Le quatrième personnage politique du Vietnam est venu rencontrer le pape François

25/03/2014 Cela semble devenir une habitude : la visite au Vatican est maintenant une étape obligée pour tout dirigeant ou délégation officielle vietnamienne en voyage en Italie ou dans les pays environnants. Depuis quelques années, chef de l’Etat, Premier ministre, secrétaire général du Parti communiste, diplomates, . , responsables des Affaires religieuses se succèdent au Vatican et rencontrent sinon le pape, du moins le secrétaire d’Etat ou quelques hauts responsables des congrégations romaines.

Faut-il conclure à un resserrement des liens entre l’Eglise et l’Etat ? Ou encore à un rapprochement des perspectives d’établissement de liens diplomatiques entre les Vietnam et le Saint-Siège ? Surtout, peut-on déduire de cette multiplication des visites un changement radical de l’attitude du Parti communiste vietnamien et de l’Etat qu’il contrôle (voir l’article 4 de la Constitution) à l’égard de l’Eglise catholique qui est dans ce pays ? Que représentent donc ces visites de plus en plus fréquentes ? Le récent passage de Nguyên Sinh Hung au Vatican donne une nouvelle occasion de poser ces questions.

Nguyên Sinh Hung est un personnage d’une certaine importance. Dans l’ordre protocolaire, il est le quatrième des seize membres de l’instance suprême du Parti, le Bureau politique. A ce titre, il est le quatrième personnage de l’Etat, directement après le Premier ministre Nguyen Tân Dung et on lui a confié la présidence de l’Assemblée nationale, fonction généralement exercée par un homme promis à un certain avenir.

Les sources romaines (1) se sont contentées de mentionner discrètement que Nguyên Sinh Hung a été reçu en audience par le pape François, le 23 mars 2014, sans aucun commentaire sur le contenu de leur entretien. Les mêmes sources signalent également la rencontre du dirigeant vietnamien avec le nouveau secrétaire d’Etat, le cardinal Parolin, dont on souligne la profonde connaissance du dossier vietnamien.

En revanche, la version officielle de la rencontre par les autorités vietnamiennes, rapportée par Radio Free Asia, est plus explicite sur les propos qu’aurait prononcés Nguyên Sinh Hung devant le pape. Il aurait demandé au pape « (…) d’enseigner à l’Eglise catholique du Vietnam à mettre en œuvre les lignes politiques qu’il lui a exposées, à savoir « Vivre l’Evangile au sein du peuple », « Un bon catholique est aussi un bon citoyen », ou encore « Développer les aspects positifs et contribuer au développement de nation » ». Autant de points qui font partie de la langue de bois utilisée depuis les origines du régime pour s’adresser aux religions.

En réalité, il est probable que la question religieuse n’est pas une préoccupation essentielle du président de l’Assemblée nationale. Si l’on se réfère au curriculum vitae officiel du quatrième membre du Bureau politique, on s’aperçoit que cet homme de 68 ans, originaire de la même commune (Kim Liên) que Hô Chi Minh, dans le Nghê An, s’est toujours occupé d’économie et de finances et a gravi les échelons de la hiérarchie grâce à cette spécialité. Après des études secondaires, Nguyên Sinh Hung a accompli quatre années d’études dans une université de Hanoi spécialisée en finance et en comptabilité. En 1982, il a décroché un doctorat d’économie en Bulgarie et c’est grâce à ses capacités en ce domaine qu’il entre au bureau exécutif du Comité central du Parti en 1986 et devient membre du Bureau politique en 2006, lors du Xe congrès du Parti communiste vietnamien.

Il serait donc illusoire de penser que cette visite est le signe d’un changement d’attitude de l’Etat vis-à-vis de l’Eglise au Vietnam. Elle ne signifie sans doute pas non plus l’imminence de l’établissement de relations diplomatiques. On peut l’interpréter comme un signe de la volonté, exprimée au plus haut niveau de l’Etat vietnamien, de maintenir, à toutes fins utiles, une relation serrée avec le Saint-Siège, relation qui peut se révéler très utile à l’Etat pour ses relations avec la communauté catholique à l’intérieur du pays.

Après le Premier ministre Nguyên Tân Dung en 2007, après le chef de l’Etat, Nguyên Minh Triêt, en 2009, et après le secrétaire général du Parti, Nguyên Phu Trong, au début de l’année 2013, Nguyên Sinh Hung aura été le quatrième (dans l’ordre chronologique et hiérarchique) à être reçu en audience par le pape. On ne peut que souhaiter que d’autres dirigeants s’inscrivent à sa suite.

(eda/jm)

Notes

(1) Elles ont été rapportées par VietCatholic News, 22 mars 2014.