Deux jours après le séisme qui a semé la panique et déclenché une alerte au tsunami dans 28 pays de l’océan Indien, l’heure est au bilan. En Indonésie, pour les ONG et les organismes religieux, qui se sont faits les relais de l’information et de la coordination, l’alerte a été un test révélateur.

Mercredi 11 avril 2012, à 15h38 heure locale, se produisait au large de l’île indonésienne de Sumatra un séisme de magnitude 8,7, accompagné d’une vingtaine de fortes répliques ressenties jusqu’au Népal. Une alerte au tsunami, ravivant le spectre de la catastrophe de 2004,
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... était immédiatement émise pour 28 pays de l’océan Indien, lesquels procédaient dans l’urgence à des évacuations préventives des îles et des zones côtières, avant que l’alerte ne soit levée en début de soirée. « En 2004, le tsunami qui avait attient la magnitude de 9,1 sur l’échelle de Richter était plus proche des côtes, plus fort et surtout provoqué par un déplacement vertical des plaques, ce qui déplace une quantité d’eau bien supérieure à un glissement horizontal comme ici », explique Dave Hennen, météorologiste de CNN.

En Indonésie, où en 2004 le séisme suivi d’un tsunami dévastateur avait fait plus de 240 000 morts dont près de 170 000 dans la seule province de Banda Aceh, de nombreuses scènes de panique ont été enregistrées lors des premières heures de l’alerte. Les sources locales et internationales ont fait état de milliers de personnes à Aceh courant dans les rues et fuyant les côtes tandis que les haut-parleurs des mosquées diffusaient en continu des versets du Coran sur fond de sirène. Sur la chaîne de télévision locale Metro TV, on pouvait voir des malades s’échappant des hôpitaux, des perfusions encore accrochées à leur bras et des centaines de personnes vêtues de blanc, se rassemblant en priant et pleurant dans les principales moquées de la région. Aujourd’hui, le calme revenu, le bilan est de six morts (la plupart de crise cardiaque) et quelques dégâts matériels dans les villes et sur les côtes.

Dans les régions côtières, les mosquées et les églises ont joué un rôle central dans la diffusion des messages d’alerte et la transmission des informations. « Les gens ont réagi rapidement et se sont dirigés vers les lieux en hauteur, alertés par les mosquées et les églises », a rapporté Sutopo Purwo Nugroho, porte-parole du ministère de la Gestion des catastrophes. Cette mention, par un membre du gouvernement, du rôle et de l’action des Eglises est pour le moins inhabituelle. En 2004, pour la province d’Aceh, musulmane à 98 % et en particulier la ville de Banda Aceh, qui ne comptait qu’une seule paroisse catholique, l’Eglise avait dû passer par des ONG islamiques pour apporter son aide aux sinistrés. Dans le diocèse de Padang et l’archidiocèse de Medan, situés dans les régions de Sumatra mises sous alerte, les paroisses catholiques ont, malgré le relativement petit nombre de leurs fidèles, assuré le relais de l’information parallèlement aux mosquées et autres lieux de culte. Alors que la panique s’emparait de la ville de Padang, l’agence AsiaNews répercutait les propos rassurants de Mgr Martinus Situmorang, évêque du diocèse, qui rapportait que seuls quelques dégâts matériels dus aux secousses sismiques étaient à déplorer.

L’ONG protestante World Vision, qui avait participé aux secours lors du tsunami de 2004, considère quant à elle que l’alerte du mercredi 11 avril a représenté un exercice grandeur nature de l’efficacité des systèmes d’information et d’évacuation pour un pays où le risque de catastrophes naturelles dévastatrices est réel. « Nos équipes ont été immédiatement averties et ont pris leurs dispositions pour mettre en sécurité les populations, en particulier les enfants et les personnes les plus vulnérables », rapporte le 12 avril, Geoff Shepherd, responsable des actions d’urgence de World Vision pour le secteur Asie-Pacifique.

L’ONG souligne que, depuis 2004, des refuges pouvant abriter plusieurs centaines de personnes ont été construits sur les hauteurs, des panneaux indiquant les voies d’évacuation installés dans les zones à risque et les lieux de culte situés sur les côtes équipés de sirènes. « Avant le tsunami, il n’y avait absolument rien, reconnaît l’un des bénévoles de l’organisation. Personne ne savait ce qu’il fallait faire en cas d’alerte, ni même ce qu’était un tsunami. »

Cette amélioration de l’information de la population a été également soulignée par Surin Pitsuwan, secrétaire général de l’ASEAN et coordinateur de l’ASEAN Humanitarian Assistance (AHA), lequel a déclaré dans le Jakarta Post du 12 avril que « le système d’alerte au tsunami (TEWS) avait parfaitement bien fonctionné », les autorités indonésiennes ayant réussi à « anticiper les événements grâce à une communication et une logistique tout à fait performantes ». Il a néanmoins souligné que des efforts restaient à faire, notamment en matière de coordination, rappelant que d’ici à la fin 2012, le centre AHA de Djakarta dont il avait la charge serait totalement équipé et opérationnel. « Les instruments de détection de l’océan Indien ont bien fonctionné et toutes les capitales ont pu être alertées à temps », s’est encore félicité Surin Pitsuwan.

Une déclaration optimiste qui n’est cependant pas partagée par toutes les ONG présentes sur le territoire indonésien. « Le nombre des appareils de mesures dans l’océan Indien est infime comparé à celui du Pacifique ; c’est un début mais il y a besoin de beaucoup plus », confie notamment un autre membre de World Vision, qui rappelle que le premier bulletin d’alerte au tsunami n’a pas été émis par les centres de surveillance de l’océan Indien mais par la base américaine située dans le Pacifique (PTWC).

Outre l’information et la logistique, il semble également que la compréhension des désastres naturels par la population ait été négligée, occasionnant des réactions aux conséquences préjudiciables. Dans le Jakarta Post de ce vendredi 13 avril, un éditorialiste souligne ainsi le rôle des oulémas dans les scènes de panique et de désespoir qui se sont produites dans la province d’Aceh lors de l’alerte du 11 avril. L’auteur, chercheur à la Paramadina Foundation, une institution universitaire islamique réputée, fait part de sa consternation lorsqu’assistant au prêche du vendredi matin à la mosquée, il a constaté la conviction fortement ancrée dans tous les esprits que le séisme était un avertissement destiné aux « habitants d’Aceh et de Padang qui ont péché à la face de Dieu ». S’inquiétant de l’universalité de ce discours entendu dans toutes les mosquées, il souligne « l’influence grandissante de ces leaders religieux » qui conduisent « une population ignorante » à considérer les victimes des catastrophes naturelles, dont celles du tsunami de 2004, comme ayant « reçu ce qu’elles avaient mérité».

(Source: Eglises d'Asie, 13 avril 2012)