composé par Comfrel (Comité pour des élections libres et justes au Cambodge) révèle que 1,25 million de votants (sur 9,6 millions) pourraient perdre leur droit de vote (suppression de noms, données qui ne correspondent pas aux données de la liste des précédentes élections, etc.). Deux semaines auparavant un audit mené par l’Institut démocratique national américain avait révélé que le nom d’un électeur sur dix ne correspondait à personne, et que 9 % des noms d’électeurs avaient été retirés indûment des listes électorales. Le CNE (Comité national pour les élections) rejette en bloc ces accusations, et commence à recruter 735 membres temporaires, tous PPC, pour ses comités provinciaux et communaux.

* Bien que la campagne électorale ne soit pas encore officiellement commencée, Hun Sen utilise tous les moyens pour attaquer l’opposition : si l’opposition gagne, ce sera la guerre civile, car elle fera la chasse aux anciens détenteurs du pouvoir ; ce sera la guerre avec les voisins (19 avril) ; elle changera le nom des écoles qui portent son nom et fera la chasse aux sorcières dans l’administration et l’armée (29 avril). Un clip de 22 minutes et d’autres plus courts sont diffusés à la télévision et sur les radios, qui montrent Sam Rainsy et Kem Sokha, les deux dirigeants actuels du PSNC, s’insultant et se reprochant leurs positions politiques durant les précédentes campagnes...

* Un manuel de 80 pages donne des directives aux membres du PPC de tous les niveaux pour mener la campagne : on y vante les réalisations du gouvernement, l’histoire du PPC, les moyens de s’opposer à l’opposition, le rôle du PPC dans l’établissement de la paix lors des Accords de Paris. On y ridiculise le PSR dont les Combattants pour la liberté de 2 000 étaient d’anciens membres ; on ridiculise le nom du PSNC (Parti du Salut National Cambodgien) : de quoi doit-on sauver le pays ? etc. Tous les médias sont acquis au PPC et diffusent de la propagande en sa faveur 365 jours par an, on ne peut que prévoir sa victoire...

* Pour s’attirer les votes des musulmans, Hun Sen vante la tolérance (et la paix religieuse réelle) qui existe entre les religions au Cambodge. Il fait un don de 5 000 dollars pour le concours annuel de chants organisé par le communauté musulmane.

* Le PPC assure sa succession dynastique : selon les traditions d’une société clanique, les ministres nomment leurs fils comme candidats aux futures élections (Hun Manit, le plus jeune fils de Hun Sen ; Sar Sokha, fils du ministre de l’Intérieur Sâr Kheng ; Say Sam Al, fils de Say Chhum, président du Sénat ; Dith Tyna, fils de Dith Munthy, président de la Cour suprême ; Cheam Chansophoan, fils de Cheam Phéap, député ; Sok Sokhan, fils de Sok An, Vice-Premier ministre ; Dy Vichéa, fils de Hok Lundy et gendre de Hun Sen). « J’espère que les enfants PPC seront plus ouverts et iront du côté de la démocratie », commente Son Soubert. L’arrivée de ces jeunes pourrait amener des scissions au sein du PPC.

* Selon Hun Sen, Manit, son jeune fils, est sans doute le fils du Néak Ta Anchanh Koh Thmâr, qui, par un éclair, a frappé un banian proche de sa maison lors de sa conception.

* Dans l’opposition, deux fils du président du PSR sont également désignés comme candidats.

* Selon le CNE, le peu de dons de l’étranger (don d’ordinateurs pour une valeur de 26 000 dollars de la part de la Corée du Sud) montre la confiance de la Communauté internationale dans le système électoral cambodgien. On enregistre seulement 18 candidatures d’observateurs (592 en 2008, 1 156 en 2003). La réalité est toutefois différente : le 24 avril, l’ONU confirme qu’elle n’enverra pas d’observateurs car elle n’y a pas été invitée par le gouvernement (son envoyé Surya Subédi a fait un rapport très critique sur le CNE en 2012). L’Union européenne refuse de financer, car ses recommandations n’ont pas été suivies d’effets.

