Il est difficile de conclure à une simple coïncidence ! La Sécurité publique de Hanoi a procédé à l’arrestation et à l'inculpation de l’avocat des droits de l’homme le plus connu du pays, Nguyên Van Dai, le 15 décembre 2015, le jour même où était organisé, dans la capitale, l’entretien annuel sur les droits de l’homme entre le Vietnam et les représentants de l’Union européenne. Interrogée par une radio étrangère, l’épouse de l’avocat a souligné que celui-ci avait rendez-vous dans la journée avec des délégués de l’Union européenne. La presse officielle vietnamienne, qui pourtant a rapporté dans le détail les circonstances de l’arrestation de l’avocat, est restée muette sur les protestations virulentes des représentants européens.

En effet, ces derniers n’ont pas caché leur déception et, pour certains, leur colère. Le 17 décembre, deux jours après l’arrestation de l’avocat, le responsable de la Délégation européenne au Vietnam a mis en ligne un message sans ambiguïté. Le diplomate Bruno Angelet, chef de la Délégation de l’Union européenne au Vietnam, et les ambassadeurs des nations membres de l’Union ont déclaré : « L’arrestation, la détention et l’inculpation de l’avocat Nguyên Van Dai ont provoqué une profonde déception car elles ont eu lieu le jour même d’un dialogue sur les droits de l’homme entre le Vietnam et l’Union européenne, un jour après la visite du Premier ministre Nguyên Tan Dung à Bruxelles et le renouvellement d’accords commerciaux entre les deux parties. »

Pourtant, au premier abord, tout en soupçonnant des liens entre les deux événements, les observateurs, dans les milieux diplomatiques et médiatiques comme chez les opposants, ont peiné à trouver les raisons de cet acte de force, presque une provocation, de la police vietnamienne face à un parterre de diplomates qui ne pouvaient pas ne pas en être irrités. Cela a surpris en premier lieu les opposants et dissidents. Le blogueur Huynh Ngoc Chênh a confié à Radio Free Asia que l’arrestation de l’avocat l’avait étonné. L’engagement récent du Vietnam dans le Trans-Pacific Partnership (TPP), le traité multilatéral de libre-échange signé le 5 octobre 2015 sous l’égide des Etats-Unis, avait obligé les autorités de Hanoi à une certaine ouverture et quelques progrès avaient été accomplis.

Assez rapidement cependant, on a proposé une explication raisonnable. Un marxo-sceptique de vieille date, Ha Sy Phu, de Dalat, a déclaré que cette arrestation confirmait ses doutes sur la possibilité d’une réforme politique au Vietnam.

Le dissident bien connu Truong Van Dung a donné une explication simple à cette apparente provocation de la police vietnamienne. « Ce que craignent le plus les autorités policières, c’est l’influence exercée à l’intérieur comme à l’extérieur du pays par des personnalités hors du commun comme Nguyên Van Dai. » Cette arrestation est, en quelque sorte, une démonstration visible par tous de leur pouvoir de neutraliser l’opposition. L’épouse de l’avocat pense également que c’est l’influence grandissante de son époux dans le domaine des droits de l’homme qui est à l’origine de la décision de la police. Au début du mois de décembre, à son retour de la province du Nghê An où il avait été animer une session sur les droits de l’homme, Nguyên Van Dai avait déjà eu certains ennuis avec la police.

Quelle que soit la cause véritable de cette provocation, elle a porté ses fruits. La plupart des grandes organisations internationales de défense des droits de l’homme ont fait connaître leur indignation publiquement. Comme l’Union européenne, les Etats-Unis ont immédiatement réagi. Le porte-parole des Affaires étrangères américaines, John Kirby, a fait connaître à ce propos « la profonde préoccupation » de Washington devant cette arrestation. Il a incité le Vietnam à se conformer à ses devoirs et à ses engagements internationaux. (eda/jm)

(Source: Eglises d'Asie, le 23 décembre 2015)