PHILIPPINES

Un tribunal rejette la requête de parents catholiques qui demandaient le report du programme d’éducation sexuelle dans les écoles

Eglises d’Asie, 6 juillet 2010 – La requête collective de plusieurs parents catholiques, soutenue par les évêques du pays et demandant la suspension provisoire du projet-pilote gouvernemental d’éducation sexuelle à l’école, vient d’être rejetée par un tribunal de Quezon City.

Entre l’Eglise catholique et le ministère de l'Education (Department of Education, DepEd), le bras de fer se poursuit depuis plusieurs mois. En juin dernier, les déclarations et les démentis se sont succédés dans chaque camp. Après avoir assuré la Conférence épiscopale catholique des Philippines (CBCP), une force qui compte dans ce pays majoritairement chrétien, qu’elle serait consultée avant toute mise en place du programme pilote d’éducation sexuelle dans 80 écoles primaires (à partir du CM2, fifth grade) et autant de collèges, le ministère de l’Education avait, semble-t-il, fait machine arrière et annoncé que si l’épiscopat philippin restait toujours « invité à dialoguer sur le sujet », le programme était maintenu (1).

Les évêques, qui ont déclaré de longue date leur opposition au programme ainsi qu’à l’ensemble des mesures envisagées par le gouvernement dans le cadre des politiques liées à « la santé reproductive » (2), avaient réagi à l’annonce du ministère par le dépôt d’une requête présentée par une avocate de la CBCP, au nom d’une trentaine de « parents en colère ».

Le 5 juillet, la juge Rosanna Fe Romero-Maglaya, du tribunal de Quezon City, a rejeté la requête de suspension provisoire du projet-pilote, au motif qu’aucun des plaignants ne subissait personnellement une violation de ses droits et qu’il ne pouvait démontrer que ses enfants étudiaient dans les écoles où les modules d’éducation sexuelle devaient être testés. Une suspension provisoire ne peut être ordonnée, a expliqué la juge, que si le préjudice invoqué est en cours et prouvé formellement.

La bataille n’est pas finie, a immédiatement déclaré Maître Jo Aurea Imbong, avocate de la CBCP, qui défend la requête des parents, sur les ondes de Radio Veritas, station catholique. La décision du tribunal, explique-t-elle, ne concerne que la pétition en urgence des parents pour la suspension provisoire du projet et non le procès au cours duquel elle compte plaider l’inconstitutionnalité du programme d’éducation sexuelle du gouvernement. L’avocate a expliqué que désormais elle allait concentrer ses efforts sur cette question, et démontrer que le Mémorandum N° 26 du ministère de l’Education était « contre la famille » et « contre la vie », avec, espère-t-elle, le soutien de nouveaux pétitionnaires (3). Une première audience a été fixée au 29 juillet prochain.

Bien que son arbitrage soit très attendu dans cette polémique, le président Benigno Aquino III, qui a officiellement pris ses fonctions le 30 juin dernier, est pour le moment resté sur la réserve, se contentant de déclarer qu’il se concerterait avec Fr. Armin Luistro, chancelier de l’une des universités catholiques les plus prestigieuses du pays qu’il a nommé ministre de l’Education fin juin. Les évêques craignent cependant que Benigno Aquino, dont le soutien aux mesures en faveur de « la santé reproductive » est connu, ne tranche en faveur de celle-ci.

Le 30 juin dernier, jour de la prestation de serment du nouveau président, la CBCP a adressé à Benigno Aquino une liste en treize points des problèmes prioritaires à résoudre aux Philippines, dans laquelle le rejet du projet de loi sur la santé reproductive apparaît en seconde position, après la réforme agraire (4). Si Benigno Aquino a évité jusqu’à présent de prendre officiellement position, il a cependant risqué cette phrase le 29 juin dernier: « L’absence d’éducation conduit à l’ignorance et l’ignorance peut conduire à prendre de mauvaises décisions » (5).

(1) Voir EDA 531, 532

(2) Le programme Adolescent Reproductive Health Through Lifeskills-Based Education est un projet initié en 2005 avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Il est lié au projet de loi HB 5 043, An Act Providing for a National Policy on Reproductive Health, Responsible Parenthood and Population Development and for Other Purposes, toujours en discussion au Parlement philippin. Ce projet vise à rendre applicable dans tout le pays (certaines municipalités ont déjà promulgué des arrêts en faveur de programmes pour « la santé reproductive ») le financement par les fonds publics et l’accès aux méthodes contraceptives, à l’avortement ainsi qu’à l’éducation sexuelle, selon les normes établies par l’ONU. Au sujet de l’opposition de l’Eglise au projet de loi, voir également EDA 491, 494, 502

(3) Ucanews, 5 juillet 2010; CBCP News, 5 juillet 2010.

(4) Fides, 1er juillet 2010.

(5) Inquirer.net, 29 juin 2010.