* La période d’enregistrement des partis et de leurs candidats est fixée entre le 29 avril et le 13 mai. Chaque parti doit verser 3 760 dollars, qui lui seront rendus s’il obtient plus de 3 % des voix. Le pays compte 43 partis politiques inscrits au ministère de l’Intérieur, mais seulement une dizaine participent aux réunions du CNE. Le PPC s’inscrit le premier, suivi du FUNCINPEC, et du Parti démocratique républicain et de la Nation du Kampuchéa, le Sanchéat Khmer Parti, le parti de la Fédération pour la Démocratie. Le PSNC attend le 11 mai, afin de faire pression sur le CNE pour qu’il révise les listes électorales.

* Le 8 mai, le député Cheam Yéap écrit une lettre à Hun Sen et à Heng Samrin, président de l’Assemblée nationale, pour leur demander de geler les salaires des députés appartenant au PSNC, car ils forment un parti qui n’est pas encore reconnu à l’Assemblée. Les députés du PSR et de PDH doivent donc quitter l’hémicycle jusqu’à après les élections. Ils n’y sont tolérés que grâce à la sympathie et à la compréhension de la part du président de l’Assemblée. De fait, la loi cambodgienne est ainsi faite.

Décentralisation et changements

* Par souci de décentralisation, le Premier ministre propose un amendement à la loi qui donnera aux gouverneurs le pouvoir de désigner leurs collaborateurs provinciaux et municipaux, choix jusqu’à présent privilège des ministres. En réalité, c’est un renforcement du pouvoir du Premier ministre, dont les gouverneurs sont ses conseillers.

* Le 18 avril, Hun Sen ordonne la mise à la retraite de dix gouverneurs pour raison d’âge : ceux de Siemréap, de Kompong Thom, Kompomg Cham (frère de Hun Sen), Stoeung Treng, Kandal, Kompong Speu, Mondolkiri, Phnom Penh. Celui d’Oddar Méan Chhey est remplacé pour des raisons de santé, celui de Bantéay Méan Chhey se retire pour se lancer dans la course électorale. Ainsi, Pa Sochéatvong devient gouverneur de Phnom Penh à la place de Kep Chuktema, qui brigue un mandat de député. En février, il avait ordonné la retraite de dix députés du PPC, et d’autres hauts fonctionnaires, sans donner de raisons.

Politique extérieure

* Hun Sen faitun don de 500 000 dollars pour construire un complexe scolaire au Mali, qui a une population à peu près égale à celle du Cambodge, et un PIB individuel légèrement supérieur.

* Du 8 au 12 avril, Hun Sen se rend en Chine où il participe à divers forums auxquels assistent de nombreux responsables politiques de l’ASEAN. Il promet de soutenir « les intérêts stratégiques chinois ». Un « comité inter-gouvernemental de coodination » est établi pour renforcer « le partenariat et la coopération stratégique ». « La Chine utilise le Cambodge comme un instrument pour diviser l’ASEAN », remarque l’observateur cambodgien Lao Mong Hay.

* Le 15 avril, le ministre des Affaires étrangères cambodgien et onze de ses collaborateurs se rendent à la Cour internationale de La Haye pour quatre jours de discussions avec une délégation thaïlandaise. La Cour doit interpréter son jugement de juin 1962 et définir à quel pays appartiennent les 4,6 km² qui entourent le temple de Préah Vihéar. La décision sera rendue dans plusieurs mois. Ces discussions parfois tendues n’empêchent pas le commerce de progresser : en 2012, le Cambodge a exporté pour 252 millions de dollars en Thaïlande et importé pour 3,8 milliards.

Chambres spéciales au sein de Tribunaux cambodgiens

* Le 24 mars, les gouvernements suédois et norvégien accordent chacun un don de un million de dollars au côté international du Tribunal. Depuis l’établissement du tribunal, le Norvège a donné un total de six millions de dollars.

