Le responsable de la Commission ‘Justice et Paix’ de l’épiscopat vietnamien, Mgr Paul Nguyên Thai Hop, se trouvait en voyage aux Etats-Unis au début du mois de mai lorsque la Chine a installé une plate-forme de forage pétrolier dans la zone économique exclusive du Vietnam en mer d’Orient (mer de Chine méridionale), déclenchant ainsi un conflit d’envergure entre les deux nations.

Les faits ont été exposés lors d’une conférence de presse du porte-parole des Affaires étrangères vietnamiennes, le mercredi 7 mai. On apprenait ainsi que la Chine venait de mettre en place, au début de ce mois, une plate-forme de forage pétrolier en mer de Chine méridionale, dans la zone économique exclusive du Vietnam. L’opération est vue par le Vietnam comme une provocation car elle est appuyée par une escorte d’une quarantaine de navires de guerre et par l’aviation. Les 2, 3 et 4 mai, des garde-côtes vietnamiens ont été éperonnés par des navires de guerre chinois.

L’émotion est immense dans la population vietnamienne, dans le pays comme à l’étranger. Le dimanche 11 mai, des milliers de manifestants, dans les rues des trois plus grandes villes du Vietnam, Hanoi, Saigon, Da Nang, protestent contre cette tentative d’annexion du territoire par la Chine. Onze associations de la société civile ont appelé à manifester, mais diverses organisations dépendant du Parti communiste vietnamien y ont aussi envoyé des représentants. Aucune violence n’est à signaler.

A partir du lundi 13 mai, la tension va monter d’un cran. Dans la zone industrielle de Bing Duong, près de Saigon, dans plus d’une centaine d’entreprises à capitaux chinois, des dizaines de milliers d’ouvriers se mettent en grève et manifestent contre les établissements où ils travaillent. Les meneurs se montrent très violents. Une dépêche de VRNs du 14 mai rapporte que 119 établissements industriels ont subi des dégâts et que les bâtiments de 14 autres entreprises ont été incendiés.

Dans les jours qui suivent les manifestations ouvrières se déplacent vers plusieurs provinces du Nord Vietnam. Elles sont particulièrement violentes à Ving Ang, dans la province de Ha Tinh. Dans la nuit du 14 mai, deux employés taïwanais sont tués et de nombreux autres blessés par les manifestants vietnamiens protestants contre les ambitions hégémoniques chinoises.

Alors que dans le pays, la tension et le ressentiment antichinois ne cessent de monter, Mgr Hop s’est exprimé publiquement à deux reprises sur ce sujet (1). Le 11 mai dernier, à Philadelphie, il a présenté à la communauté vietnamienne le recueil « Justice et paix en mer d’Orient », qui rassemble les diverses interventions préparées pour un colloque qui aurait dû avoir lieu à Saigon en 2011 sur le thème de la souveraineté vietnamienne en mer d’Orient, mais qui a dû être annulé faute d’autorisation des autorités. L’évêque répond à un certain nombre de questions posées, à ce sujet, par la chaîne de radio ACTD. (Les passages de l’entretien qui ont été retranscris ci-après sont de la traduction d’Eglises d’Asie.)

Les ambitions chinoises :

« (…) Les articles recueillis dans le livre « Justice et paix en mer d’Orient » ont pour sujet principal les ambitions de la Chine en mer d’Orient et la frontière maritime en forme de langue de bœuf qu’elle veut imposer. Nombreuses sont les personnes qui se sont opposées à cette visée politique. Mais le dessein de la Chine se poursuit… »

La Chine a choisi le moment propice pour entamer les hostilités :

« (La Chine) a choisi pour [son intervention] un moment très opportun : le Vietnam fêtait l’anniversaire de la victoire de Diên Biên Phu et venait de commémorer le 30 avril 1975 (fin de la guerre du Vietnam), tandis que les Etats-Unis étaient empêtrés dans les affaires d’Ukraine. C’est alors que la Chine a installé une plate-forme de forage pétrolier en mer d’Orient dans les eaux territoriales vietnamiennes. Cet incident pose un très grand nombre de problèmes aux dirigeants vietnamiens et plus spécialement à tous les Vietnamiens, dans le pays comme à l’étranger. »

Une seule solution : l’internationalisation de la question de la souveraineté en mer de Chine méridionale

« L’une des idées que nous avions avancées (pour notre colloque de 2011), était qu’il fallait internationaliser la question de la souveraineté en mer d’Orient. Il ne fallait pas continuer à discuter bilatéralement avec la Chine. C’est précisément ce type de discussion bilatérale entre les deux pays qui a conduit le Vietnam à la situation dramatique actuelle. La perte de notre pays, la perte progressive de notre territoire, c’est désormais ce que nous avons directement sous nos yeux. (...) Le Vietnam doit donc faire connaître au monde le problème de la mer Orientale, l’affaire de la plate-forme de forage, l’affaire des archipels Paracels et Spratley, l’affaire de la frontière maritime en forme de « langue de bœuf ». Le Vietnam doit porter ce problème devant les Nations Unies, comme cela a été fait par les Philippines, et avoir ainsi recours à l’arbitrage international. »

Nécessité d’un changement radical de politique à l’égard de la Chine :

« Nous espérons que l’affaire de la plate-forme de forage va aider les autorités vietnamiennes à réviser leur politique de ces dernières années. (…) Seule une politique suivie et conséquente pourra sauver nos frontières et le territoire du Vietnam. Notre Premier ministre a prononcé de nombreuses déclarations sur la question de la mer Orientale. Nous les avons recueillis dans notre livre et beaucoup les ont applaudies...

Mais en fin de compte, l’Etat vietnamien a pratiqué une politique trop accommodante, que certains qualifieraient de peu courageuse à l’égard de la Chine, alors que ce même Etat utilise pourtant la violence – une violence extrême –, contre le peuple, et en particulier contre ceux qui protestent contre la Chine ! (…).

Nous espérons donc que l’implantation de la plate-forme de forage, cette réalité douloureuse, aidera le gouvernement à regarder la réalité en face et à ne pas mettre sa confiance dans les promesses chinoises mais dans les seuls Vietnamiens. (…) Pour cela, l’union de tous les Vietnamiens quels qu’ils soient, qu’ils vivent dans le pays ou à l’étranger, quels que soient leurs opinions, leurs partis politiques ou leurs religions, est absolument nécessaire. » (eda/jm)

(Source: Eglises d'Asie, le 16 mai 2014)