CHINE: Hebei: la situation de l’évêque coadjuteur de Baoding, sorti de la clandestinité en 2006, demeure confuse et provoque des remous au sein de l’Eglise locale

Agé de 60 ans, Mgr Francis An Shuxin est l’évêque coadjuteur du diocèse de Baoding, un des bastions de l’Eglise catholique en Chine, situé dans la province du Hebei. En août 2006, après dix années de détention en résidence surveillée, Mgr An avait été libéré en acceptant d’exercer son ministère au grand jour, sans pour autant adhérer à l’Association patriotique des catholiques chinois, l’organe mis en place par le régime communiste pour imprimer sa politique sur l’Eglise catholique. Trois ans plus tard, des informations faisant état de l’adhésion de Mgr An à l’Association patriotique provoquent de forts remous.

En 2006, la libération de Mgr An Shuxin avait surpris, d’autant plus que l’évêque en titre de Baoding, Mgr James Su Zhimin, était maintenu en détention, détention qui se prolonge encore à ce jour. D’aucun s’était interrogé sur les motivations de Mgr An et les éventuelles concessions exigées de lui par les autorités chinoises. L’évêque s’était expliqué, déclarant que sa démarche avait été motivée par un souci « de communion et de développement » des communautés catholiques de Baoding, qu’elles soient « clandestine » ou « officielle ». Il avait précisé qu’il avait agi ainsi pour répondre au soutien que le Saint-Siège apportait aux initiatives allant dans le sens de la réconciliation entre les deux communautés. Enfin, il avait ajouté que, si sa qualité d’évêque était reconnue par les autorités chinoises, il n’avait pas à adhérer à l’Association patriotique des catholiques chinois; son travail pastoral se ferait désormais « sous la supervision du gouvernement », sans qu’il reçoive toutefois de carte d’identité faisant mention de ses qualités ecclésiales (1).

Trois ans plus tard, la situation semble avoir évolué. D’une part, l’évêque « officiel » – et non reconnu par Rome –, Mgr Su Changshan est mort (il est décédé le 4 décembre 2006). D’autre part, des informations, non recoupées de manière indépendante, font état de la récente adhésion de Mgr An Shuxin à l’Association patriotique. Ainsi, l’agence italienne AsiaNews, dans une dépêche du 3 novembre, indique que, « selon des sources de Baoding », Mgr An a décidé d’adhérer à l’Association patriotique parce que celle-ci « menaçait de l’isoler et de nommer un autre évêque à sa place ».

De fait, la situation de Mgr An, qui a choisi de sortir de la clandestinité pour œuvrer à la communion des communautés catholiques chinoises peu avant la publication, en 2007, de la lettre de Benoît XVI aux catholiques de Chine, peut être caractérisée par un certain isolement. A Baoding, où les neuf dixièmes des catholiques sont résolument « clandestins », la démarche de Mgr An en 2006 n’avait pas été comprise. Son éventuelle adhésion à l’Association patriotique ne peut qu’accentuer l’ostracisme, sinon le rejet, dont il est l’objet de la part d’une partie des « clandestins », prêtres et laïcs confondus.

La situation est encore compliquée par les dires de certains catholiques sur place qui affirment que Mgr An a « subi des pressions » de la part de Rome, plus particulièrement de la part de la Congrégation de l’évangélisation des peuples (CEP), pour rejoindre l’Association patriotique. De manière très inhabituelle, la CEP a publié une mise au point sous la forme d’un communiqué de presse, daté du 31 octobre et diffusé le 3 novembre par son agence d’information, l’agence Fides: « Des nouvelles circulent, ces derniers jours, sur la situation du diocèse de Baoding, au Hebei en Chine continentale, et, de manière particulière, sur l’évêque coadjuteur, Son Excellence Monseigneur François An Shuxin. Ces nouvelles parlent d’une lettre adressée au prélat par le Saint-Siège, à propos de sa concélébration avec un évêque illégitime, et attribuent à la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples l’autorisation pour cette concélébration, et d’avoir fait pression pour que Monseigneur An sorte de la clandestinité, en s’inscrivant à l’Association patriotique. La Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples rejette catégoriquement ces affirmations qui sont dénuées de tout fondement. »

Selon nos informations, l’allusion à la concélébration de Mgr An Shuxin avec un évêque illégitime, i.e. non reconnu par Rome pourrait renvoyer à la messe de funérailles de Mgr Su Changshan. Lors de cette messe, Mgr An Shuxin avait célébré l’Eucharistie aux côtés de Mgr Jiang Taoran, évêque « officiel » – et illégitime – de Shijiazhuang. A l’époque, Mgr An n’était encore que l’évêque auxiliaire de Baoding. Peu après, par un courrier daté du 7 février 2007 venu de Hongkong, il recevra une lettre du Saint-Siège l’informant du fait que le pape, en la date du 29 décembre 2006, l’avait nommé évêque coadjuteur de Baoding. Quant aux éventuelles pressions de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples pour amener Mgr An à rejoindre l’Association patriotique, elles paraissent peu probables. On peut au contraire penser que ce sont les autorités chinoises qui pressent Mgr An de rejoindre l’Association patriotique. En effet, depuis plusieurs mois, elles préparent activement la tenue de l’Assemblée nationale des représentants catholiques, qui sera chargée d’élire le président de l’Association patriotique et celui de la Conférence des évêques « officiels ». Pour cela, les autorités ont besoin qu’un maximum d’évêques confirment le choix des candidats sélectionnés par le gouvernement.

Selon les observateurs, on ne peut que craindre que les informations et rumeurs qui se propagent ces temps-ci ne fassent qu’accentuer la division de la communauté catholique locale, le risque étant qu’un diocèse comme celui de Baoding devienne aussi difficile à gérer que certains diocèses du Fujian, où les divisions intestines nuisent gravement à la vie de l’Eglise.

(1) Voir EDA 446, 447