Economie

Agriculture


* Le 7 mai, le directeur de la société d’Etat d’exportation de riz annonce que, depuis le début de l’année, le Cambodge a exporté 118 500 tonnes de riz décortiqué, soit une croissance de 43 % par rapport à l’année dernière, principalement en direction de l’Union européenne. Ces dernières années, le riz cambodgien était décortiqué en Thaïlande et vendu comme riz parfumé thaïlandais.

* Le 27 avril, la société Asia Salt, filiale khmère d’une société coréenne, et financée par la Grande Bretagne, la Suisse et l’Australie, inaugure des installations d’un coût de 2,9 millions de dollars, qui permettront de fournir 20 000 tonnes de sel d’excellente qualité par an pour l’exportation. Cette société emploiera 350 personnes sur une superficie de 120 hectares. La région comprend environ 4 500 hectares de salines, et produit en moyenne 80 000 tonnes de sel par an, de qualité inférieure à celle des pays voisins.

Tourisme

* Le 2 avril, le conglomérat cambodgien Royal Group signe un accord avec la plus grande compagnie aérienne des Philippines pour créer Cambodia Airlines, une seconde compagnie nationale, après Cambodia Angkor Air. On prévoit cinq millions de touristes en 2015. Pour les accueillir, les aéroports cambodgiens engagent 150 millions de dollars d’investissement pour doubler leur capacité d’accueil.

Commerce

* Les exportations cambodgiennes vers l’Europe ont crû de 23 % en 2012, pour atteindre 2,32 milliards de dollars, grâce notamment à l’accord multifibre. Elles représentent 42 % du total des exportations. Ces exportations sont essentiellement des produits textiles et des chaussures, mais également des pièces détachées (225 millions de dollars).

* Depuis 2009, l’Union européenne importe du sucre cambodgien. Elle en a importé 15 500 tonnes en 2012, pour une valeur de près de dix millions d’euros. Des ONG de défense des droits de l’homme accusent l’UE d’acheter du sucre, « prix du sang » des Khmers, produit par les usines du sénateur cambodgien Ly Yong Phat, qui a dépossédé les paysans de leurs terres.

* Le 28 mars, Jonay Day, société juridique britannique, porte plainte contre la société anglaise Tate & Lyle, importatrice du sucre cambodgien, au nom de 200 familles cambodgiennes dépossédées par Ly Yong Phat en 2006, mais qui seraient légalement propriétaires de 1 364 hectares. En 2009, Tate & Lyle a signé un accord pour cinq ans avec la société thaïlandaise Khon Kaen Sugar qui détient la majorité des plantations de sucre de Ly Yong Phat, et qui a importé 48 000 tonnes de sucre pour une valeur de 32 millions de dollars. En juillet 2012, la Commission nationale des droits de l’homme thaïlandaise avait rendu public un rapport préliminaire qui rendait la société Khon Kaen Sugar, associée à Ly Yong Phat, responsable des exactions à l’égard des paysans. En octobre 2012, le parlement européen a demandé une enquête. Le 20 mars 2013, le parlement européen demande à son représentant de mener une enquête sur l’application de la résolution passée en octobre dernier, concernant les concessions économiques au Cambodge, notamment les concessions dans la province de Koh Kong. En novembre 2012, des ONG aident les familles à porter plainte également contre l’American Sugar, société mère de Tate & Lyle.

* Le 8 mai, le ministre cambodgien de l’Agriculture défend Tate & Lyle : les paysans n’avaient pas de titres de propriété quand leurs terres ont été données en concession.

Dons et investissements

* Le 24 mars, le Premier ministre pose la première pierre d’un pont sur le Bassac financé à hauteur de 20 millions de dollars par la Chine. Hun Sen félicite la Chine qui a accordédes fonds pour la construction de 11 des 17 projets de ponts : sept sont achevés, cinq sont en construction avec l’aide de la Chine et du Japon. Deux ponts sont prévus sur le Mékong : l’un dans la province de Kratié, l’autre dans celle de Kompong Cham. Le Premier ministre demande, en outre, l’aide de la Chine pour construire un pont de 3,5 km au dessus du Tonlé Sap, qui relira les provinces de Kompong Chhnang à celle de Kompong Thom.

