Alors que le typhon Haiyan (appelé Yolanda aux Philippines) s’est abattu sur l’archipel il y a déjà cinq jours, faisant plus de 10 000 morts pour la seule ville de Tacloban, la délégation philippine à la conférence sur le climat de l’ONU qui se tient à Varsovie, a pointé du doigt la responsabilité humaine dans la recrudescence et la violence des tempêtes tropicales. L’un des représentants de l’archipel, Naderev Sano, a commencé hier une grève de la faim pour forcer les Etats membres à « prendre des décisions concrètes et urgentes » contre le réchauffement climatique.

Plus de 190 pays sont réunis depuis lundi à Varsovie au sein de la Conférence sur le climat sous l’égide des Nations Unies, afin de poser les bases de l’accord prévu en 2015 à Paris pour limiter les émissions des gaz à effet de serre. Le passage du typhon Haiyan quelques jours avant l’ouverturre du sommet a ramené les débats à des optiosn plus concrètes. « Nous sommes rassemblés ici avec, sur nos épaules, le poids de nombreuses réalités qui donnent à réfléchir» (...) comme l’impact dévastateur du typhon Haiyan », a déclaré hier la responsable de la Conférence, Christiana Figueres, devant les délégations du monde entier qui siègeront jusqu’au 22 novembre.

L’une des représentantes des Philippines, Alicia Ilaga, a pressé les participants d’agir concrètement: « Que pouvons-nous demander de plus à cette conférence que de faire progresser ces négociations et transformer les promesses en actions ? » Quant à Naderev 'Yeb' Sano, un délégué philippin surnommé le « croisé du climat » pour son engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique, il a ému toute la conférence par une allocation très personnelle lors de l’ouverture de la session lundi 11 novembre (sa famille dont il est sans nouvelles, vit dans la province de Leyte, la plus touchée par le typhon). Il a ensuite terminé son intervention en annonçant qu’il entamait une grève de la faim dans l’espoir de mettre fin à la « folie de la crise climatique».

« Par solidarité envers mes compatriotes, qui luttent pour trouver de la nourriture (...), je vais commencer un jeûne volontaire pour la lutte contre le réchauffement climatique et m'abstiendrai de manger durant cette conférence jusqu'à ce que des résultats significatifs soient décidés », a-t-il déclaré, ponctuant son discours de larmes et ajoutant «souffrir terriblement dans l’attente de nouvelles de [sa] famille ».

« Ce que mon pays traverse est une folie. La crise climatique est une folie. Nous pouvons arrêter cela ici, à Varsovie, (...), nous pouvons prendre des mesures pour empêcher que les super-typhons ne deviennent une habitude du quotidien. »

L’annonce de sa grève de la faim a provoqué une avalanche d’encouragements et de messages de soutien sur la page Facebook et le compte Twitter de Naderev Sano. Profondément catholique, le militant écologiste a assuré de son côté les Philippins de sa prière et de sa compassion, par des messages envoyés heure par heure. Si certains lui assurent avoir vu son frère vivant, le militant n’a toujours aucune nouvelles du reste de sa famille, qui vivait dans un petit village isolé de la province de Leyte, dans les Visayas orientales

Cinq jours après le passage du plus puissant cyclone mesuré à ce jour depuis que l’on effectue des relevés météorologiques (vents soufflant à plus de 360 km/h et vagues de cinq mètres évoquant un tsunami), les ONG sur place décrivent un « paysage de désolation ». Le bilan des morts n’est pas encore connu, les Nations Unies ayant annoncé hier officiellement un chiffre « provisoire » de plus 10 000 morts pour la seule ville de Tacloban, capitale de la province de Leyte. « Pour le bilan des morts, nous nous attendons au pire; au fur et à mesure que l'accès à certains sites se débloque, nous découvrons toujours plus de cadavres », a commenté John Ging, directeur des opérations du bureau de la coordination humanitaire de l'ONU.

A Tacloban, les secours sont arrivés tardivement et les habitants affamés ont pris d’assaut les premiers convois de nourriture. Le président philippin Benigno Aquino qui venait de déclarer l'état de catastrophe nationale a décrété hier soir l’état d’urgence pour la province de Leyte afin de pouvoir y dépêcher plusieurs centaines de militaires et de policiers pour rétablir l'ordre. Mais malgré les annonces rassurantes sur « l’aide qui ne tardera plus désormais » du président des Philippines, les sinistrés dénoncent une « imprévoyance criminelle » et une absence totale de réactivité du gouvernement vis-à-vis de la catastrophe.

Si l’Eglise catholique, en mobilisant tous les diocèses du pays a rapidement rassemblé des fonds et envoyé des volontaires sur place, les autorités semblent en effet dépassées par l’ampleur de la catastrophe, laissant aux associations et notamment à la Caritas mettre en place les secours et acheminer les colis d’urgence aux survivants et déplacés.

De son côté, la communauté internationale qui a tenté d’anticiper dès l’annonce le 8 novembre de l’arrivée du typhon, a fait parvenir des équipes aux Philippines, qui tentent tant bien que mal de rejoindre les zones les plus dévastées, dont les habitants sont privés d'eau, d'électricité, de moyens de communication et de nourriture depuis plusieurs jours. Des marines américains sont arrivés avec des navires de guerre et des avions remplis de vivres et de matériel. Selon eux, « les infrastructures sont totalement détruites » et il faudra au pays « des mois, voire des années pour se reconstruire ». Les Britanniques et les Canadiens ont également envoyé des équipes de sauvetage militaires par avions et par bateaux et l’UNICEF a débarqué aujourd’hui aux Philippines 60 tonnes de matériel médical et sanitaire ainsi que des kits de survie.

Alors que l’archipel vit dans l’attente du passage de Zoraida, une nouvelle dépression tropicale qui approche de Mindanao au sud de l’archipel, rapporte The Inquirer ce mardi 12 novembre, Voltaire Alferez, coordinateur national d’Aksyon Klima, une organisation d’écologistes philippins, a pressé les représentants des pays réunis à Varsovie de mettre en place un système qui « permette aux différents pays d’ intervenir dans les cas d’évènements climatiques extrêmes, comme ce qui vient de se passer aux Philippines avec le super typhon Haiyan ». (eda/msb)

(Source: Eglises d’Asie, 12 novembre 2013)