Vietnam: Interview du directeur du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses
à propos des récentes séances de négociations du « groupe mixte Vietnam-Vatican »


NDLR : La deuxième séance de négociations de ce qui est appelé officiellement le « groupe mixte de travail Vietnam-Vatican » s’est achevée dans l’après-midi du 17 février. La délégation du Saint-Siège, conduite par Mgr Pietro Parolin, y a rencontré celle des Affaires étrangères vietnamiennes placée sous la direction de Nguyên Quôc Cuong, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères du Vietnam.

Dans la soirée, l’Agence vietnamienne d’information, suivie par l’ensemble la presse officielle vietnamienne, a fait état d’une conférence de presse qui s’est tenue à l’issue de cette réunion. Aucune information précise n’a été donnée, sinon qu’une partie des débats avait porté sur des questions concernant l’Eglise du Vietnam. Le chef de la délégation vietnamienne a rappelé la politique religieuse de son pays et demandé à l’Eglise catholique de collaborer à la « grande union nationale ». Mgr Parolin a pris acte des déclarations de la partie vietnamienne et il s’est déclaré convaincu que les questions en suspens seraient réglées par le dialogue.

Le journal de la capitale, le Hà Nôi Moi, a publié une interview du directeur du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses, Nguyên Thê Doan, sur l’évolution des rapports entre le Saint-Siège et le Vietnam. Ces propos ne contiennent pas davantage de révélations sur le contenu des débats. Cependant, ils apportent un certain nombre d’indications significatives. On peut remarquer que, dans ce texte, il n’est jamais question, ni directement ni indirectement, de l’établissement de relations diplomatiques entre les deux Etats, comme objectif des travaux du groupe de travail récemment fondé. Dans cette interview comme dans la plupart des commentaires de la presse officielle des 17 et 18 février, il est simplement question d’une « impulsion » (thuc dây) donnée aux relations entre les deux « parties ». Le responsable des Affaires religieuses dresse un bilan éminemment positif des 17 rencontres ayant déjà eu lieu entre les deux délégations et énumère les trois conditions nécessaires à la mise en œuvre de cette « impulsion ».

La rédaction d’Eglises d’Asie a traduit en français ce texte mis en ligne sur le site du journal Hà Nôi Moi le 18 février à 7h49 (heure locale). Les notes explicatives sont du traducteur.


Texte de l'interview:

Hà Nôi Moi : M. le Directeur du Bureau gouvernemental des Affaires religieuses, nous avons appris que, le 16 et le 17 février, un groupe de représentants du Saint-Siège a participé aux travaux du groupe mixte d’experts Vietnam-Vatican qui tenait sa première réunion au Vietnam. Pourriez-vous nous parler de l’évolution des relations entre les deux Etats ?

Nguyên Thê Doan: Comme les mass media en ont informé l’opinion publique, le groupe de représentants du Saint-Siège venus au Vietnam est composé de trois membres. Il est conduit par Mgr P. Parolin, vice-secrétaire aux Affaires étrangères du Saint-Siège. Il s’agit là du 16ème voyage officiel de la délégation au Vietnam depuis 1990. Jusqu’en juin 2008, le groupe représentant le Saint-Siège et celui des représentants du gouvernement vietnamien s’est rencontré 17 fois, cette fois-ci étant la 18ème. En effet, en 1992 et en 2006, la rencontre entre les deux délégations a eu lieu à Rome. Ces rencontres ont lieu pratiquement chaque année, selon des accords passés entre les deux Etats en 1990.

Lors de la 16ème rencontre (en mars 2007) et de la 17ème (en juin 2008), les deux parties se sont mis d’accord pour fonder le groupe mixte d’experts composé des deux parties, chacune conduite par un responsable des Affaires étrangères pour discuter des moyens à employer pour donner une nouvelle impulsion aux relations entre les deux Etats. Les questions concrètes concernant ce domaine feront l’objet d’échanges sur la base des usages internationaux et des conditions imposées par la situation de chaque partie.

La récente rencontre est la première depuis que les deux parties se sont accordées pour fonder le groupe mixte d’experts. En dehors des débats sur les relations entre le Vietnam et le Vatican, les deux parties ont aussi discuté de questions relatives à l’Eglise catholique du Vietnam et de certaines autres qui préoccupent les deux parties. Car si, d’un point de vue religieux, l’Eglise catholique vietnamienne est une partie de l’Eglise universelle, elle est aussi, d’un point de vue social, une organisation religieuse dont les activités ont lieu au Vietnam dans le cadre de la législation vietnamienne. Ainsi, des questions concernant l’Eglise catholique du Vietnam ont été l’un des sujets abordés dans les deux récentes réunions.