* Le 19 mars, Ly Yong Phat signe un contrat avec une société thaïlandaise pour l’installation d’une usine de fabrication de matériel électronique dans la Zone économique spéciale de Koh Kong. La société devrait investir 27 millions de dollars.

* Le 27 mars, l’ambassadeur du Koweit annonce la construction d’une école coranique pour une valeur de 350 000 dollars qui pourra former 400 étudiants aux « sciences de la charia ».

* Les travaux de déboisement en vue de la construction du barrage Sésan II ont commencé le 21 mars. Le maire de secteur, PSR, doit signer un engagement de ne pas parler aux médias.

* Seuls 18 % des 190 000 m² de locaux administratifs construits à Phnom Penh sont vacants, ce qui donne un taux d’occupation de près de 80 %. « C’est un bon signe de la croissance du marché », dit un spécialiste.

* Le 6 avril, le Premier ministre Hun Sen se rend en Chine. Il y rencontre le Premier ministre et le président chinois. Il signe huit contrats, dont l’un de 1,67 milliard concernant une raffinerie de pétrole dans la province de Kampot. Cette raffinerie devrait raffiner plus de cinq millions de tonnes de brut chaque année, extrait du golfe de Thaïlande, et commencer à produire de l’essence dès cette année.

Il signe également des prêts, l’un de 73 millions pour des projets d’irrigation de la province de Kompong Thom, et pour la construction d’un pont à Saang. Selon le ministre cambodgien du Commerce, la Chine aurait fait un don de 47 millions au gouvernement pour subvenir à son déficit budgétaire, et accordé un prêt à faible intérêt de 500 millions.

* Le 17 avril, la Banque mondiale bloque un contrat de dix ans pour l’électrification des provinces cambodgiennes par la société canadienne SNC-Lavalin, de triste renommée mondiale, pour un pot de vin de 50 millions de dollars versés au Bangladesh dans un contrat de construction d’un pont.

* L’Agence française de développement (AFD) célèbre ses 20 ans de présence au Cambodge. Elle est au 7ème rang des donateurs d’aides, avec 354 millions de dollars, dont 130 millions pour huit projets en 2013-2014. 90 % de cette somme consistent en prêts.

* Le 30 avril, le Japon signe un prêt de 90 millions de dollars pour financer la reconstruction des 47 km de la nationale 5 entre Battambang et Sisophon, qui se trouve sur le corridor économique entre Bangkok et Ho Chi Minh-Ville. Depuis 2010, le Japon a accordé 335 millions en dons et 139 millions en prêts conventionnés. Depuis 2012, les investissements japonais ont plus que doublé pour atteindre 259 millions, et le commerce entre les deux pays a atteint 800 millions. Une société de confection de vêtements de ski s’installe dans la ZES de Bavet, et emploie déjà 200 personnes.

Société

Travailleurs migrants

* Plus de 20 000 Cambodgiens travaillent ou étudient en Corée du Sud.

* Le 10 mai, une Taïwanaise est arrêtée pour trafic d’être humain. Elle est propriétaire de la Société de Pêche du Grand Océan International, reconnue par le ministère cambodgien de l’Intérieur comme agence de recrutement. Elle aurait recruté et vendu plus de 1 000 Cambodgiens comme esclaves sur des bateaux pêchant près de l’Afrique. Ces esclaves travaillaient 20 heures par jour, avec peu de nourriture et pas de salaire. Elle les avait recrutés pour aller travailler au Japon, et promis un salaire de 250 dollars.

* Durant les deux dernières semaines d’avril, après les déplacements du Nouvel An, la police a stoppé l’entrée de 2 235 Cambodgiens en Thaïlande.

* En 2012, le secteur du bâtiment a connu une croissance des investissements de 72 %, s’élevant à 2,11 milliards de dollars. Cependant, les employeurs ont des difficultés à trouver du personnel, qui, même qualifié, part en Thaïlande pour gagner un meilleur salaire (300 dollars/mois). Ils seraient 500 000 dans ce pays, dont la moitié comme clandestins. Seule une amélioration des conditions économiques des travailleurs au Cambodge tarira ce flux.

