« La pollution est devenue le fléau des fléaux de notre société », déclare le cardinal archevêque de Saigon dans sa dernière lettre mensuelle intitulée « Lettre du pasteur » (Thu muc Tu), diffusée le 28 mai 2009 (1). Dans ce texte, le cardinal Jean-Baptiste Pham Minh Mân passe en revue l’ensemble des détériorations subies par l’environnement sur le territoire du pays. Il s’attarde sur deux exemples illustrant la gravité de ce fléau: la pollution provoquée dans la rivière Thi Vai à Saigon par l’usine du groupe Vedan Vietnam et celle qui résultera de l’exploitation de la bauxite sur les Hauts Plateaux du centre du pays.

Le cardinal dénonce d’abord la pollution occasionnée par les usines de Vedan Vietnam, filiale créée en 1991 du groupe à capitaux taïwanais Vedan International et spécialisée dans la production de glutamate, d’amidon et de soude. Depuis plusieurs années, elles rejettent clandestinement leurs eaux usées dans la rivière Thi Vai. La pollution subie par les élevages de poissons et les cultures agricoles est intense et s’étend sur le territoire de Hô Chi Minh-Ville et des trois provinces voisines de Dông Nai, Ba Ria et Vung Tau. Au 23 mai dernier, on comptait 11 000 plaintes contre le groupe Vedan, émanant des paysans de cette région. De très nombreuses associations ont publiquement dénoncé les dégâts. Pourtant, aucun procès n’a encore eu lieu. Le jour où le cardinal diffusait sa lettre, le Premier ministre Nguyên Tân Dung ordonnait aux responsables civils de la région concernée d’évaluer les dégâts.

Le cardinal fait ensuite allusion aux très forres protestations qui se sont exprimées depuis un an, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, contre le projet d’exploitation de la bauxite sur les Hauts Plateaux du centre (2). Le cardinal souligne que ce projet va entraîner de graves dommages à l’environnement et constitue une menace pour la sécurité des populations. L’inquiétude est grande, dit-il, au point que de nombreuses personnalités dans le pays ont élevé la voix et que l’Assemblée nationale (qui siège en session depuis quelques jours) a décidé de débattre du dossier.

Le cardinal ajoute qu’il ne s’agit là que de deux exemples. Ses visites pastorales, ses voyages à l’intérieur du pays, les témoignages qu’il a reçus et les paysages qu’il a contemplés l’ont persuadé que la pollution avait atteint un état d’alerte et qu’elle était désormais le fléau majeur du pays.

Le cardinal expose ensuite les grands principes de la doctrine chrétienne qui impose aux catholiques de lutter pour la sauvegarde l’environnement. L’environnement est le bien de tous, en particulier des plus pauvres et ne peut pas être livré au bon plaisir de certains investisseurs qui ne tiennent compte que de leurs intérêts. La nature est un don que nous avons reçu de Dieu, qu’il nous faut respecter et transmettre sans la dégrader. Faisant sans doute implicitement allusion aux minorités ethniques de la région du centre, le cardinal précise que, dans le processus de développement économique d’une région, il faut tenir compte de la population et que celle-ci ne peut être sacrifiée au bénéfice d’une minorité. Il énumère ensuite une série de tâches concrètes que le devoir de sauvegarde de l’environnement impose aux entrepreneurs et à leurs collaborateurs ainsi qu’à tous les citoyens. De plus, les chrétiens doivent prier pour que les dirigeants sachent privilégier le bien commun aux dépens des intérêts particuliers.

En conclusion, le cardinal se réjouit du grand mouvement de protestation qui a soulevé la société vietnamienne face aux affaires du groupe Vedan et de l’exploitation de la bauxite. Il y voit une manifestation de l’opinion publique laissant présager la formation d’une société civile et un progrès de la démocratie. Il invite les chrétiens à participer à ce mouvement à travers les divers moyens de communication à leur disposition.

(1) Le texte de la lettre a été transmis par les services de l’archevêché de Saigon.

(2) Voir EDA 506

(Source: Eglises d'Asie, 29 mai 2009)