Le 22 octobre 2010, sur proposition du Conseil pontifical ‘Justice et Paix’, une enquête avait été ouverte en vue de la béatification et de la canonisation du cardinal François-Xavier Nguyên Van Thuân, originaire de l’archidiocèse de Huê, qui fut évêque de Nha Trang, archevêque coadjuteur de Saigon, détenu sans procès en camp et en prison pendant treize ans, ...

... exilé à Rome où il devint vice-président puis président de la Commission ‘Justice et Paix’ et, enfin, nommé cardinal un an avant sa mort en 2002.

Depuis la cérémonie du 22 octobre 2010, à Rome qui a marqué l’ouverture de l’enquête, l’équipe du diocèse de Rome chargée de la mener à bien, a grandement progressé et a recueilli de nombreux témoignages auprès de personnes ayant connu le cardinal, aujourd’hui dispersées sur plusieurs continents. La délégation s’apprête maintenant à venir interroger les témoins dans les quatre diocèses où le cardinal François-Xavier a vécu un certain temps. Dans des communiqués ou des lettres pastorales, les évêques des quatre diocèses concernés ont fait connaître à leur clergé et aux fidèles le programme de travail de la délégation romaine. Elle séjournera au Vietnam du 23 mars au 9 avril 2012.

L’enquête débutera à Saigon où la délégation recueillera des témoignages du 24 au 27 mars 2012. Trente-sept ans plus tôt, le 24 avril 1975, une semaine avant la chute de Saigon et la fin de la guerre du Vietnam, le Saint-Siège avait nommé Mgr Thuân archevêque coadjuteur de la métropole du sud. Les nouvelles autorités civiles, très mécontentes de cette nomination, le firent savoir ouvertement et poussèrent des groupes de catholiques, très minoritaires, à manifester contre le nouvel archevêque. Finalement, il fut expulsé de Saigon par la force, mis en résidence surveillée dans une petite paroisse de son ancien diocèse avant d’être interné dans des conditions extrêmement sévères dans la ville de Nha Trang, puis expédié vers le nord. Après treize années d’internement, il sera exilé à Rome. Le 24 novembre 1994, il était déjà vice-président de la Commission ‘Justice et Paix’ depuis sept mois, lorsqu’il démissionna de son poste d’archevêque coadjuteur de Saigon. Peu de temps après, l’actuel archevêque fut nommé (1).

Après Saigon, la délégation continuera ses travaux dans le diocèse Nha Trang où elle sera présente du 28 au 31 mars 2012. Quelques mois plus tôt, le diocèse avait créé une commission diocésaine spéciale qui avait préparé la venue de cette délégation par une enquête préalable. La plupart des membres de cette commission ont connu le cardinal à l’époque où il était évêque de Nha Trang.

Ce diocèse fut pris en charge par Mgr Thuân en 1967. Il avait 39 ans et succédait à un évêque français, Mgr Marcel Piquet. La guerre du Vietnam, qui battait son plein à cette époque, a rendu difficile, même héroïque, le ministère pastoral de l’évêque. L’offensive générale déclenchée en janvier 1968 par le Nord-Vietnam paralysa un moment les activités du diocèse. L’évêque s’engagea avec ardeur dans l’assistance aux personnes déplacées par la guerre. En 1975, il était responsable national de l’organisme d’assistance COREV. C’est durant son épiscopat à Nha Trang qu’il participa à la fondation de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (FABC). Sa nomination au poste d’archevêque coadjuteur de Saigon en avril 1975 l’arracha à son diocèse et marqua le début de treize années de détention et de souffrances (2).