Mouvements sociaux

* Le 27 mars, les 221 ouvriers de l’usine Kingsland Garment, après trois mois de manifestations, obtiennent des indemnités de licenciement qui s’élèvent entre 427 et 1 851 dollars, selon leur ancienneté, soit un total de 205 000 dollars, versés après la liquidation des avoirs de leur usine en faillite.

* Le 3 avril, près de 3 000 employés d’une usine de confection textile se mettent en grève, car la direction menace de supprimer leur bonus annuel s’il prennent six jours de congé au lieu de quatre, à l’occasion du Nouvel An.

* Le 9 avril, près de 200 anciens employés de la société thaïlandaise Mefone en faillite, qui représentent 1 092 employés, manifestent devant l’ambassade de Thaïlande, pour demander que leur soient versées leurs indemnités de licenciement, soit environ 4,4 millions de dollars. Dix-huit employés thaïlandais les ont reçu le 3 avril dernier.

* Le 22 avril, après trois jours de grève, environ 2 000 manifestants de l’usine textile Full Fortune de Svay Rieng obtiennent gain de cause, dont, en autres, une augmentation de salaire de dix dollars, une augmentation d’indemnité de transport qui passera de trois à six dollars.

Impôts

Le FMI et les pays donateurs d’aides insistent pour que des taxes et impôts rentrent dans les coffres de l’Etat. Jusqu’à présent, seules certaines sociétés payent des impôts. La mise en place de l’impôt sur les bas salaires s’oppose à une résistance :

* Le 1er avril, une centaine de chauffeurs de taxi d’une société coréenne se mettent en grève pour refuser de payer la taxe de 10 % sur leurs salaires. La société accepte de payer cet impôt à leur place.

* Le 1er mai, plus de 50 ingénieurs employés par une société japonaise pour la construction du pont de Néak Luoeung, manifestent pour ne pas payer un impôt de dix dollars sur leur salaire de 400.

* Les exportateurs de fruits de mer s’opposent également à payer une taxe de 10 %, car ils ne seraient plus compétitifs face au Vietnam et à la Thaïlande. Selon le ministre du Commerce, le Cambodge a exporté 1 600 tonnes de poissons et de fruits de mer en 2012, pour moins de 3,5 millions de dollars. La Thaïlande exporte chaque année pour 6,5 milliards en fruits de mer, et le Vietnam 4,5 milliards.

Conflits fonciers

* Le 2 avril, durant la Conférence annuelle de la Banque mondiale, le représentant de l’agence de développement allemande GIZ fait l’éloge à Hun Sen pour avoir distribué près de deux millions de titres de propriété en dix mois. Le représentant allemand émet quelques réserves sur les réticences à accorder des titres collectifs aux communautés ethniques, ainsi que sur son refus de régler les conflits fonciers avec les détenteurs de concessions. Les organisations de défense des droits de l’homme ont une opinion différente. Selon ADHOC, beaucoup de ces titres de propriété ne sont pas destinés à l’amélioration de la vie des pauvres, mais ne sont qu’« un instrument pour légaliser les terres occupées par les riches et les puissants ».

* Selon un rapport de sept organisations internationales et ONG, dont le OIT (Organisation internationale du travail), CLEC (Centre d’éducation légale des communautés), CEDA (Centre d’étude et de développement de l’agriculture), alors que la loi foncière de 2001 prévoit d’accorder des titres collectifs aux minorités, la directive gouvernementale 01BB incite ces minorités à abandonner leurs terres collectives en échange de titres de propriété individuelle : les autorités n’aideront pas ceux qui n’acceptent pas les titres individuels. Selon ADHOC, les minorités vont être transformées à court terme en force de travail dans les plantations.

* Le 10 avril, 29 familles de Ratanakiri portent plainte contre trois sociétés qui coupent la forêt dans la réserve animalière de Lumphat depuis février. Ces sociétés auraient déjà coupé 600 arbres. Ces sociétés (Daun Penh Agri, Hoa Anh Andong Méas, Hoa Anh Lumphat) ont reçu environ 15 000 hectares en concession pour y planter des hévéas.

