Convertir les Philippines de paradis pour pédophiles en paradis pour les enfants. Tel est l’objectif affiché des partisans de Loi contre la pédo-pornographie (Anti-Child Pornography Act), votée en mai dernier par le Sénat, en août par la Chambre des représentants et promulguée ce 17 novembre par la présidente Gloria Macapagal-Arroyo. « Les Philippines étaient connues pour regorger de diffuseurs de matériel pédo-pornographiques et pour les séjours que des pédophiles étrangers venaient y faire. Désormais, notre pays pourra enfin devenir un lieu sûr pour les enfants », s’est réjoui la députée Monica Teodoro, qui figure parmi les rédacteurs de la nouvelle loi. Un prêtre catholique, missionnaire irlandais, le P. Shay Cullen, salue, lui aussi, la promulgation de la nouvelle loi.

Membre de la société de Saint Columban, le P. Cullen est engagé de longue date dans la défense des femmes et des enfants. PREDA (People’s Recovery Empowerment Development Assistance Foundation), la fondation qu’il a créée, lutte depuis 1974 pour protéger les femmes et les enfants de l’exploitation et de la misère, notamment liées à la prostitution. PREDA a fait partie des institutions consultées lors de la phase de rédaction de la loi contre la pédo-pornographie, le P. Cullen apportant notamment son expertise en matière de lutte contre la pédo-pornographie sur Internet.

« Je suis heureusement surpris de voir que la loi a été promulguée si rapidement, explique le P. Cullen. Je m’attendais à ce que le monde du business fasse obstruction. » La loi punit en effet les éditeurs, les producteurs et les diffuseurs de matériel pédo-pornographiques, y compris sur Internet. La pédo-pornographie y est définie comme « toute représentation, qu’elle soit visuelle, audio ou écrite sur un support électronique, mécanique, digital, optique, magnétique ou par tout autre moyen, d’un enfant engagé ou impliqué dans une activité sexuelle explicite, réelle ou simulée ». Toute offense à la loi est punie d’une amende allant de 300 000 à 5 millions de pesos (de 4 300 à 71 500 euros) et/ou d’une peine de prison allant de trois mois à la perpétuité. Une des particularités du nouveau texte est qu’il rend obligatoire pour les fournisseurs d’accès à Internet (Internet service providers, ISPs) d’installer sur leurs serveurs des « boîtes blanches » qui bloquent toute demande de consultation de matériel à caractère pédo-pornographique.

« Les Philippines figurent parmi les rares pays qui imposent aux fournisseurs d’accès de bloquer la pornographie sur leurs serveurs », précise le missionnaire irlandais. Il ajoute qu’il va désormais veiller à ce que la loi soit effectivement appliquée, en cherchant à débusquer les ISPs qui continueraient à faire passer des contenus à caractère pédo-pornographique sur leurs serveurs. La loi donne six mois aux ISPs pour s’équiper et, toujours selon le P. Cullen, au moins un des principaux fournisseurs d’accès philippins a déjà fait le nécessaire.

Pour marquer sa détermination à agir, le P. Cullen a organisé une manifestation le 20 novembre dernier à Olongapo City. Le jour où était célébré le 20ème anniversaire de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, le missionnaire a ainsi pris la tête d’un cortège d’enfants pour exiger des ISPs qu’ils agissent sans délai pour se mettre en conformité avec la loi. Un certain nombre de sociétés mettent en effet en avant des contraintes d’ordre technique pour demander un délai supplémentaire dans l’application de la loi. La manifestation du P. Cullen avait aussi pour objet de contraindre la police à sévir contre les marchants qui, dans la rue, proposent des DVD mettant en scène des enfants philippins dans des films à caractère pornographique. « Une des plus grandes difficultés que nous rencontrons est d’amener la police à arrêter ces revendeurs de saleté, déclare le missionnaire. Les policiers nous répondaient: ‘Il n’y a pas de loi pour cela.’ Désormais, il y en a une. Il est de notre devoir de veiller à ce qu’elle soit appliquée. »

(Source: Eglises d'Asie, 20 novembre 2009)