Le schéma de cette lettre pastorale a été élaboré par les évêques du Vietnam au cours de leur deuxième assemblée annuelle qui s’est tenue à Nha Trang, du 27 au 30 octobre 2014. Dans une dépêche précédente, Eglises d’Asie a largement rendu compte du projet de cette lettre. Ce n’est que récemment que le texte définitif a été rendu public (1). La traduction en français est de la rédaction d’Eglises d’Asie.

« La nouvelle évangélisation de la vie des paroisses et des communautés religieuses »

Frères et sœurs,

Nous, les évêques des 26 diocèses du Vietnam, présents à l’évêché du diocèse de Nha Trang, pour participer à la deuxième assemblée annuelle de la Conférence épiscopale du Vietnam pour l’année 2014, nous vous remercions d’avoir beaucoup prié pour que cette réunion se déroule harmonieusement et dans la paix. Elle est maintenant terminée. Par cette lettre pastorale, nous voulons nous entretenir avec vous du programme pastoral de l’Église du Vietnam durant l’année 2015.

1. Au cours de l’année écoulée, nous avons ensemble mis en œuvre le programme intitulé « Evangéliser la vie familiale ». Les rapports pastoraux reçus des divers diocèses nous ont réjoui ; nous avons constaté les très nombreux sacrifices consentis et les nombreuses initiatives prises dans les diocèses, les paroisses, ainsi que dans les associations apostoliques pour accompagner les familles dans leur effort pour construire une famille catholique, pour transformer leurs foyers en maisons de prière, en maisons de l’amour, ouvertes à la solidarité et au partage.

Nous vous prions de continuer dans cette voie, une orientation très louable, surtout dans le contexte actuel où l’Église universelle se montre particulièrement attentive à la vocation et la mission de la famille, une attention qui s’est manifestée dans le synode des évêques du monde. Celui-ci a en effet débattu des « défis pastoraux créés par la famille dans le contexte de la nouvelle évangélisation ».

L’année prochaine, 50e anniversaire du décret Ad Gentes, nous vous invitons à vous tourner vers une ‘famille’ plus vaste, à savoir la paroisse. En effet, la paroisse est bien la famille des enfants de Dieu qui sont tous frères et sœurs les uns des autres. La famille de la paroisse doit être évangélisée, c’est-à-dire imprégnée de l’esprit évangélique et rayonnant la lumière de l’Évangile pour éclairer ceux qui sont autour d’elle ainsi que le monde entier.

Pour réaliser cela, contemplons tout d’abord la première communauté chrétienne telle qu’elle est décrite dans les actes des apôtres : « Ils persévéraient dans l'enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans les prières » (Actes des apôtres, 2,42).

2. Selon ce modèle idéal, la paroisse doit être une communauté assidue à la fraction du pain et à la prière, c’est-à-dire participant à l’eucharistie et à la célébration de l’office liturgique. Au Vietnam jusqu’à présent, les catholiques sont restés fidèles à l’assistance à la messe dominicale et aux célébrations liturgiques. Puisse cette participation aux célébrations être de plus en plus consciente et vivante, non seulement pour appliquer le commandement de l’Église, mais pour rencontrer Dieu et le laisser transformer notre vie. Ainsi, la liturgie sera pour nous une source de sanctification et, en même temps, répandra l’esprit évangélique dans nos milieux de vie, dans l’Église comme dans notre société.

3. Ensuite, la paroisse doit être une communauté « assidue à l’écoute de l’enseignement des apôtres ». Les apôtres enseignaient la Parole de Dieu à la communauté et la guidaient afin que ses membres sachent l’appliquer à leur vie concrète. Aujourd’hui, les prêtres dans les paroisses sont les collaborateurs des évêques qui perpétuent la mission des apôtres. Nous prions instamment nos frères de s’efforcer d’accomplir au mieux cette noble tâche, en étant attentifs à la parole de Dieu à travers la prière, en préparant soigneusement l’homélie, en intériorisant cette Parole et aussi en écoutant les confidences des paroissiens concernant leur vie quotidienne. Grâce à cela, notre prédication prendra sa source dans nos cœurs et nous pourrons espérer qu’elle touchera le cœur des auditeurs (Voir le pape François, « La joie de l’Évangile », 142 – 154).

