Dans le but de mieux faire connaître l'association Caritas Vietnam, tout récemment officialisée (1), le père Antoine Nguyên Ngoc Son, vient de présenter un long rapport de 54 pages (2) sur l'oeuvre caritative et sociale de l'Eglise du Vietnam dans les différentes périodes de son histoire récente. Il rappelle que les activités de l'Eglise en ce domaine ont connu leur apogée au cours de la deuxième guerre du Vietnam. Il souligne les nouvelles possibilités offertes à l'Eglise en ce domaine depuis la fin des années 80 et les besoins particuliers de la société vietnamienne à ce moment de son histoire.

La reprise de l'action caritative au Vietnam par l'Eglise catholique date du grand ébranlement du monde communiste occidental de la fin des années 80, ébranlement qui s'est traduit au Vietnam par ce qu'on a appelé la politique du « renouveau » (dôi moi). À l'économie centralisée d'État succéda alors une économie à plusieurs composantes puis finalement, l'économie de marché. En même temps, le pouvoir central relâchait son emprise sur la société civile et sollicitait même une certaine collaboration privée dans le domaine de l'éducation, de la culture, de la santé et de la société. Paradoxalement, cette nouvelle orientation s'est appelée politique de « socialisation ». Dans une certaine mesure, du moins dans les principes, le droit devait prendre la place de l'arbitraire. Les résultats furent rapides, même spectaculaires, concrétisés par une économie en croissance régulière, des exportations de matières premières, de produits agricoles et manufacturés.

Ce développement économique fut malheureusement accompagné de certains déséquilibres dont quelques-uns très graves. Même si la proportion des foyers en dessous du seuil de pauvreté a diminué depuis 1990, l'écart entre riches et pauvres n'a cessé de s'élargir. Divers dysfonctionnements sociaux se sont aggravés, tels que la corruption, la bureaucratie administrative, la sclérose et la passivité du système éducatif, auxquels il faut ajouter ces fléaux récurrents que sont la drogue, l'alcool, la prostitution, l’avortement, et un nombre toujours plus grand de séropositifs...

Cependant, cette nouvelle politique dite de « socialisation » n'a pas véritablement favorisé l'action sociale de l'Eglise. Dans le domaine éducatif, encore aujourd'hui, les paroisses et les congrégations religieuses ne peuvent ouvrir que des écoles maternelles ou des jardins d'enfants. Depuis 1975, l'Eglise catholique a perdu l'ensemble des écoles secondaires et universitaires qu'elle gérait jusqu'alors. L'autorisation de prendre en charge ce genre d'institutions est quelquefois accordée par l'État à des individus de religion catholique, mais jamais à l'Eglise en tant que telle. En 2007, on ne comptait que 883 jardins d'enfants, écoles maternelles et « classes d’affection » (destinées à recycler des enfants ayant interrompu leurs études primaires ou ne les ayant pas entamées).

Pour ce qui concerne l'action caritative, les catholiques et plus particulièrement les religieux, s'emploient aujourd'hui dans quelque 123 dispensaires et infirmeries, 13 léproseries, ainsi que des centres pour malades psychiatriques, pour drogués ou encore pour malades du sida. Il faut aussi compter les 169 institutions au service des handicapés, des orphelins, des personnes âgées. Parmi les dernières initiatives des catholiques, on trouve aussi des foyers pour migrants, pour étudiants et scolaires, pour mères célibataires. Cet engagement de l'Eglise est au total, relativement modeste. La politique de « socialisation » pourrait donner aux fidèles catholiques la possibilité de prendre des initiatives, dans le domaine de la santé par exemple. Mais, la plupart du temps, ils en sont empêchés par leur manque de ressources financières.

Alors qu’à partir de 1954, l'Etat du Nord Vietnam avait obligé la communauté catholique à se retirer de la plupart des œuvres éducatives et sociales, au Vietnam du Sud, dans toute la période qui a précédé le changement de régime de 1975, l'Eglise s'était particulièrement investie dans de multiples domaines de la sphère sociale. Dès 1965, l'association Caritas Vietnam avait été fondée. Un an plus tard elle exerçait ses services dans les 11 diocèses de l'époque, jusque dans les paroisses les plus reculées. Elle jouera un grand rôle dans l'accueil et le soutien des migrants fuyant les régions dévastées par la guerre. En 1972, elle fut secondée dans cette tâche par l'association COREV (Cooperation pour la Réédification du Vietnam), qui, sous la présidence du futur cardinal, Mgr François-Xavier Nguyên Van Thuân, permit, en bien des endroits, de réparer les désastres de la guerre.

À cette époque, les institutions caritatives et sociales se sont multipliées, comme les écoles pour handicapés, les orphelinats, les dispensaires, les hôpitaux, les léproseries... Selon l'annuaire catholique de 1964, il y avait alors 465 établissements caritatifs et sociaux. Mais ce fut sans doute dans l'éducation que la communauté catholique consacra le plus de forces. En 1962, le réseau éducatif de l'Eglise catholique comptait 1060 écoles primaires avec 29 000 élèves, 145 écoles secondaires avec plus de 62 000 élèves. En 1975, il y avait deux universités catholiques, fréquentées par quelque 8000 étudiants.

(1) Voir EDA 494

(2) VietCatholic News, 8 avril 2009

(Source: Eglises d'Asie, 10 avril 2009)