Peu après l’annonce du rejet, ce jeudi 18 juin, du projet de réforme électorale soutenu par Pékin, le cardinal John Tong Hon, évêque catholique de Hongkong, a publié un communiqué pour poser le constat que ce rejet laissait béantes les divisions apparues au fil de ces derniers mois entre partisans de la démocratie et soutiens au projet introduit par le gouvernement local à l’instigation du pouvoir central chinois.

« Il faudra du temps pour que les blessures se referment, écrit le cardinal. Néanmoins, nous devons redoubler d’efforts pour faire face aux causes réelles qui expliquent la polarisation que nous connaissons, et nous devons continuer à promouvoir la démocratie, la justice et le bien-être des Hongkongais. » Comme il l’avait fait dans une Lettre pastorale datée du 30 mai dernier consacrée à la réforme électorale, Mgr Tong invite les chrétiens du territoire à prier « pour l’avenir de Hongkong ». « Ne sous-estimez jamais le pouvoir de la prière ! », écrit-il en conclusion.

Les 70 députés du Legco (Legislative Council), le Parlement de Hongkong, examinaient depuis hier mercredi le projet de réforme électorale instaurant – une première dans l’histoire du territoire – le suffrage universel direct pour l’élection du chef de l’exécutif de la Région administrative spéciale de Hongkong. La réforme devait être appliquée pour le scrutin prévu en 2017. La controverse est venue du fait que le choix des quelque cinq millions d’électeurs hongkongais aurait été limité à deux ou trois candidats triés sur le volet par un comité contrôlé par Pékin, celui-ci s’assurant ainsi de voir un « patriote » présider aux destinées de la RAS de Hongkong. Pour les milieux pro-démocratie de Hongkong, la réforme ne pouvant déboucher que sur l’élection d’un candidat inféodé à Pékin, elle relevait de la « farce » électorale. Tout l’enjeu du vote devant le Legco était donc de savoir si les 27 députés pro-démocratie allaient faire bloc et empêcher l’adoption du projet de réforme électorale.

Ce jeudi 18 juin, le projet de loi devait recueillir une majorité des deux tiers au Legco pour être adopté. Au moment du vote, les députés pro-réforme ont demandé une interruption de séance de quinze minutes afin de permettre à l’un des leurs, absents pour cause de maladie, de rejoindre l’hémicycle. Le président (speaker) a refusé l’interruption, ce qui a entraîné le retrait en bloc des députés pro-réforme. Le vote a cependant eu lieu et, avec 8 voix pour et 28 voix contre, le texte a « fait l’objet d’un veto » et a été rejeté, ainsi que l’a exprimé Jasper Tsang, président du Legco.

A l’issue du vote, des députés pro-démocratie se sont interrogé pour savoir si le retrait en bloc de leurs opposants avait été ou non prémédité, mais ils ont néanmoins salué leur victoire. « J’ai voté contre le projet de réforme car il n’offrait pas un véritable suffrage universel. Le chef de l’exécutif qui aurait été ainsi élu n’aurait été qu’une marionnette sans vraie légitimité », a déclaré le député pro-démocratie Kwok Ka-ki. Après leur victoire, les 27 députés pro-démocratie ont posé pour les photographes dans l’hémicycle devant une bannière portant les mots « Pour un véritable suffrage universel ». L’un d’eux portait un parapluie jaune, évocation des manifestations qui ont bloqué durant deux mois le centre de la ville à l’automne 2014 et qui ont donné naissance au désormais célèbre « Mouvement des parapluies ».

En Chine continentale, des médias comme le Global Times ont mis en garde contre les « radicaux » qui, pour « sauver la face », n’hésitaient pas à prendre en otage l’avenir politique du territoire. « Si les actions irréfléchies continuent, la place financière de l’Asie sera entraînée dans un vrai chaos. Hongkong risque d’en garder un mauvais souvenir », peut-on lire dans l’éditorial du quotidien connu pour son nationalisme sourcilleux.

Quant aux conséquences du succès que viennent de remporter les pro-démocratie au Legco, certains universitaires ne cachent pas leur scepticisme. « Le résultat du vote ne constitue pas une réelle surprise et le débat [au Parlement] n’avait pas de réel poids politique, analyse Cheng Yu-shek, professeur de sciences politiques à City University. Pékin ne fera que renforcer son contrôle sur Hongkong. »

Avant le vote, le gouvernement de Hongkong avait répété à maintes reprises que le projet était à prendre ou à laisser et, Pékin ayant mis en garde contre le « chaos » que provoquerait le rejet du texte par les députés hongkongais, aucune nouvelle négociation n’était envisagée à ce stade. L’impasse politique reste donc totale. Un risque calculé de la part des parlementaires pro-démocratie, comme l’expliquait à l’AFP, avant le vote, le député Gary Fan, du mouvement des Néo-Démocrates : « Même si nous n’obtenons pas un véritable suffrage universel, tant que nous n’abandonnons pas le combat, nous n’avons pas perdu. »

Dans un territoire d’un peu plus de sept millions d’habitants, les chrétiens représentent 10 % de la population. Si, à l’image de l’ensemble des Hongkongais, les chrétiens sont divisés sur la question de réforme électorale, on a pu noter qu’au sein des démocrates, on compte bon nombre de chrétiens. Ils sont ainsi majoritaires parmi les 27 députés pro-démocratie. Un leader étudiant comme Joshua Wong, fondateur du groupe « Scholarism » et figure du mouvement « Occupy Central », est protestant. L’engagement du cardinal Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong, en faveur de la démocratie est connu de tous à Hongkong. L’influence du christianisme au sein du mouvement pro-démocratie est ainsi un fait très réel – et observé de près par les autorités chinoises.(eda/ra)

(Source: Eglises d'Asie, le 18 juin 2015)