Nagaland: des baptistes tentent d’empêcher une communauté catholique de construire son église

Eglises d’Asie, 27 juillet 2010 – Les catholiques du Nagaland, un Etat du Nord-Est de l’Inde, ont fermé toutes leurs écoles vendredi 23 juillet (1) en signe de protestation contre la destruction, attribuée aux chrétiens baptistes, d’une église à Anatongre, dans le district de Kiphire.

Le Nagaland est un Etat « tribal » (aborigène) dont l’accès est strictement réglementé en raison des tensions interethniques et des revendications indépendantistes omniprésentes (Restricted / Protected Area) qui l’agitent. Il est le seul Etat de l’Inde à compter près de 90 % de chrétiens, une particularité due à la conversion massive au christianisme baptiste au siècle dernier, des ethnies naga (2), qui constituent la presque totalité de la population.

« En tant que chrétiens, nous ne voulons pas agir dans la précipitation, mais rester patient et prendre les bonnes décisions avec calme », a déclaré le P. Carolus Neisalhou, vicaire général du diocèse catholique de Kohima, sous la juridiction duquel se trouve l’Etat du Nagaland (3).

Les affrontements interconfessionnels dans le village d’Anatongre ont commencé en 1973, lorsque la minorité catholique s’est heurtée à la résistance de nombreux habitants du village qui leur refusaient la construction d’une église catholique. En 2001, le conseil de village décidait que, « pour maintenir l’unité » de la communauté, il ne fallait qu’un seul lieu de culte au village, l’église baptiste. Cette décision répondait à la lettre envoyée peu auparavant aux « anciens du village » par la communauté catholique naissante, les informant qu’elle s’apprêtait à construire un lieu de culte et qu’elle avait commencé à collecter les fonds nécessaires. Des années plus tard, en avril 2010, les autorités du village écrivaient au prêtre de la paroisse voisine de Saint-Peter pour lui dire leur opposition à la construction de l’église catholique au motif que la majorité des habitants avaient déjà signifié leur volonté de n’avoir « qu’une seule église dans le village ».

A son tour, le prêtre envoyait à la police locale une lettre écrite en commun avec 21 catholiques de la communauté, dans laquelle ils réaffirmaient leur droit à faire construire leur propre lieu de culte. Les catholiques, qui avaient élevé les structures en bois de leur église, s’apprêtaient à y commencer les offices, lorsque des groupes de villageois, venus en force, sont venus détruire l’édifice.

Des sources ecclésiastiques locales rapportent que sur la vingtaine de familles qui ont embrassé le catholicisme, plus de la moitié déclarent avoir subi des pressions et des menaces afin qu’ils abjurent leur foi.

La destruction de l’église d’Anatongre a provoqué la réaction indignée de la communauté catholique du Nagaland. Une manifestation de soutien a été organisée par l’Association catholique du Nagaland (CAN) le 23 juillet dernier, et les écoles catholiques de l’Etat sont restées fermées en signe de protestation. La CAN a également appelé les autorités et le ministre-président de l’Etat du Nagaland à assurer aux catholiques « la liberté de religion », comme le leur garantit la Constitution indienne.

Quant à la fermeture des écoles, a expliqué un responsable catholique à l’agence Ucanews (4), elle a pour but de montrer « la déception [de la communauté catholique] et son espoir que de semblables événements ne se produiront plus à l’avenir ».

(1) En Inde, les grandes vacances scolaires ont généralement lieu entre mai et juin pour une rentrée des classes vers juillet.

(2) Les Naga sont une population d’origine tibéto-birmane, évaluée aujourd’hui à environ deux millions et demi d’individus. Ils sont répartis dans les régions montagneuses de part et d’autre de la frontière indo-birmane. En Inde, ils sont fortement majoritaires dans les Etats du Nord-Est: le Nagaland, le Manipur, l’Assam et l’Arunachal Pradesh.

(3) Le territoire du diocèse de Kohima (du nom de la capitale du Nagaland) couvre l’ensemble de l’Etat. Les premiers catholiques sont arrivés au Nagaland en 1948 alors que la région avait été largement évangélisée par les baptistes américains, malgré les importantes restrictions imposées aux missionnaires. Un diocèse pour les deux Etats du Nagaland et du Manipur fut érigé en 1973, mais ce n’est qu’en 1980 que le diocèse de Kohima fut formé pour le Nagaland, et Mgr Abraham Alangimattathil nommé évêque de la nouvelle juridiction ecclésiastique. Aujourd’hui, le diocèse compte plus de 56 000 fidèles (soit près de 3 % de la population), 34 paroisses et 8 missions. Mgr Domnic Lumon est actuellement l’administrateur apostolique du diocèse dont le siège est vacant.

(4) Ucanews, 26 juillet 2010.