Le 16 janvier dernier, un séminaire intitulé « De la discrimination à l’intégration » a rassemblé une trentaine de chrétiens, sous l’égide de la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Hongkong. Les participants ont discuté de la situation difficile rencontrée par des travailleurs migrants à Hongkong et émis des réserves à l’encontre d’une refonte d’une section du Code du Travail, actuellement à l’étude, The Draft Code of Employment Practices. Le projet, rédigé par la Commission pour l’égalité des chances, un organisme officiel, sera débattu devant le Parlement local, le Legislative Council, en mars prochain.

Parmi les propos des participants relevés par l’agence Ucanews (1), ceux de Law Pui-shan, chargée de mission à la Commission pour le travail du diocèse de Hongkong, plongent au cœur du débat. Elle explique que des employeurs sélectionnent leurs employés à partir de critères comme « la présentation, l’aspect physique et le comportement ». Certains d’entre eux, par exemple, considèrent que les vêtements portés par certaines musulmanes originaires des pays de l’Asie du Sud (2) qui les couvrent de la tête aux pieds, peuvent affecter leur mobilité, et que les obligations alimentaires auxquelles elles doivent se soumettre peuvent poser un problème si elles doivent dîner avec des clients ou des collègues, précise-t-elle. Les participants au séminaire du 16 janvier se sont accordé à dire que les discriminations fondées sur la couleur de la peau, l’appartenance ethnique ou religieuse étaient fréquentes chez les Chinois de Hongkong.

Une Ordonnance sur la discrimination raciale entrera en vigueur cette année dans l’ancienne colonie britannique. Promulguée le 18 juillet 2008, elle se donne pour but de protéger les membres de tous les groupes ethniques en interdisant la discrimination raciale dans le cadre du travail, de l’éducation et d’autres domaines. Cependant, de nombreux points de la loi font encore débat, en raison des vides et imprécisions qu’elle contient et qui pourraient donner lieu à des interprétations contraires à l’esprit de la loi elle-même (3).

La Région administrative spéciale (RAS) de Hongkong, dotée d’un statut particulier établi selon le principe « un pays deux systèmes » (4), accorde ainsi progressivement son système législatif avec celui de la République populaire de Chine (5).

Les travailleurs venus des pays de l’Asie du Sud (Népalais, Indiens et Pakistanais principalement) et de l’Asie du Sud-Est (Philippins et Indonésiens principalement) rencontrent des difficultés croissantes à Hongkong, estiment les responsables de groupes chrétiens actifs auprès de migrants et œuvrant à leur intégration humaine et professionnelle. La Commission diocésaine pour le travail ou des paroisses, telles la paroisse St-François-d’Assise, proposent ainsi des cours de chinois pour les migrants de l’Asie du Sud. Depuis la rétrocession de 1997, la préférence accordée à l’apprentissage et l’utilisation du chinois à la place de l’anglais a fortement handicapé ces minorités anglophones. Les chrétiens tentent également de sensibiliser le monde du travail aux discriminations dont sont victimes ces populations.

Chan Chung-ho, directrice du Project South Asian Support Alliance, une initiative du Hong Kong Christian Service, explique que son projet n’est pas destiné à ce que les employeurs créent de nouveaux postes pour les migrants de l’Asie du Sud ou leur donnent des emplois pour lesquels ils ne sont pas qualifiés, mais plutôt à les aider à avoir l’esprit plus large lors de l’embauche de leurs employés.

Francis, un chef d’entreprise catholique, a témoigné de son hésitation à embaucher des migrants de l’Asie du Sud. Si ces personnes insistent pour, dans le cadre du travail, faire leurs prières ou porter des vêtements marquant leur appartenance communautaire, cela peut nuire, a-t-il expliqué, à l’image de marque de son entreprise. Selon lui, son attitude n’est pas discriminatoire car il hésite de la même manière à embaucher un compatriote chinois si celui-ci n’adhère pas au code vestimentaire en usage dans son entreprise.

Pour Gokul Khada Babu, un Népalais installé à Hongkong depuis quatre ans et actif auprès de Chan Chung-ho au sein du Hong Kong Christian Service, le projet de refonte du Code du Travail est insatisfaisant car il est rédigé d’une manière telle qu’il semble expliquer aux employeurs comment éviter d’être poursuivi pour discrimination raciale plutôt que de mettre en œuvre des mesures interdisant les discriminations au travail liées à l’appartenance ethnique ou religieuse. Sa collègue cite à l’appui un extrait du texte: « Si l’on choisit un candidat [à l’embauche] en fonction du fait qu’il a vécu à Hongkong plus longtemps que les autres candidats, bien que ceux-ci soient également ou même plus qualifiés que lui, cela ne sera pas considéré vis-à-vis des autres candidats comme une discrimination raciale illégale. »

Chan Chung-ho place en regard, à titre de comparaison, l’Ordonnance sur la discrimination envers les personnes handicapées, un texte qui n’identifie pas spécifiquement les actes considérés comme « non illégaux » dans l’embauche des personnes handicapées, mais, qui, au contraire, dresse la liste des avantages liés à l’embauche des personnes handicapées. Selon elle, c’est cette démarche qui devrait être retenue dans la refonte du Code du Travail pour ce qui concerne l’embauche des personnes immigrées.

(1) Ucanews, 4 février 2009.
(2) De plus en plus de jeunes femmes indonésiennes travaillent comme domestiques à Hongkong où elles remplacent en partie la main d’œuvre philippine auparavant très nombreuse. En grande majorité musulmanes, elles souffrent de discriminations diverses dont un salaire en dessous du minimum légal, de violences, et de pratiques frauduleuses de leurs employeurs comme la confiscation de leurs papiers. On estime leur nombre à environ 100 000 (Courrier international, 18 septembre 2007).
(3) La loi hongkongaise sur la discrimination raciale est l’objet d’un débat au cours duquel les Nations-Unies sont intervenues, en janvier 2008, par une lettre d’avertissement au gouvernement de Hongkong. Selon l’ONU, cette loi empêcherait les minorités d’obtenir des réparations légales contre des actes discriminatoires pris par le gouvernement (janvier 2008, South China Morning Post). En 2007, l’Organisation internationale du travail (OIT) avait déjà signalé que le projet de loi « comporte d’inquiétantes lacunes dans de nombreux domaines importants comme, notamment, l’éducation (…), exclut les actions des responsables du gouvernement et ne s’attaque pas au problème de la discrimination à l’emploi » (CSI - Confédération syndicale internationale, 2008).
(4) Il s’agit de la Loi fondamentale, régime spécial accordé à Hongkong, lors de sa rétrocession en 1997 qui garantit le maintien du système et du mode de vie antérieurs de l’ex-colonie britannique pour une période de 50 ans.
(5) Le 1er janvier 2008, une loi sur la discrimination à l’embauche a été adoptée par la République populaire de Chine, dans le cadre d’une série de réformes du Code du Travail. Le pays avait par ailleurs ratifié, en janvier 2006, les conventions fondamentales de l’OIT sur la discrimination. A Hongkong, elles n’étaient pas appliquées, bien que la législation interdise la discrimination fondée sur le sexe, le handicap et les responsabilités familiales. Cependant, aucune disposition n’avait été prise contre les discriminations à l’égard des travailleurs migrants, ou liées à l’identité sexuelle et raciale.

(Source: Eglises d'Asie, 5 février 2009)