Lors d’un rassemblement devant le Parlement, les abolitionnistes ont célébré le 8 septembre dernier les 5 000 jours écoulés depuis la dernière exécution capitale en Corée du Sud, soit le 31 décembre 1997. Députés, représentants des différentes religions et leaders de diverses associations de défense des droits de l’homme ont déclaré leur détermination à faire abolir définitivement la peine capitale d’ici la fin de l’année...

... La Corée du Sud, qui n’a procédé à aucune exécution capitale depuis plus de dix ans, est considérée par Amnesty International comme « abolitionniste de fait ». La peine de mort est cependant « toujours inscrite dans la loi », comme l’ont déploré lors de la manifestation les parlementaires Kim Boo-kyum, du Parti démocratique, et Theresa Park Sun-young, tous deux connus pour leur engagement en faveur de l’abolition de la sentence capitale. Ils faisaient partie en juin dernier de la vingtaine de représentants de mouvements religieux, profanes et humanitaires qui avaient soumis un projet assorti d’une pétition à l’Assemblée nationale afin de « bannir définitivement » la peine de mort d’ici la fin de l’année. Ils avaient souligné l’urgence de faire passer cette loi lors de la session parlementaire d’automne (de septembre à décembre), étant donné que l’année 2012 sera consacrée aux élections générales et rendrai donc très difficile toute discussion et vote sur cette question, qui fait l’objet de débats récurrents en Corée du Sud (1).

Jusqu’à présent, de nombreux projets pour remplacer définitivement la peine capitale par une peine de détention à vie ont été présentés devant l’Assemblée nationale, mais aucun d’eux n’a abouti. En octobre 2010, le Comité pour les droits de l’homme de la CBCK (Conférence des évêques catholiques de Corée) avait fait parvenir aux députés une pétition signée par plus de 100 000 catholiques.

Parmi les opposants à la peine capitale, l’Eglise catholique se trouve en première ligne et milite depuis de nombreuses années, notamment en montant des actions communes avec des ONG en faveur des droits de l’homme et des leaders d’autres religions. C’est le cas, par exemple, de l’Union des religions pour l’abolition de la peine de mort, structure rassemblant des responsables du bouddhisme, du catholicisme, du protestantisme, du confucianisme ou encore des cultes autochtones du bouddhisme won, du Chondo-gyo et du chamanisme (2). Ces dernières années, le Comité pour l’abolition de la peine de mort de la CBCK a multiplié de son côté les initiatives originales pour monter des campagnes de sensibilisation (3).

Lors de la manifestation du 8 septembre, Tomasz Kozlowski, chef de la délégation de l’Union européenne en Corée du Sud, a tenu à souligner que la suspension des exécutions avait permis à la communauté internationale de se « rendre compte que la Corée du Sud respectait et protégeait les droits de l’homme » mais qu’il était temps désormais de confirmer cette image positive du pays en « abolissant définitivement la peine capitale ».

Le Rév. Kim Young-ju, secrétaire général du Conseil national des Eglise (protestantes) de Corée (NCCK), a déclaré pour sa part que s’il reconnaissait que la population sud-coréenne restait divisée sur la question, la décision d’abolir oui ou non la peine de mort ne devait pas revenir à « l’opinion publique » mais « à la conviction et la philosophie des dirigeants du pays ».

Le débat sur la peine de mort a été relancé à de nombreuses reprises ces dernières années, menaçant à chaque fois de mettre fin au moratoire : en 2009, la mise en accusation d’un meurtrier en série, Kang Ho-sun, avait déclanché la colère des Sud-Coréens, laquelle fut ravivée de nouveau en mars 2010 avec le viol et le meurtre d’une collégienne. En février 2010, la Cour suprême, qui avait été saisie sur la question, avait conclu par 5 voix contre 4 que la peine de mort n’était pas anticonstitutionnelle. « Afin de protéger la vie des gens et l’intérêt public, ôter le droit à la vie d’une personne dans des circonstances exceptionnelles ne peut pas être considéré comme une violation des droits fondamentaux », avaient déclaré les juges.

Lors du fait divers sordide de 2010, la population sud-coréenne était passée de 64 % d’opinons favorables à la peine de mort (en 2009) à 80 %, selon un sondage mené par l’Institut Youido (dépendant du parti au pouvoir). Il y aurait actuellement environ une quinzaine de personnes dans les couloirs de la mort des prisons sud-coréennes (4).

(1) Voir EDA 402, 408, 417, 437, 495
(2) Voir EDA 408
(3) Voir EDA 532
(4) Ucanews, 21 juin et 8 septembre 2011; Amnesty International, rapport 2010.

(Source: Eglises d'Asie, 9 septembre 2011)