9 février 2010 (Eglises d’Asie) – Le 3 février, la Cour d’appel de Hongkong a rejeté la plainte déposée par l’Eglise catholique au sujet de l’inconstitutionnalité de la Loi sur l’éducation de 2004. L’évêque de Hongkong, au nom duquel la plainte avait été formulée une première fois en décembre 2005 (1), perd ainsi devant les juges pour la deuxième fois à propos d’un texte législatif qui, selon lui, met à mal la capacité de l’Eglise catholique à Hongkong d’animer selon ses principes les écoles dont elle a la charge. Le vicaire général du diocèse, le P. Michael Yeung Ming-cheung, a déclaré à la presse que l’Eglise était « déçue » de la décision de la Cour d’appel et que le diocèse se donnait le temps d’étudier de près les attendus du jugement avant de décider s’il allait faire appel de ce jugement en dernière instance, auprès de la Court of Final Appeal. Par un communiqué, le diocèse a fait savoir que le nouveau rejet de cette plainte pourrait amener l’Eglise à reconsidérer son engagement dans l’éducation, un secteur où elle est pourtant massivement présente (2).

Au-delà de l’Eglise catholique, l’affaire est sensible et concerne l’ensemble des organisations religieuses, principalement chrétiennes mais aussi bouddhiques, qui animent des écoles maternelles, primaires et secondaires à Hongkong. Au départ du dossier, on trouve une loi, votée le 8 juillet 2004 par le Legco (Legislative Council), prévoyant la mise en place d’ici à fin 2011, dans chacune des écoles privées sous contrat d’association avec l’Etat, d’un « Comité de gestion intégré ». Celui-ci viendra remplacer les actuels conseils d’administration des établissements scolaires privés, dont les membres sont, à ce jour, nommés par les seules autorités de tutelle des écoles, à savoir le diocèse ou les congrégations enseignantes dans le cas des écoles catholiques. Chacun de ces comités de gestion devra comprendre des représentants des enseignants, des parents d’élèves et des anciens élèves, de manière à ce que l’ensemble de ces groupes représente au minimum 40 % des sièges des « comités de gestion intégrés ».

Dès le vote de la loi, l’Eglise catholique avait fait part de son opposition à ce nouveau système, estimant que sa capacité à exercer sa tutelle sur les écoles dont elle a la responsabilité (221 écoles sur un total de 935 écoles maternelles, primaires et secondaires) était menacée. Depuis, le diocèse de Hongkong a toujours pris soin de déclarer qu’il tenait à rester « un partenaire dans l’éducation » à Hongkong mais qu’il devait être certain que « les écoles (dont il a la tutelle) continuer[aient] d’être d’authentiques écoles catholiques ». Ne pouvant empêcher le vote de la loi, le diocèse a porté son opposition au texte législatif sur le terrain judiciaire, arguant de l’inconstitutionnalité de la loi. Sa plainte s’appuie principalement sur l’article 141 de la Loi fondamentale, le texte constitutionnel en vigueur à Hongkong depuis la rétrocession à la Chine populaire en 1997. Cet article stipule que « les organisations religieuses peuvent, selon leur pratique antérieure, continuer à animer les séminaires et autres écoles, hôpitaux et établissements de soins ainsi qu’à fournir d’autres services sociaux ». D’autres articles ont aussi été évoqués par l’Eglise catholique, à savoir les articles 136 et 137 de la Loi fondamentale, relatifs à l’autonomie et à la liberté des instances académiques.

Dans leur arrêt du 3 février, les trois juges de la Cour d’appel, Frank Stock, Wally Yeung Chun-kuen et Michael Hartmann, ont estimé que l’article 136 de la Loi fondamentale autorisait le gouvernement à formuler une politique en matière d’éducation visant à un meilleur développement des structures en place. Quant à l’article 141, ont-ils précisé, il protège les organisations religieuses contre toute politique discriminatoire à leur encontre, mais il ne stipule pas qu’elles doivent continuer à gérer les écoles de la même manière qu’auparavant.

