Par un rite traditionnel aborigène de réconciliation, suivi d’une célébration eucharistique, l’Eglise catholique ainsi que d’autres confessions chrétiennes ont voulu, par une démarche inédite, exprimer une demande de pardon adressée aux aborigènes des Philippines pour « les fautes commises envers les communautés tribales ».. ..
... « Nous félicitons la Commission épiscopale catholique pour les peuples indigènes (ECIP) du choix du thème de cette année ‘Guérison et solidarité: demande de pardon pour les fautes commises contre les peuples indigènes’», a déclaré le parti Katribu, qui regroupe de nombreux mouvements aborigènes (1). « Le choix de ce thème intervient au bon moment, alors que l’unité de l’Eglise peut devenir l’atout majeur des peuples indigènes pour les sortir d’une situation désespérée », poursuit le mouvement militant dans une déclaration publiée à l’occasion de la Semaine pour les aborigènes des Philippines, qui s’est achevée le 1er octobre dernier.

Chaque année, la semaine précédant le deuxième dimanche d’octobre est consacrée aux populations « tribales » des Philippines; une initiative de la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) au sein de laquelle a été créée, en 1977, une commission pour les peuples aborigènes. Le point d’orgue de la manifestation consiste en une journée de célébration œcuménique et interreligieuse lors du Tribal Filipino Sunday, réunissant des membres de l’Eglise catholique, du Conseil national des Eglises (protestantes) et des représentants des différentes communautés aborigènes. Ces dernières, d’origines ethniques et de culture très diverses, représenteraient environ 15 % de la population de l’archipel selon la National Commission on Indigenous Peoples (NCIP) (2). Longtemps méprisées et rejetées vers les montagnes, les populations aborigènes n’ont guère trouvé de soutien, ces dernières décennies, qu’auprès des Eglises chrétiennes.

Cette année, un rituel aborigène de réconciliation, le tong-tongan, s’est tenu à Baguio City, les 11 et 12 octobre, à l’issue de la semaine des peuples indigènes, les Eglises chrétiennes exprimant pour la première fois une demande de pardon. Mené par les anciens, le rite traditionnel a débuté par des discussions entre les représentants des Eglises et ceux des communautés aborigènes. Les groupes autochtones, après avoir exprimé leurs griefs (la non-protection de leurs droits, de leurs terres et de leur identité culturelle), ont ensuite accepté les demandes de pardon des représentants des Eglises, concluant la réconciliation par un traité de paix puis des échanges symboliques de cadeaux. Une célébration eucharistique a clôturé la manifestation en la cathédrale Notre-Dame de la Délivrance de Baguio City.

Demander pardon pour ses fautes est une démarche authentiquement chrétienne et profondément enracinée dans l’enseignement, la doctrine et la pratique de l’Eglise catholique, a déclaré, lors de l’événement, le responsable de la Commission épiscopale pour les peuples indigènes. La spiritualité et le sens de la justice des peuples aborigènes, a-t-il poursuivi, permettent, de leur côté, une réconciliation en profondeur et la réparation des liens rompus.

Le dialogue conduira à changer les cœurs, les façons de vivre et de penser, la pratique de la théologie et induira des changements dans l’approche pastorale comme ecclésiale. « Ces activités visent à réveiller les consciences et sensibiliser la communauté chrétienne pour qu’elle se tourne davantage vers les peuples aborigènes », a expliqué le P. Antonio Calautit, du diocèse de Laoag, coordinateur du programme du diocèse pour les peuples indigènes.

Mgr Sergio Utleg, évêque de Laoag, a exprimé sa conviction que « l’Eglise et le gouvernement pouvaient travailler ensemble pour résoudre les problèmes des populations aborigènes », par l’instauration d’un dialogue et la mise en place d’échanges culturels.

« Tirer les leçons des erreurs du passé permet de tisser des liens plus forts, a conclu Katribu dans une déclaration. Avec le peuple philippin tout entier, l’Eglise et les populations aborigènes pourront œuvrer ensemble à un avenir de paix » (3).

Aux Philippines, les peuples aborigènes sont concentrés principalement dans la partie nord de Luzon, notamment autour de Baguio (où les fameuses rizières en terrasses visitées par les touristes sont l’œuvre de plusieurs de ces peuples), à Mindanao, de petits groupes vivant dispersés dans les Visayas. Pour nombre de Philippins, ces peuples sont animistes, bien qu’aujourd’hui la grande majorité d’entre eux soit catholique ou protestante, une toute petite fraction étant musulmane.

(1) Katribu, qui s’est donné pour but principal la lutte pour la reconnaissance des droits des communautés indigènes des Philippines, définit ainsi son identité sur son site Internet: « Les peuples indigènes des Philippines se distinguent [des autres groupes ethniques] par leur appartenance à des cultures préhispaniques et non-islamiques, ainsi que leur relation traditionnelle avec la nature et leur amour pour leurs terres ancestrales (...). »
(2) La population autochtone aux Philippines étant estimée à partir de recensements excluant certains groupes qui ne rentrent pas dans les catégories officielles, il semblerait que ce chiffre soit sous-évalué. Les Nations Unies et certaines ONG estiment que le nombre des aborigènes philippins se situe entre 17 et 20 % de la population.
(3) gmanews.tv, 10 octobre 2010; Ucanews, 11 octobre 2010; site de la CBCP; site de Katribu

(Source: Eglises d'Asie, 13 octobre 2010)