Un article récemment mis en ligne sur le site officiel de la Conférence des évêques du Vietnam (1) a aussitôt attiré l’attention des lecteurs. Il a ensuite été repris par de nombreux sites Internet et blogs d’inspiration catholique, dans le pays et à l’étranger. S’appuyant sur trois séries de faits rapportés par la presse officielle, ...

... l’auteur, un religieux franciscain, connu pour sa pondération, P. Nguyên Hông Giao, met en cause la compétence professionnelle et le sérieux des dirigeants chargés de d’administrer le pays au quotidien. Il souligne l’absence de sens des responsabilités dont ils font preuve ainsi que leurs compromissions avec les puissances financières, en particulier avec les commerçants chinois. La force de cet article tient autant aux jugements critiques qu’il porte sur l’administration du pays qu’à la nature et à la gravité des faits qu’il rapporte. Leur description est entièrement empruntée aux deux journaux les plus lus de la presse officielle, tous les deux étant des organes de la Jeunesse communiste (2).

L’article commence de manière abrupte par des citations de deux reportages concernant la ville touristique de Da Lat, parus dans la presse officielle. Les deux déplorent la dégradation catastrophique de sites aussi célèbres que les chutes du Cam Ly, le lac des soupirs, la vallée de l’amour, etc. L’incurie des autorités, l’occupation massive du terrain par les petits commerçants ont détruit le charme discret de ces paysages que la guerre avait préservés pour un temps du tourisme. Les autorités, longtemps indifférentes, n’ont commencé à réagir qu’après que la presse eut dénoncé les dégâts que l’inertie administrative avait fait subir à la ville.

Le deuxième exemple, qui donne lieu à une conclusion analogue, concerne la baie de Cam Ranh, qui a abrité une base américaine pendant la deuxième guerre du Vietnam et fut ensuite, pendant un temps, louée à l’Union soviétique. Un reportage paru dans le journal Thanh Niên révèle que des exploitants chinois se sont établis sur cette côte. Ils y ont installé des dizaines de bassins d’élevage de poissons et crustacés, d’une surface d’environ 100 m² chacun, solidement construits en béton. Une enquête plus approfondie a révélé que l’élevage de poissons et crustacés n’était, en réalité, qu’une des activités des pisciculteurs venus de Chine. Leur activité principale consistait à acheter massivement le poisson pêché au large des côtes du centre Vietnam. La marchandise était ensuite transportée en Chine par des bateaux chinois venus en prendre livraison. Selon les reportages de la presse officielle, les autorités de la ville de Cam Ranh ont reconnu que les activités auxquelles se sont livrés les commerçants chinois, à savoir l’élevage et l’exportation de poissons, ont échappé à leur vigilance pendant onze ans. Aucune taxe n’a été payée. Comme dans le cas précédent, ce n’est qu’après la dénonciation des faits par la presse que les autorités se sont aperçues du caractère illégal du trafic mené par les commerçants chinois et ont procédé à l’expulsion de ces derniers.

Peu de temps après son rapport sur l’affaire de Cam Ranh, le même journal dénonçait une arnaque du même type, mais plus subtile, dans la province de Phu Yên, à Vung Rô. L’objectif était le même, à savoir l’exportation clandestine de poissons vers la Chine. Cependant, les trafiquants, bénéficiant de complicités sur place, se faisaient passer pour des techniciens spécialisés et faisaient enregistrer la propriété des bassins d’élevage sous le nom d’habitants du lieu qu’ils rémunéraient pour cela. Ici aussi, le trafic s’est déroulé sous l’œil indifférent des autorités, jusqu’à ce que la presse le dénonce.

Tout en affirmant que beaucoup d’autres exemples pourraient illustrer son propos, l’auteur arrête là son rapport des faits pour porter un jugement global sur le fonctionnement actuel de l’appareil administratif du pays. Le jugement est particulièrement sévère. Il dénonce sa faiblesse insigne à tous les échelons. Il déplore une absence généralisée du sens des responsabilités.

Pour expliciter ce jugement, l’article s’attarde sur les excuses invoquées par les autorités pour justifier leur incurie. L’ignorance des faits est le motif auquel elles recourent généralement, une ignorance réelle ou plus souvent mensongère, commente l’article. Réelle, elle est une défaillance chez un fonctionnaire censé administrer la vie quotidienne du peuple. Mais elle est plus souvent mensongère et destinée à camoufler la corruption ou diverses autres compromissions. La seconde manière de se justifier pour les dirigeants des divers échelons consiste à rejeter la responsabilité sur les autorités supérieures ou inférieures, ou bien sur d’autres services…

Le franciscain en appelle à l’esprit de responsabilité. Il souhaite que chaque dirigeant sache se tenir pour responsable des défaillances dans le domaine qui lui a été confié et sache démissionner dans le cas où son incapacité est flagrante.

(1) L’article, intitulé « Au sujet de l’administration du pays », a été mis en ligne le 3 juin 2012 sous la rubrique « Minute de réflexion ».

(2) Les articles des deux journaux cités, Tuôi Tre (‘Jeunesse’) et Thanh Niên (‘Jeunes Gens’), ont paru dans le courant du mois de mai et au début du mois de juin 2012.

(Eglises d’Asie, 12 juin 2012)
(Le P. Nguyên Hông Giao dénonce la responsabilité de l'administration dans la dégradation des plus beaux sites naturels du pays. D.R)