A la date de fin janvier 2010, sur les 845 écoles primaires et secondaires de Hongkong, 445 avaient réformé leurs structures de manière à se conformer à la loi de 2004, et avaient reçu pour cela les aides financières prévues par la loi de 2004. Les 400 écoles qui ne l’ont pas fait sont principalement celles sous tutelle religieuse, notamment catholique et protestante (3). Du côté des protestants, les méthodistes, qui ont la direction de 18 écoles, ont déclaré qu’ils étaient prêts à abandonner les écoles dont ils ont la charge plutôt que de mettre en place les comités exigés par la loi. Les anglicans, qui, avec 96 écoles, sont le deuxième acteur le plus important après l’Eglise catholique, ont fait savoir qu’en dernier recours, les comités de gestion intégrés seraient mis en place dans leurs établissements, mais qu’ils n’étaient pas d’accord avec l’esprit de la loi. « Faire des écoles des instances enregistrées (indépendamment les unes des autres) les rendra indépendantes des organes de tutelle. Ce que fait le gouvernement constitue un manque de respect à notre égard », a déclaré Timothy Ha Wing-ho, conseiller pour l’éducation de l’archevêque anglican de Hongkong.

Interrogé par le South China Morning Post, Pong I-wah, professeur au Hong Kong Institute of Education, estime que les avantages supposés de la loi ne compensent pas le mécontentement créé au sein des organisations religieuses. « Rendre les comités de gestion des écoles indépendants des organes de tutelle constitue un changement de taille. Les écoles avec une identité forte, comme le sont les écoles catholiques et protestantes, craignent de perdre leur spécificité. Contrairement à ce qui s’est fait jusqu’ici, elles pourraient ne plus être en mesure de recruter des enseignants en accord avec leur projet éducatif », explique-t-il (4).

Pour le Rév. Yuen Tin-yau, secrétaire exécutif de l’Eglise méthodiste de Hongkong, le véritable objectif de la réforme gouvernementale est de diluer, petit à petit, l’influence des organes de tutelle. « A mesure que les écoles seront transformées en entités distinctes, la présence des organes de tutelle sera progressivement amoindrie et, au final, le gouvernement prendra le contrôle des écoles privées pour en faire des écoles publiques comme les autres », affirme-t-il.

(1) Le diocèse de Hongkong ne disposant pas de la personnalité juridique, il ne peut agir en justice directement. La plainte de décembre 2005, rejetée en novembre 2006 par le juge Andrew Cheung Kui-nung, et l’appel qui s’en était suivi avaient donc été formulés au nom de « l’évêque de Hongkong », la formulation évitant l’inconvénient d’être liée au titulaire du siège épiscopal de Hongkong, que ce soit le cardinal Zen Ze-kiun ou Mgr John Tong Hon, successeur du cardinal. Avant d’aller en justice, le Bureau pour l’éducation catholique du diocèse de Hongkong avait présenté aux autorités une longue pétition de Hongkongais demandant que l’Eglise catholique soit exemptée d’appliquer la réforme votée au Legco – en vain.
(2) Une des particularités du système éducatif à Hongkong est que les établissements publics y sont relativement peu nombreux, les autorités, du temps du colonisateur britannique, ayant préféré s’appuyer sur un certain nombre d’institutions – notamment religieuses – pour créer, gérer et animer les écoles du territoire. A propos des prises de position de l’Eglise catholique de Hongkong au sujet de la Loi sur l’éducation de 2004, voir EDA 397 (document annexe), 399, 401, 408, 434, 452
(3) L’Association bouddhique de Hongkong exerce la tutelle de 21 écoles. Toutes ont mis sur pied sur les comités de gestion intégrés exigés par la loi. Toutefois, Au Kit-ming, secrétaire de l’Association et vice-président de son Comité pour les affaires scolaires et académiques, a déclaré avoir de « fortes réserves » quant à la réforme.
(4) South China Morning Post, 4 février 2010.

(Source: Eglises d'Asie, 9 février 2010)