Comme vous l’avez vous-même rappelé, de 1990 à aujourd’hui, il y a eu 17 échanges entre les délégations et nous en sommes à la 18ème rencontre. Pourriez-vous nous informer de l’évolution qui a eu lieu au cours de cette période ? Quel est, d’après vous, l’élément le plus important pour donner une impulsion nouvelle aux relations entre les deux parties ?

Je pense qu’à la suite de toutes ces rencontres, les deux parties se comprennent mieux. Je vois qu’il est nécessaire de respecter les accords de principe adoptés entre nous, tout comme il faut respecter les questions que les deux parties ont pris soin de débattre lors des rencontres. On peut aussi affirmer que le dialogue est le moyen le plus adapté pour contribuer à la création d’un climat d’intimité qui nous permettra de nous comprendre mieux et de résoudre ensemble, en vue du bien commun et dans l’intérêt de chacune des deux parties, les questions qui les préoccupent toutes les deux. C’est pourquoi, dans l’ensemble, à chacune de leur rencontre, les deux parties éprouvent une certaine satisfaction.

Comme vous le savez, le 25 janvier 2007, une rencontre entre le pape Benoît XVI et le chef du gouvernement de la République socialiste du Vietnam, Nguyên Tân Dung, a eu lieu au Saint-Siège. Cet événement a constitué un témoignage de la bonne qualité de la politique étrangère et de la politique religieuse de l’Etat vietnamien en cette période de rénovation (Dôi Moi) de notre pays. C’était aussi le fruit de la méthode et du processus de dialogue mis en place par les deux parties depuis 1990 jusqu’alors. Le maintien du dialogue et les résultats acquis grâce à lui ont donné aux deux parties l’occasion de resserrer leurs liens et leur compréhension mutuelle, qui n’ont cessé de grandir au fil du temps. Les résultats obtenus progressivement se sont révélés toujours plus positifs.

A l’issue de sa 15ème visite au Vietnam, la délégation vaticane avait rendu visite à la totalité des 26 diocèses catholiques du Vietnam. Ces visites ont permis à la délégation d’apprécier le soin avec lequel elle était accueillie par le gouvernement vietnamien, par les autorités centrales concernées comme par les autorités du lieu de la visite. Elle a aussi pris connaissance des sentiments sincères éprouvés pour elle par l’ensemble du clergé et des fidèles catholiques des divers diocèses. En même temps, ces visites ont permis au Vatican d’améliorer sa connaissance de l’Eglise du Vietnam, de son pays, de ses habitants, de son histoire, de sa culture et de ses coutumes. On peut dire, en fin de compte, que ces visites ont été les préliminaires à une impulsion nouvelle donnée aux relations des deux parties.

Selon moi, parmi les éléments les plus importants pouvant donner une nouvelle impulsion à ces relations, il faut placer en premier lieu le respect mutuel, qui implique le respect de l’indépendance, de la souveraineté, de l’histoire, de la culture et des traditions de la nation vietnamienne, de sa législation. Il nous entraîne à partager et à respecter les différences, à faire preuve ensemble de bonne volonté afin de trouver des conditions favorables pour de nouveaux accords.

En second lieu, si l’on veut des résultats dans ce domaine, il faut chercher à harmoniser les intérêts réciproques des deux parties.

Troisièmement, les deux parties doivent résolument s’orienter vers le développement (1) dans la clarté et l’honnêteté. En particulier, le maintien et l’affirmation de l’orientation de l’Eglise catholique vietnamienne, qui consiste à « cheminer avec son peuple » (2). Une orientation qui revêt une importance particulière. On ne devra pas être influencé par les pensées ou les activités négatives provenant d’une quelconque tierce partie.

Quelles remarques vous inspire la réunion d’aujourd’hui et l’évolution des rapports entre les deux parties ?

Comme je viens de le dire, les 17 séries d’échanges nous ont apporté des résultats positifs et réels. Bien que ce soit pour la première fois, le groupe mixte de travail s’est réuni avec toute l’expérience acquise lors des rencontres précédentes, et avec la bonne volonté des deux parties. Les résultats de notre rencontre d’aujourd’hui constitueront certainement un fondement utile aux étapes qui suivront.

(1) Il s’agit sans doute du développement des relations entre les deux parties.
(2) Allusion à la première lettre pastorale (1979) de la Conférence épiscopale du Vietnam dans laquelle les évêques donnaient cette consigne aux catholiques.

(Source: Eglises d'Asie, 19 février 2009)