Dernière étape de son séjour en Corée du Sud, le pape François a présidé une messe pour la « réconciliation » de la péninsule, dans la cathédrale Myeongdong de Séoul, dans la matinée du 18 août 2014. A cette occasion, le pape a prié pour le « pardon » au sein de « l’unique peuple » coréen face à la « catastrophe de la division ». Il a aussi salué, juste avant la célébration, plusieurs anciennes esclaves sexuelles de l’armée japonaise dans les années 1940.

Quelques heures à peine avant de quitter Séoul, c’est en présence de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye et dans une cathédrale pleine que le pape François a ainsi célébré une messe « pour la paix et la réconciliation ». Par un hasard du calendrier, ce lundi 18 août coïncidait avec le début des exercices annuels qui voient les armées américaines et sud-coréennes s’entraîner ensemble, exercices qui sont vigoureusement dénoncés par Pyongyang comme étant les préparatifs d’une invasion de la Corée du Nord. Sans aucune allusion à cette actualité, le pape a, dans son homélie, a imploré Dieu pour « le don de la réconciliation, de l’unité et de la paix », affirmant que « le pardon est la porte qui mène à la réconciliation », rapporte l’agence I-Media.

« En nous commandant de pardonner nos frères sans réserve, a expliqué le pape en commentant l’Evangile du jour, Jésus nous demande de faire quelque chose de totalement radical, mais il nous donne aussi la grâce pour le faire. » « Quand cela semble impossible, irréalisable et parfois même répugnant dans une perspective humaine, Jésus le rend possible et fructueux à travers la puissance infinie de sa croix », a encore assuré le pape alors que les deux Corées sont divisées depuis 66 ans. « Ayez confiance en la force de la croix du Christ ! », a-t-il exhorté, précisant que « la croix du Christ dévoile la faculté de Dieu à combler toutes les divisions, à guérir toutes les blessures et à rétablir les liens essentiels d’un amour fraternel ».

Après avoir évoqué la « catastrophe de la division », le pape a invité à prier pour « que naissent de nouvelles opportunités de dialogue, de rencontre et de dépassement des différences », pour qu’il soit reconnu que « tous les Coréens sont frères et sœurs, membres d’une unique famille et d’un unique peuple... ils parlent la même langue ». Confiant dans la faculté des catholiques locaux à être « levain du Royaume de Dieu sur la terre (de Corée) », il a exhorté ces derniers à « rejeter fermement une mentalité fondée sur la suspicion, l’opposition et la compétition, mais à favoriser plutôt une culture façonnée par l’enseignement de l’Evangile et les plus nobles valeurs traditionnelles du peuple coréen ».

Héritage de la Seconde guerre mondiale, puis de la Guerre froide, la péninsule coréenne est divisée depuis 1948 et la création de deux Etats indépendants, la République populaire démocratique de Corée soutenue par Moscou au Nord, et la République de Corée, alliée des Etats-Unis, au Sud. Cette séparation est située aux alentours du tracé linéaire du 38ème parallèle. Entre 1950 et 1953, la Guerre de Corée fera plus de deux millions de morts.

Sept « femmes du réconfort » avaient été invitées à assister à cette messe. Ces femmes, dont certaines étaient en chaise roulante, figurent parmi les rares survivantes des dizaines de milliers de Coréennes qui furent transformées en esclaves sexuelles par l’armée japonaise entre 1937 et 1945. Signe des cicatrices encore à vif nées de la Seconde guerre mondiale, leur présence témoignait également que le travail de réconciliation entre la Corée et le Japon reste à parachever.

Avant de célébrer la messe, au pied de l’autel, le pape François s’est longuement penché sur ces femmes âgées, redoublant de gestes de tendresse. L’une d’entre elles lui a remis un pin’s représentant un papillon, symbole de la lutte de ces femmes qui demandent que le Japon reconnaisse ses torts et présente des excuses pour ce qu’elles ont subi. Le pape a alors épinglé ce symbole sur sa chasuble, le gardant tout au long de la messe.

L’homélie prononcée dans la cathédrale de Séoul devait constituer la dernière prise de parole du pape François lors de sa visite de cinq jours en Corée du Sud. Manifestation de l’attention du pape aux Eglises qui sont en Asie, ce voyage sera suivi d’un nouveau déplacement dans cette partie du monde où les catholiques sont très minoritaires : en janvier 2015, le pape François se rendra au Sri Lanka, puis aux Philippines. Ce dernier pays est le seul, avec le Timor-Oriental, à être très majoritairement catholique.

Avant de célébrer cette messe « pour la paix et la réconciliation » en la cathédrale de Séoul, le pape François avait brièvement rencontré des responsables d’autres confessions chrétiennes et de différents cultes asiatiques. « Marchons ensemble » comme des « frères », leur a particulièrement demandé le pape.

Au dernier jour de sa visite en Corée du Sud, le pape a ainsi salué à l’ancien archevêché de Séoul quelques responsables des Eglises anglicane, orthodoxe, luthérienne et presbytérienne, ainsi que des leaders du bouddhisme et d’autres traditions asiatiques, ainsi que de religions natives coréennes. Après des poignées de mains respectueuses et plusieurs échanges de sourires, le pape a improvisé quelques mots en espagnol, traduits par le jésuite coréen qui l’accompagne depuis le début de ce voyage. « Merci pour votre gentillesse », a-t-il dit avant d’assurer que « la vie est un chemin, un chemin large mais sur lequel on ne peut marcher seul ».

« Je vous remercie pour ce geste de marcher ensemble en présence de Dieu, ce que Dieu a demandé à Abraham », a encore affirmé le pape François. « Nous sommes frères, nous nous reconnaissons comme frères, marchons ensemble », a encore soutenu le pape avant de demander aux autres responsables religieux de prier pour lui. (eda/ra, avec Antoine-Marie Izoard de l’agence I-Media)

(SOURCE: Eglises d'Asie, le 18 août 2014)