Tandis que la situation à Misrata, troisième ville de Libye, située à 210 km à l’est de la capitale Tripoli, bastion du régime Kadhafi, reste incertaine, les troupes loyalistes bombardant sans relâche cette ville tenue par les insurgés anti-Kadhafi, l’Eglise catholique s’inquiète du sort des populations civiles, notamment des travailleurs migrants philippins dont les dernières nouvelles remontent au 14 mars dernier.


Dans le conflit qui déchire la Libye actuellement, les travailleurs étrangers, très nombreux, ont pour une grande partie d’entre eux fui le pays. Les gouvernements chinois et sud-coréens ont ainsi organisé des évacuations massives, la Chine populaire ayant fait sortir de Libye près de 35 000 de ses ressortissants. Le gouvernement philippin est, quant à lui, parvenu à faire sortir 12 000 de ses ressortissants du pays, les chiffres officiels avant le conflit faisant état de la présence de 26 000 Philippins dans le pays, voire de 32 000 selon la Croix-Rouge. Une des difficultés de ces évacuations tient au fait que les travailleurs étrangers sont le plus souvent sans passeport, celui-ci étant généralement entre les mains de leurs employeurs ou des autorités locales.

De Tripoli, le P. Allan Jose Arcebuche, franciscain philippin, vicaire à la paroisse San Francisco, tente de suivre la situation à Misrata malgré la rupture des communications avec cette ville. Il est sans nouvelles d’au moins 40 travailleurs philippins, dont 25 enseignants, six employés d’une société métallurgique, huit d’une fabrique de yaourts, et une dizaine d’infirmières, l’une d’elles étant enceinte. Il s’inquiète d’informations, impossibles à recouper, selon lesquelles des Philippins seraient utilisés comme boucliers humains ou auraient été rassemblés de manière à servir d’otages. Envoyée par l’ambassade des Philippines à Tripoli, une équipe a tenté d’approcher la ville afin d’en savoir plus mais les combats qui font rage l’en ont empêché.

Depuis Manille, le 5 avril, le ministère philippin des Affaires étrangères a confirmé que des infirmières étaient prises au piège dans Misrata. Migrante International, une ONG de soutien aux Philippins expatriés, a affirmé que, selon ses informations, des infirmières philippines avaient été réquisitionnées par des forces armées, sans plus de précision. Selon Garry Martinez, il resterait quelque 15 000 travailleurs philippins en Libye, dont 4 000 sont à Tripoli. La plupart seraient livrés à eux-mêmes, leurs employeurs étrangers ayant quitté le pays en les laissant sur place.

A Tripoli, le P. Hermilo Vilason, aumônier des Philippins, témoigne du fait que de nombreux Philippins ont trouvé refuge dans la cathédrale du vicariat apostolique de Tripoli. Depuis plus d’un mois, ils campent à l’intérieur du lieu de culte, craignant pour leur sécurité à l’extérieur de l’enceinte de la cathédrale. Mgr Giovanni Innocenzo Martinelli, vicaire apostolique de Tripoli, les réconforte en leur demandant de prier pour eux et la Libye.

Que ce soit dans les villes tenues par les forces pro-Kadhafi ou dans les villes tenues par les insurgés, les responsables de l’Eglise locale témoignent du respect dont jouissent les infirmières et le personnel hospitalier philippins qui ont choisi de ne pas quitter le pays. Selon le P. Allan Arcebuche, les infirmières philippines font figure d’« héroïnes » pour les Libyens. « En choisissant de rester dans les hôpitaux auprès de leurs patients, elles ont gagné le respect de nombreux Libyens », rapporte le prêtre, qui souligne qu’au cas où le personnel soignant philippin choisirait de partir, de nombreux hôpitaux seraient contraints de fermer. Pour les Philippins, le respect ainsi gagné leur vaut un certain degré de protection, estime-t-il encore.

(Source: Eglises d'Asie, 6 avril 2011)