INDE, Orissa: une fillette identifie un parlementaire comme le meurtrier de son père, l’une des victimes des massacres antichrétiens perpétrés par les hindouistes

Eglises d’Asie, 15 mars 2010 – Une petite fille de 6 ans a identifié Manoj Pradhan, membre de l’Assemblée législative de l’Orissa, comme le meurtrier de son père, torturé puis massacré lors de la vague de violence antichrétienne de 2008.

Lipsa Nayak et sa mère faisaient partie des centaines de témoins cités par les deux tribunaux spéciaux établis en Orissa afin de juger les affaires liées aux attaques contre les chrétiens (1). Lorsque le juge lui a demandé si elle pourrait identifier le meurtrier de son père, la petite fille a désigné Manoj Pradhan, un leader du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), vitrine politique des nationalistes hindous.

La mère de la fillette a expliqué à la cour que son mari s’était enfui dans la jungle avec sa famille, mais qu’un groupe l’avait rattrapé. La jeune veuve de 25 ans a raconté ensuite comment il avait réagi avec calme et détermination lorsqu’ils lui ont demandé de renier sa foi chrétienne ou de mourir. « Ils ont joué avec lui pendant quelques jours avant de le couper en morceaux et de l’arroser de kérosène », a-t-elle rapporté, ajoutant que sa fille alors âgée de 4 ans avait été témoin du crime.

Lors d’une audience qui s’est tenue le 12 mars dernier, les avocats de la défense et le procureur ont soumis la fillette à un interrogatoire poussé de 90 minutes, la questionnant sur les personnes qu’elle avait vu tuer son père et sur le lieu du crime. « Elle a répondu à toutes leurs questions sans hésitation », a déclaré à l’agence Ucanews (2), Me Raj Kishore Pradhan (sans lien de parenté avec le député), un avocat qui assistait le procureur.

Manoj Pradhan, membre du BJP, représente la circonscription de G. Udayagiri du district de Kandhamal à l’Assemblée de l’Orissa. Il a été accusé d’être l’un des principaux instigateurs des violences de 2008 et devait répondre de nombreux chefs d’accusations, parmi lesquels 14 incendies criminels et pillages et une dizaine de meurtres. Emprisonné dès octobre 2008, il s’était néanmoins présenté aux élections d’avril-mai 2009 et avait été élu au parlement de l’Orissa (3). Après être sorti de prison en juillet, il avait été, au cours des mois suivants, progressivement blanchi de toutes les accusations qui pesaient contre lui par les cours spéciales de justice de l’Orissa, « faute de preuves suffisantes » (4).

« Il y a une petite fille qui a trouvé le courage de témoigner contre ce qui représente le pouvoir politique », souligne Me Pradhan. Son exemple « devrait encourager les autres à témoigner devant la cour et permettre que justice soit faite, plutôt que de se rétracter », ajoute-t-il.

Le P. Manoj Kumar Nayak, qui est du même village, espère aussi que le témoignage de la petite fille permettra de rendre enfin justice aux victimes. Le prêtre catholique souligne que le parlementaire Manoj Pradhan fait partie des 307 personnes acquittées faute de témoignages suffisants par les cours spéciales de justice. Selon lui, la plupart des suspects n’ont toujours été déférés devant un tribunal ou même seulement arrêtés.

(1) Sur les événements concernant les violences antichrétiennes de 2008, voir EDA 490, 491, 492, 493, 494, 495, 496

(2) Ucanews, 15 mars 2010.

(3) En Inde, il n’est pas rare que des candidats qui purgent une peine de prison se présentent à des élections.

(4) Parmi les principaux chefs d’accusations qui pesaient sur le leader hindouiste figuraient la torture et l’assassinat de Kantheswar Digal, pour lesquels il avait été reconnu devant la cour par de nombreux témoins. Mais les menaces de mort et autres intimidations exercées sur les principaux témoins par les membres des groupes hindouistes avaient conduit bon nombre d’entre eux à se désister, permettant ainsi le blanchiment « faute de preuves » de Manoj Pradhan. La communauté chrétienne avait exprimé sa consternation devant l’impunité dont jouissaient les coupables grâce à la « corruption » et la « complicité » manifestes des autorités locales. Voir EDA 515