Pour la petite communauté des catholiques du Laos, qui manque cruellement de prêtres, l’ordination du P. Matthieu Somdet Kaluan, le 10 janvier dernier, dans le vicariat apostolique de Savannakhet (1) a revêtu une importance particulière. Plus de 2 000 catholiques, 22 prêtres locaux, trois prêtres vietnamiens, deux prêtres thaïlandais et trois moines bouddhistes laotiens ont assisté en la cathédrale St Louis de Thakhek, à la cérémonie présidée par Mgr Jean Sommeng Vorachak, vicaire apostolique de Savannakhet.

Etaient également présents Mgr Louis Marie Ling Mangkhanekhoun, évêque de Pakse et Mgr Tito Banchong Thopayong, vicaire apostolique de Luang Prabang.

Selon l’agence Ucanews, le nouveau prêtre est originaire du district de Songhone, de la province de Savannakhet. Après avoir suivi trois ans de préparation au séminaire, il a étudié la philosophie et la théologie au grand séminaire de Thakhek (2), puis l’anglais aux Philippines.

La cérémonie s’est déroulée dans une atmosphère festive: danses et musiques traditionnelles ont précédé l’ordination, et pendant la messe, des branches de bambou garnies de billets, symbolisant la prospérité et le bonheur, ont été offertes à Mgr Jean Sommeng Vorachak, une coutume laotienne pour les célébrations importantes. Le prélat, âgé de 75 ans, a déclaré à la communauté combien cet événement était « très important pour l’Eglise locale, qui a besoin de davantage de prêtres au service des fidèles ». Il a également encouragé l’ordinand dans son souhait d’« apporter la Bonne Nouvelle aux minorités ethniques qui n’en ont jamais entendu parler ».

Après la célébration, Mgr Salvatore Pennacchio, présent en tant que délégué apostolique au Laos (3), a exprimé en français (4) sa joie que Dieu ait donné un nouveau prêtre à l’Eglise locale. Après avoir transmis la bénédiction papale, il a rappelé l’intérêt du Saint-Siège pour l’Eglise du Laos et enjoint la communauté à prier pour que l’avenir suscite de nombreuses vocations chez les jeunes.

Depuis la révolution de 1975, qui a instauré la République démocratique populaire lao (RDPL), la liberté religieuse reste très limitée au Laos, pays majoritairement bouddhiste et animiste (5). Dans les années qui ont suivi l’arrivée au pouvoir du parti communiste, la persécution envers l’Eglise s’est traduite par la fermeture des institutions religieuses, la confiscation des biens ecclésiastiques, des hôpitaux et des écoles, l’expulsion des prêtres et congrégations, l’interdiction de la pratique religieuse.

Aujourd’hui, l’Eglise laotienne renaît lentement, à partir de la structure ecclésiale des pays de mission (elle est constituée de vicariats apostoliques), mais les autorités restent méfiantes envers les religions chrétiennes et exercent sur elles une étroite surveillance. Le culte, les ordinations et les déplacements des membres du clergé sont toujours soumis à l’autorisation du gouvernement (6).

Depuis 2006, date où, pour la première fois depuis trente ans, une ordination sacerdotale a été autorisée (7), les laïcs laotiens sur lesquels avait reposé une bonne part de la transmission de la foi pendant les périodes les plus sombres de la persécution, ont vu peu à peu grandir l’espoir du renouvellement du clergé catholique. Cependant, le nombre de prêtres ordonnés reste encore très faible. Le P. Joachim Bunlieta, 59 ans, curé de la cathédrale (environ 1 100 paroissiens), a expliqué à Ucanews que les prêtres locaux, issus de familles rurales pour la plupart d’entre eux, desservaient jusqu’à 10 à 25 paroisses.

Selon Mgr Jean Sommeng Vorachak, son vicariat de Savannakhet compte aujourd’hui neuf prêtres et 98 religieux pour les 13 000 catholiques qui vivent leur foi au milieu d’une une population de trois millions de bouddhistes.

(1) L’Eglise du Laos compte quatre vicariats apostoliques. Celui de Savannakhet se trouve dans la partie sud du pays.
(2) Selon Ucanews, le grand séminaire de Thakhek accueille à l’heure actuelle 16 séminaristes.
(3) Mgr Salvatore Pennacchio est nonce apostolique en Thaïlande, au Cambodge et à Singapour, et délégué apostolique au Brunei, au Laos, en Malaise et en Birmanie
(4) Le français est encore en usage dans les milieux de l’administration, de l’éducation et du commerce.
(5) Selon des sources ecclésiastiques locales, l’Eglise laotienne compte environ 43 000 catholiques pour l’ensemble d’un pays peuplé de 6 millions d’habitants. Ils forment environ 1 % de la population, les bouddhistes atteignant plus de 65 % et les animistes, 33 %.
(6) La délivrance de ces autorisations dépend du Lao Front for National Construction, organisme d’Etat qui supervise la pratique religieuse.
(7) Cette première ordination sacerdotale a été celle de du P. Somphe Vilavongsy, Oblat de Marie Immaculée (OMI), le 18 juillet 2006. La cérémonie aurait dû avoir lieu en décembre mais le gouvernement qui était revenu sur son autorisation, a fait encercler l’église par l’armée pour empêcher l’ordination.

(Source: Eglises d'Asie, 23 janvier 2009)