Du 1er au 3 avril, la délégation enquêtera dans l’archidiocèse de Huê, pays natal du cardinal. C’est là en effet qu’il est né le 17 avril 1928 dans une famille bien connue dont plusieurs ancêtres furent martyrs. Il était le neveu du président Ngô Dinh Diêm, qui gouverna la première République du Vietnam de 1954 à 1963. Le petit séminaire diocésain An Ninh l’avait accueilli en 1941 à l’âge de 13 ans. Il fut ordonné prêtre en 1953 avant de poursuivre ses études à Rome. A son retour, il revint enseigner au séminaire puis en fut nommé le supérieur. Il assuma ensuite la charge de vicaire général de l’archidiocèse, avant d’être nommé et consacré évêque du diocèse de Nha Trang en 1967.

La délégation sera accueillie au centre pastoral de Huê. Elle interrogera dix témoins et consultera de nombreux documents concernant sa famille, sa vie et son œuvre dans l’archidiocèse. L’actuel archevêque de Huê, Mgr Etienne Nguyên Nhu Thê, fait partie du groupe appelé à témoigner au sujet du cardinal. Il était l’un de ses amis très proches. Seront aussi consultés par la délégation cinq prêtres qui se proclament ses fils spirituels, un prêtre de sa génération, des religieuses de sa parenté, ainsi que trois laïcs membres de l’institut séculier « Espérance », fondé par lui. A Huê, il y a déjà deux personnes qui affirment avoir été guéries par l’intercession du cardinal (3).

L’enquête romaine s’achèvera à Hanoi où la délégation recueillera d’autres témoignages du 5 au 7 avril 2012. L’archidiocèse de Hanoi a noué des liens particuliers avec le cardinal à l’époque de sa captivité et de sa résidence surveillée, de 1976 à 1991. En 1976, après plus d’un an d’internement, de mauvais traitements et d’isolement complet à Nha Trang, Mgr Thuân fut embarqué vers le nord. Après dix jours de voyage, avec 500 autres prisonniers du sud, il fut placé dans le camp d’internement de Vinh Quang, qu’il quitta bientôt pour un deuxième lieu de détention. Au bout de quinze mois, grâce aux pressions internationales, il fut placé en résidence surveillée dans le presbytère d’un petit village du diocèse de Hanoi, nommé Giang Xa. C’est une époque où il put exercer quelques activités pastorales et reçut d’assez nombreux visiteurs, quelquefois venus de l’étranger. En novembre 1982, un fourgon de police vint le chercher. Pendant six ans, il fut tenu au secret en divers lieux, jusqu’en novembre 1988, date à laquelle il fut placé en résidence surveillée à l’archevêché d’Hanoi.

Ce fut ensuite, en 1991, le départ pour Rome, un départ qui ressemblait beaucoup à un bannissement. Durant son séjour dans l’archidiocèse de Hanoi, le cardinal noua des liens avec un grand nombre d’évêques, de prêtres, de laïcs de la région. Ce sont eux que l’archevêque de Hanoi a appelés à témoigner, dans un communiqué publié le 6 janvier dernier (4).

(1) Voir le communiqué du cardinal archevêque de Saigon, Mgr Pham Minh Mân, le 1er janvier 2012, sur le site de l’archidiocèse : http://www.hdgmvietnam.org/thu-muc-vu-cua-toa-giam-muc-nha-trang-va-thong-bao-cua-toa-tong-giam-muc-ha-noi/3574.55.4.aspx
(2) Voir la lettre pastorale de l’évêque de Nha Trang, Joseph Vo Duc Minh, du 11 janvier 2012 : http://gpbanmethuot.vn
(3) Voir le communiqué de l’archevêché de Huê signé de Mgr Etienne Nguyên Nhu Thê : http://giaohatcamau.net/vi/news/Giao-Phan-Viet-Nam/Thong-bao-cua-Toa-TGM-Hue-ve-tien-trinh-Phong-A-thanh-va-Hien-thanh-cho-Duc-Co-Hong-Y-PX-Nguyen-Van-Thuan-144/
(4) Voir le communiqué de l’archevêque de Hanoi, Mgr Phêrô Nguyên Van Nhon, le 6 janvier 2012 : http://tgphanoi.org/

(Source: Eglises d'Asie, 19 mars 2012)