* Le 18 avril, les autorités de Ratanakiri confisquent 669 pièces de bois précieux, représentant 589 m3 dans une concession accordée à la société vietnamienne Hoa Anh. Selon ADHOC, ces pièces de bois mesurent de 25 à 30 de long et environ 50 cm de diamètre.

* Plus de 120 villageois de Ratanakiri (Trang Churng) manifestent contre un magnat local qui a vendu leurs terres à une société chinoise. La loi foncière de 2001 stipule que toute personne vivant sur un terrain depuis dix ans avant cette loi en est propriétaire.

* Le 2 mai, 50 représentants de 157 familles de Préah Vihéar, expulsées de leurs terres en 2010 par un ancien conseiller du président du Sénat Chéa Sim, apportent une pétition à Hun Sen pour la 4ème fois afin deréclamer leurs terres.

* Le 6 mai, une douzaine de villageois de Koh Kong portent une lettre de protestation contre la société chinoise UDG qui construit un ensemble balnéaire de 3,8 millions de dollars et qui veut les expulser de leurs terres, contre leur gré.

* Le 30 avril, Thun Saray, de l’association ADHOC, note 48 cas d’intimidation de ses agents lors de conflits fonciers depuis le début de l’année. Il y en a eu 238 l’an dernier.

* En février,le ministre de l’Agriculture signe un accord avec Try Phéap, pour commercialiser tous les arbres coupés dans les concessions de Ratanakiri, afin de « générer des royalties dans les caisses de l’Etat ».

* Vingt-sept concessions ont été attribuées dans la province de Ratanakiri et couvrent 222 933 hectares, dont la moitié (108 513 hectares) dans le Parc naturel de Virachey, qui en comprend 333 000 et qui est inscrit sur la liste du patrimoine de l’ASEAN. L’octroi des concessions est une mesure déguisée pour détourner le moratoire de 2002 interdisant la déforestation.
- En février 2011, le Premier ministre accorde deux concessions de 18 855 hectares, pour un bail de 70 ans à Try Phéap à l’intérieur du Parc.
- En mai 2011, Try Phéapa reçu 9 916 hectares dans la réserve de vie sauvage de Boeung Per dans la province de Préah Vihéar. Il a donné 130 000 dollars pour construire le siège du PPC local, pour acheter des motos et des appareils photo au personnel...

* L’ADHOC fait remarquer que puisqu’un marché existe désormais, on va couper des arbres même en dehors des concessions et notamment dans les forêts primaires.

Expulsions : vers une solution ?

* Le 22 avril, plus de cent anciens résidents de Boeung Kâk manifestent pour réclamerla libération de Mme Yorn Bopha. La police réprime la manifestation avec violence. Le 29 avril, une vingtaine de manifestants de Boeung Kâk, de Borey Keila, de Thmâr Kaul (près de l’aéroport de Pochentong) arrivent devant le siège du PPC. Ils prient les esprits pour que le PPC ne gagne pas les élections. Ils brûlent des sarongs, dons du PPC en 2007, et libèrent des moineaux de leur cage pour demander la libération de Yorn Bopha. Le 6 mai, des manifestants de Boeung Kâk brûlent en effigie en carton du ministre de la Justice. Les manifestations sont quasi quotidiennes.

* Le 3 mai, les résidants de Boeung Kâk proposent une solution au nouveau maire de Phnom Penh, plus conciliant que le précédent : elles peuvent loger les familles exclues des 12,44 hectares accordés par le Premier ministre, car il reste environ 2,1 hectares de terrain libre. Le 3 mai, le maire de Phnom Penh accepte de recevoir en personne une délégation de manifestants. Dans son discours d’intronisation, il a promis de régler le problème.

* Le 7 mai, le nouveau gouverneur de Kompong Thom promet de distribuer des terres aux 500 familles expulsées en 2009 pour les donner en concession à une société vietnamienne. La plupart de ces familles sont celles de vétérans handicapés.

