Les responsables religieux joignent leurs voix aux manifestations anti-gouvernementales

Dans un contexte marqué par une crise économique sévère et des tensions récurrentes avec le voisin nord-coréen, le président Lee Myung-back, issu d’une majorité conservatrice et au pouvoir depuis février 2008, ne cesse de cristalliser les mécontentements. Tandis que les manifestants descendent en nombre dans les rues, les responsables religieux, catholiques, protestants et bouddhistes, joignent leurs voix aux critiques du gouvernement et demandent le respect des règles démocratiques.

Le 12 juin, le Comité ‘Justice et Paix’ de la Conférence des évêques catholiques de Corée, en lien avec le Comité ‘Justice et Paix’ de l’archidiocèse de Séoul, a organisé un colloque sur le thème: « Bien commun et pouvoir étatique ». Le P. Francis Oh Kyeng-hwan, professeur à l’Université catholique d’Incheon, y a expliqué que le pouvoir politique ne pouvait s’exercer que dans les limites fixées par la moralité et être au service du bien commun. Si ce n’est plus le cas, a-t-il continué, les citoyens doivent suivre leur conscience et ne sont plus tenus d’obéir. « Le gouvernement doit présenter des excuses », a-t-il ajouté, à propos d’un incident survenu en janvier dernier. A Yongsan, un quartier de Séoul, l’expulsion de locataires d’un immeuble promis à la destruction a mal tourné; un incendie s’est déclaré, cinq occupants de l’immeuble et un policier sont morts; depuis, des manifestations ont lieu régulièrement, donnant lieu à d’importants déploiements de forces de police anti-émeute.

Le 15 juin, quelque 1 200 moines de l’Ordre Jogye, la plus importante dénomination bouddhique du pays, ont signé une pétition demandant au président Lee Myung-bak de respecter la démocratie. « Les décisions politiques unilatérales du président Lee indiquent que notre démocratie a déraillé », peut-on lire dans ce texte.

Le lendemain, 1 221 pasteurs de l’Eglise presbytérienne ont publié une lettre ouverte à Lee Myung-bak dans les colonnes de deux grands quotidiens nationaux. Ils demandaient au président de ne pas abuser de son pouvoir et de promouvoir la démocratie en défendant les libertés d’expression et de réunion.

Finalement, dans la soirée du 17 juin, 20 000 personnes se sont retrouvées sur la place de l’hôtel de ville de Séoul, à Seoul Plaza, pour célébrer le 22ème anniversaire des premières élections démocratiques du pays, en juin 1987. La manifestation avait dans un premier temps été interdite par le pouvoir avant d’être autorisée; elle s’est déroulée en présence de très importantes forces de l’ordre, 12 000 policiers selon la presse coréenne.

Pour les responsables religieux comme pour les manifestants, la politique menée par le président Lee, au plus bas dans les sondages, marque un « recul de la démocratie ». Parmi les éléments qui sont reprochés à l’exécutif, on trouve pêle-mêle la montée des tensions avec la Corée du Nord, la poursuite d’un projet controversé de voie d’eau entre Séoul et Pusan, l’écart grandissant entre les riches et les pauvres, ou bien encore la gestion catastrophique du dossier de l’importation de viande bovine américaine. Le suicide, le 23 mai dernier, de l’ancien président Roh Moo-hyun, au pouvoir entre 2003 et 2008, a ajouté aux critiques anti-gouvernementales. En effet, une partie de l’opinion accuse le gouvernement d’avoir acculé l’ancien président au suicide par le zèle dont a fait preuve le parquet dans son enquête sur un scandale financier auquel était mêlée sa famille. Le 29 mai, jour des funérailles, un million de personnes étaient rassemblées dans le centre de Séoul pour rendre hommage à Roh Moo-hyun, artisan d’une politique d’ouverture (« sunshine policy ») envers Pyongyang à laquelle Lee Myung-bak a mis fin.