Au début du mois, la presse officielle a rapporté l’histoire d’une jeune enseignante catholique dans une école du Quang Nam. Melle Nguyên Thi Bich Hanh est titulaire d’une maîtrise de lettres, obtenue à l’université de Da Lat avec un mémoire sur le poète vietnamien Hoàng Câm (né en 1922). Après ses études, elle avait elle-même choisi d’aller enseigner dans une école du centre du Vietnam. Elle vient d’être démise de ses fonctions par les autorités académiques de la province, accusée d’« avoir utilisé sa chaire de professeur pour diffuser des idées contraires à la ligne politique de l’Etat ».

Melle Nguyễn Thị Bích Hạnh
Elle-même s’est confiée à une radio étrangère (1) après que sa révocation eut été rapportée par un certain nombre de journaux. Durant son enseignement, elle avait conseillé à ses élèves de ne pas perdre leur temps avec les jeux vidéo mais de le consacrer plutôt à la consultation d’Internet où ils trouveraient une abondante documentation sur les questions et les auteurs traités en classe. Elle leur avait ainsi présenté un certain nombre de sites littéraires indépendants, animés par des Vietnamiens de la diaspora. L’enseignante avait cependant mis en garde ses élèves contre certains textes mis en ligne sur Internet, qu’il fallait lire avec un esprit critique. Elle avait ainsi évoqué un article d’un spécialiste de la littérature vietnamienne affirmant que Hô Chi Minh n’était pas l’auteur de l’œuvre Journal de prison pourtant signée de lui. Elle avait aussi mentionné le bruit selon lequel l’actuel secrétaire général du Parti communiste serait le fils naturel de Hô Chi Minh. Elle avait souligné l’humanité du père de la nation. Son intention, a-t-elle ajouté, était surtout d’exercer l’esprit critique de ses élèves et de faire grandir leur indépendance d’esprit.

Ces propos rapportés à la Commission provinciale de propagande et d’éducation du Parti (Ban Tuyên Giao) lui valurent une sévère condamnation de celle-ci. Les responsables de l’orthodoxie idéologique lui reprochaient d’avoir attribué un enfant naturel à l’oncle Hô, d’avoir nié qu’il soit l’auteur de deux de ses œuvres, la Déclaration d’indépendance de 1945 et Journal de prison, d’avoir déclaré qu’il ne fallait pas canoniser Hô Chi Minh. Après de longues délibérations, les autorités prononcèrent la révocation de l’enseignante pour avoir abaissé le prestige des dirigeants et de s’être alliée aux forces étrangères hostiles dans leur tentative d’« évolution pacifique ». D’autres accusations ont aussi été formulées contre elle: propagande pour des sites Internet réactionnaires, attitude en anti-pédagogique, etc.

Réagissant à la décision prise contre elle, Melle Bich Hanh a protesté en mettant en valeur le sérieux de son enseignement et sa passion pour la littérature. Selon elle, la décision de révocation a été prise sans enquête sérieuse préalable et au mépris des droits de l’intéressée. Les autorités se sont contentées d’écouter des informations colportées par des élèves ou des agents de la Sûreté. Toute l’enquête a été menée par les agents de la Sûreté sans que jamais les responsables ne l’interrogent et lui demandent son avis. Melle Nguyên Thi Bich Hanh ne veut pas que les choses en restent là et compte faire entendre son point de vue auprès des pouvoirs publics.

(1) Radio Free Asia, émission en vietnamien, 4 juin 2009. Voir aussi VietCatholic News, le 6 juin 2009.

(Source: Eglises d'Asie, 10 juin 2009)