Santé

* Depuis 1997, plusieurs campagnes de vaccination ont protégé de nombreux enfants. La Cambodge a mis en place six vaccinations : tétanos, tuberculose, polio, varicelle, diphtérie, fièvre, et récemment hépatite B et bronchite. En dix ans, les vaccinations ont atteint 90 % des enfants. En 2013, priorité est donnée à 1 600 villages marginalisés, non encore vaccinés, spécialement les minorités ethniques et les migrants internes. Ce programme de sept millions de dollars est financé par Gavi Alliance. Un autre fonds de Gavi permettra la vaccination contre le pneumocoque en 2015.

* Un projet de 400 millions de dollars sur trois ans est lancé pour tenter de lutter contre la résistance à l’artémisinine du plasmodium de la malaria. La crainte de l’OMS est que cette résistance ne s’étende à l’Afrique où elle pourrait causer 700 000 morts. Le siège régional de l’OMS se déplace de Bangkok à Phnom Penh. Au Cambodge, le nombre des cas de malaria n’a cessé de diminuer depuis 2009, de 52 000 à 14 000 en 2012.

* Le ministère de la Santé veut recruter 600 sage-femmes. Cinq cents membres du personnel d’obstrétique ont recu une formation de sage-femme l’an dernier. La mortalité infantile est passée de 95 pour 1 000 en 2000, à 45 en 2010. En 2010, le taux de mortalité des femmes en couche est de 250 pour 100 000. 70 % d’entre elles accouchent avec l’aide d’un personnel qualifié, dont 59 % dans des hôpitaux publics.

* Selon l’OMS, le Cambodge est en mesure d’éradiquer le virus du sida d’ici à sept ans. Mais les travailleurs sociaux sont moins optimistes : si le taux de prévalence est faible parmi la population (0,7 %), il reste élevé parmi les drogués (25 %) et les prostituées (12 %). En 2011, on note seulement 1 000 nouveaux cas (15 500 dans les années 1990).

* Le 8 mai, les politiciens et hommes d’affaires cambodgiens et étrangers ont collecté 14 millions pour la Croix-Rouge cambodgienne, dirigée par Mme Bun Rany, épouse du Premier ministre. La société coréenne Booyoung (qui construit une ville satellite de Phnom Penh) a donné trois millions, Naga Corp et la société militaire vietnamienne de télécommunication Metfone ont versé chacune 500 000 dollars, la société chinoise de télécommunication 200 000, Try Phéap et Lao Meng Khin chacun 100 000, Kep Chuktéma, ancien gouverneur de Phnom Penh, 300 000, etc. Seuls étaient invités les membres du PPC. On peut se poser des questions sur l’origine des sommes données, quand on sait que le salaire mensuel d’un ministre est officiellement de 1 000 dollars.

Education nationale

* Un rapportannuel de l’ESCAP (Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique), en date du 18 avril, pointe les faiblesses du développement du Cambodge, entre autres de l’éducation : les travailleurs du Cambodge-Laos-Myagmar-Vietnam ont en moyenne 5,5 ans de scolarité, par rapport à 8,4 dans les autres pays. 75 % des Cambodgiens savent lire et écrire, contre 90 à 95 % dans les autres pays (excepté le Laos). 3 % du budget national est destiné à l’Education.

Armée

* Le 4 avril, 152 membres de la police militaire et personnel médical sont envoyés au Sud-Soudan. Ils vont remplacer un contingent envoyé dans ce pays il y a un an.

* Le CMAC (Centre cambodgien d’action contre les mines) a dressé des rats géants africains comme détecteurs de mines.

Divers

* Cette année, la température a été supérieure de 1 à 2 % par rapport à celles de l’an dernier. En fin mars, de violents orages ont détruit 188 maisons dans la province de Prey Veng ; le 9 avril, 19 maisons dans la province de Kampot (deux morts et trois blessés). Le 28 avril, quatre personnes sont tuées par la foudre, et deux autres blessées. Depuis le début de l’année, 34 personnes ont été tuées par la foudre (25 l’année dernière durant la même période).

