L’ensemble de la presse officielle a annoncé dans la matinée du 28 novembre, l’adoption d’une nouvelle Constitution par l’Assemblée nationale du Vietnam. Sur les 488 députés siégeant au Parlement pour leur sixième session, 486 ont voté pour l’adoption. Les deux députés restants ne se sont pas exprimés.

Après le vote, le président de l’Assemblée nationale, Nguyên Sinh Hung, s’est déclaré satisfait et a affirmé : « La Constitution démontre l’esprit de changement qui nous anime ; elle met en œuvre la volonté du Parti. » Il a précisé ensuite que la volonté du Parti qui venait de s’exprimer dans le texte de la loi fondamentale était en totale harmonie avec les souhaits et les aspirations du peuple (1).

Les sites internet et les blogs indépendants ont en revanche un tout autre ton pour exprimer leur jugement sur la nouvelle Constitution. Un site de l’opposition, le Dân Lam Bao, affirme : « L’adoption de la Constitution manifeste clairement l’appartenance de l’Assemblée nationale au Parti communiste. Un refus aurait signifié son appartenance au peuple. Mais, depuis longtemps, le peuple vietnamien sait à qui appartient l’Assemblée nationale. Il savait avec certitude que la Constitution serait adoptée à une grande majorité. Mais cette majorité est un aveu, elle est une marque honteuse laissée par l’Assemblée dans l’Histoire. »

Un article publié dans plusieurs sites catholiques est ainsi intitulé : « La nouvelle Constitution conduira le Vietnam à l’abîme » (2). L’article conclut ainsi : « Le 28 novembre 2013 est considéré par le président de l’Assemblée nationale comme un beau jour pour l’adoption de la nouvelle Constitution. Mais ce beau jour est source de désespoir pour les millions de Vietnamiens angoissés par l’avenir de leur patrie. »

S’il est trop tôt pour faire une analyse des changements, peu nombreux, apportés par cette Constitution, on peut noter cependant que le rôle dirigeant du Parti communiste au sein de l’Etat et de la société, affirmé dans l’article 4 de l’ancienne Constitution, est souligné et davantage renforcé dans le texte de la nouvelle Constitution, publié ce matin (3), dont voici la traduction :

« 1.) Le Parti communiste vietnamien – avant-garde de la classe ouvrière, avant-garde du peuple travailleur et de la nation vietnamienne, représentant authentique des intérêts de la classe ouvrière, du peuple travailleur et de l’ensemble de la nation –, adoptant le marxisme-léninisme et la pensée de Hô Chi Minh comme fondement de son idéologie, est la force dirigeante de l’Etat et de la société.
2.) Le Parti communiste vietnamien est intimement associé au peuple, il est à son service, se soumet à son contrôle et est responsable devant lui de ses décisions.
3.) Les organisations du Parti et ses membres mènent leurs activités dans le cadre de la Constitution et de la loi. »

La sixième session de l’Assemblée nationale, qui s’était ouverte le 21 octobre et s’achèvera le 30 novembre, avait été précédée par une consultation populaire soigneusement organisée et contrôlée par les autorités centrales et locales. Celle-ci portait sur un projet de Constitution préparée par le Bureau permanent de l’Assemblée nationale. Dans l’esprit de ses organisateurs, seuls quelques détails pouvaient être corrigés. Cependant, au cours de la consultation qui avait débuté en janvier 2012, divers groupes d’opinions ont refusé le cadre de discussion préparée à l’avance pour présenter leurs propres projets ou procéder à une critique globale du projet gouvernemental.

Le 19 janvier 2013, un groupe de 72 intellectuels présentait une requête pour la refonte de la Constitution. Il demandait en particulier que le Parti communiste devienne un parti politique en concurrence et à égalité avec d’autres partis. Cette requête avait recueilli de très nombreuses signatures et avait été remise au Bureau permanent de l’Assemblée nationale chargée de la rédaction de la Constitution.

Une autre contribution avait également retenu l’attention ; celle de la Conférence épiscopale du pays. Elle démontrait entre autres que le monopole du Parti communiste entrait en contradictoire avec l’existence des libertés proclamées par la Constitution de 1992 ainsi que par le projet actuel. Cette contribution fut accueillie avec enthousiasme dans les milieux catholiques et libéraux mais n’eut aucun impact sur les intentions du gouvernement, qui ne la mentionna jamais.

D’autres initiatives indépendantes n’eurent pas plus de succès. On peut citer par exemple la déclaration rédigée le 5 mars 2013 par le patriarche du bouddhisme unifié, le vénérable Thich Quang Do, ou encore celle du dirigeant du bouddhisme Hoa Hao originel ou celle d’autres personnalités dissidentes. (eda/jm)

(1) Voir le Tin Moi du 28 novembre 2013
(2) Voir VietCatholic News du 27 novembre 2013
(3) On peut trouver le texte vietnamien de la Constitution dans le Hanoi Moi du 28 novembre 2013.

(Source: Eglises d’Asie, 28 novembre 2013)