11/12/2015 - Bien qu’elle ait à sa disposition les puissantes institutions de l’Etat vietnamien, l’idéologie n’arrive pas toujours à imposer ses choix à la volonté populaire. C’est aujourd’hui le cas au sein de l’Education nationale pour l’enseignement de l’histoire. Voilà de nombreux mois que les décideurs des programmes scolaires veulent dépouiller cette discipline de son indépendance et la lier étroitement à la morale civique et à la défense nationale.

Une tentative qui se heurte à une vraie résistance populaire, renforcée et confortée par les protestations d’un grand nombre d’intellectuels et personnalités politiques. Le corps enseignant proteste, des intellectuels bien connus élèvent la voix, y compris dans les journaux officiels, des séminaires rassemblent les opposants et même l’Assemblée nationale vient d’écarter, pour la deuxième fois, l’application des nouvelles mesures.

« Ne pas maintenir l’histoire comme discipline indépendante et obligatoire pour tous les élèves. » Telle a été la proposition qui a mis le feu aux poudres et a suscité la colère des érudits, des enseignants, des familles et des nombreux férus d’histoire que compte le Vietnam. La colère des opposants s’est surtout concentrée sur les propositions contenues dans un projet de programme d’études élaboré par le ministère de l’Education nationale. La nouvelle discipline devrait être désormais appelée : « Le citoyen et la patrie ». L’histoire y est « intégrée » (c’est le terme employé par le projet) et « intimement associée » à deux autres matières sans véritable rapport avec elle, à savoir l’instruction civique et un nouvel enseignement intitulé : « La sécurité nationale ». On comprend que dans ce contexte l’histoire intervient surtout à titre d’exemple.

Un peu partout, des protestations se sont élevées contre ce qu’on a appelé « la disparition programmée » de l’histoire dans les programmes d’enseignement vietnamiens. Celui qui est considérée comme le plus grand historien de cette génération, Phan Huu Lê, a déclaré : « (…) Les membres de la génération qui grandit vont devenir des citoyens n’ayant de l’histoire qu’une connaissance approximative ou, ce qui est pire, erronée (…) ». Un peu partout, y compris dans les journaux officiels, les intellectuels et certains hommes politiques ont fait entendre leur réprobation concernant le traitement infligé à l’histoire au sein de l’Education nationale. Ils ont en particulier mis en évidence l’incompatibilité des deux disciplines associées à l’histoire dans le nouveau programme « Le citoyen et la patrie ».

Tout récemment, des débats ont eu lieu au cours desquelles les directives de l’Education nationale en matière d’histoire ont été mises en cause. Le 15 novembre dernier, un séminaire était organisé à Hanoi dans le cadre du Musée national d’histoire du Vietnam (qui se trouve dans l’ancien bâtiment de l’Ecole française d’Extrême-Orient). Les débats ont été vifs et animés. La majorité des nombreux intervenants, des chercheurs et des enseignants, y ont affirmé la nécessité de l’enseignement de l’histoire comme discipline indépendante et obligatoire, avant de l’utiliser comme illustration de l’instruction civique.

Le lendemain, 16 novembre, le ministre de l’Education nationale répondait aux questions de l’Assemblée nationale à ce sujet : « L’histoire va-t-elle être intégrée à l’intérieur d’une discipline comportant également la morale civique et la défense nationale ? » Le doyen de l’assemblée a même demandé au ministre de déclarer franchement si l’histoire resterait une discipline indépendante dans les manuels scolaires. Le ministre a répondu qu’il n’avait pas encore achevé ses consultations.
A la fin de la session parlementaire, une proposition a été mise aux voix demandant de maintenir l’histoire comme matière unique avec un manuel scolaire dédié. Quatre cent quarante-hui des 456 députés ont voté pour l’adoption de la proposition. (eda/jm)

(Source: Eglises d'Asie, le 11 décembre 2015)