* Le multimillionnaire russe Sergei Polonsky, incarcéré pendant trois mois pour avoir forcé six matelots cambodgiens à l’aide d’un couteau à sauter par dessus bord, obtient une libération conditionnelle après avoir payé 45 000 dollars de caution. Il avait déjà payé 20 000 dollars à chacun des six matelots comme « dommages et intérêts ».

* En 2011, 450 000 Cambodgiens avaient accès à Internet. Un projet de 180 millions de dollars lancé par des Chinois et des Singapouriens vise à installer 9 000 km de fibre optique d’ici 2015.

* Le Metropolitan Museum of Art de New York accepte de rendre deux statues du temples de Kok Ker, volées entre 1970 et 1975. Elle mesurent 1,2 m de haut et pèsent 90 kg chacune. On ne connaît pas encore la date de leur retour. On espère que d’autres musées suivront cet exemple.

* Le 7 mai, la société coréenne Boonyoung pose la première pierre d’une nouvelle ville satellite de 23,5 hectares sur la commune de Teuk Thla, pour un devis de 2,1 milliards de dollars. La construction de Camcocity, d’un coût de 2 milliards de dollars, est interrompue pour des problèmes de malversations financières. En avril, le sénateur Ly Yong Phat a posé la première pierre de sa Garden City, nouvelle ville satellite.

* La JICA (Agence japonaise de développement) finance la pose de 20 km de canalisations pour l’évacuation des eaux de pluies et des eaux usées de Phnom Penh, pour un coût de 105 millions de dollars.

Divers

* Un Français gagne la 17ème course de la traversée du Mékong à la nage, qui a vu concourir 112 personnes.

* Gérald Babin, participant à l’émission Koh Lanta, meurt le 24 mars, de deux attaques cardiaques successives. Plusieurs médias accusent le docteur Thierry Costa de négligences qui aurait causé son décès. Profondément blessé par ces critiques, le médecin se suicide.

* Pour le Nouvel An khmer, 100 artistes cambodgiens ouvrent la « saison du Cambodge » au Rubin Museum de New York.

* Le 23 avril, Hun Sen accorde le titre de « Kétès Bandet » (‘Glorieux savant’) à neuf moines et de « Kétès Sétha Bandet » (‘Glorieux savant économiste’) à Kéat Chhon, ministre des Finances.

* Le 24 avril, un bateau russe battant le pavaillon de complaisance cambodgien se fait arraisonner par la marine japonaise.

* Le 3 mai, la statue de Chéa Vichéa, syndicaliste assassiné le 22 janvier 2004, est dressée près du lieu de son meurtre. Elle a coûté 7 000 dollars, la municipalité de Phnom Penh en a payé 5 000. Ses assassins courent toujours, alors que deux boucs émissaires sont en prison.

* Le dimanche 16 juin, de 9 à 13 h, les Cambodgiens de France organiseront une cérémonie bouddhique à la mémoire du P. Robert Venet, décédé le 17 janvier dernier, à la Pagode Bodhivansa, 101 boulevard de la République, 77 420 Champs-sur-Marne, avec la présence du P. François Ponchaud.

Lu pour vous

Itinéraire d’un intellectuel khmer rouge, Suong Sikoeun, 538 pp., Paris, 2013, 35 €.

Préface et annexe « Les acteurs du drame » de 79 pp., par Henri Locard.

Ce livre, conçu à l’origine comme une thèse de sociologie politique, noie souvent le lecteur sous une avalanche de noms avec de nombreuses précisions sur l’itinéraire de chacun, intéressantes certes, mais qui rendent la lecture un peu difficile. L’auteur y exprime sa désillusion à la hauteur de ses espérances premières et de ses sacrifices de militant. On y apprend des détails intéressants sur la personnalité des différents acteurs, spécialement de Ieng Sary, et sur l’opposition constante de Pol Pot à son égard. On y trouve des informations intéressantes et inédites sur la fin du mouvement Khmer rouge après 1979.

(Source: Eglises d'Asie, 15 mai 2013)