Dans ce même domaine, nous devons aussi porter notre attention sur la catéchèse dispensée aux fidèles et plus particulièrement aux enfants et aux jeunes gens. Plus que jamais, les fidèles d’aujourd’hui ont besoin de fondements doctrinaux pour fortifier et approfondir leur foi, plus encore pour témoigner de leur foi et de leur espérance chrétiennes. Nous nous réjouissons de voir de nombreux catéchistes laïcs prendre au sérieux l’éducation de la foi et participer activement à l’enseignement du catéchisme avec un esprit de responsabilité élevée. Puissiez-vous, frères et sœurs, collaborer encore plus activement avec les prêtres. Que ces derniers créent des conditions favorables aux études et à la formation des catéchistes, pour que nous tous, nous puissions accomplir notre mission d’une façon neuve, avec un esprit, une énergie et des méthodes entièrement renouvelées.

4. Enfin, la paroisse doit être une communauté où les membres « sont toujours en communion les uns avec les autres ». Cette communion relie les prêtres avec les laïcs, et les laïcs entre eux. La communion de la communauté se manifeste dans le respect, la collaboration et le partage. Sur le fondement du sacrement du baptême, tous les fidèles sont égaux entre eux et ont la même dignité. C’est pourquoi nous devons nous respecter et éviter toutes les formes de discrimination. En même temps nous devons collaborer et échanger pour édifier notre maison commune, à savoir la paroisse, afin d’accomplir notre mission commune, l’annonce de l’Évangile au monde entier.

Les membres du conseil paroissial sont des proches collaborateurs du prêtre dans le domaine de l’administration de la paroisse. Ils ont besoin de connaître quelles sont leurs responsabilités et leurs droits pour collaborer avec les prêtres dans un esprit de service et obtenir de bons résultats pour la paroisse.

Cet esprit de communion doit être étendu bien au-delà de cette collaboration. Il doit s’étendre à tous les hommes de bonne volonté pour réaliser des œuvres d’intérêt commun, comme par exemple… la construction d’un pont, le creusement d’un puits, l’édification d’une maison pour les plus dépourvus…. Ces actions, à première vue modestes, sont en réalité des semences évangéliques (voir Mc 4,30).

Dans la situation actuelle, nous devons spécialement prêter attention à nos frères « migrants ». Au cours des deux dernières décennies, beaucoup de chrétiens, en particulier les jeunes, ont dû quitter leurs familles et leurs villages pour aller étudier et travailler dans les grandes villes. Cette réalité a des conséquences, non seulement sur la vie économique et sociale, mais aussi sur la vie et les activités religieuses. Beaucoup de nos paroisses rurales n’ont plus assez de personnel pour mener les activités ordinaires de la communauté.

Par contre, les paroisses urbaines sont surchargées par leurs tâches pastorales. Beaucoup de nos frères migrants éprouvent une impression de découragement, même en ce qui concerne leur vie religieuse. C’est pourquoi, nous vous prions, frères et sœurs et plus particulièrement vous les prêtres, d’ouvrir largement les bras à nos frères migrants, de créer des conditions favorables à leur participation aux activités de la paroisse, de sorte qu’ils se sentent membres à part entière de la famille paroissiale. Ainsi, non seulement leur vie religieuse recevra une assistance, mais aussi ils deviendront des éléments actifs de l’évangélisation.

5. Après avoir décrit la vie de la première communauté chrétienne, les Actes des apôtres continuent ainsi : « Ils louaient Dieu et avaient la faveur de tout le peuple. Le Seigneur ajoutait chaque jour à l'Eglise ceux qui étaient sauvés ». (Actes des apôtres, 2,47). C’est la vie commune de la communauté qui a fait resplendir la beauté de l’Évangile et qui a attiré de nombreuses personnes vers l’Église. De même, nous croyons que si les paroisses deviennent véritablement des communautés de louange du Seigneur, de communion et d’amour mutuel, la beauté et la joie de l’Évangile se répondront largement et attireront au Seigneur de nombreuses personnes. Aujourd’hui, nous voulons nous adresser plus particulièrement à nos frères prêtres et à tous ceux qui ont choisi la vie consacrée.

6. Chers frères prêtres, nous sommes persuadés que l’évangélisation de la paroisse doit commencer dans le cœur des prêtres eux-mêmes. Nous vous remercions de votre dévouement et de la fidélité avec laquelle vous accomplissez la mission qui vous a été confiée au service de la communauté. Cependant, nous n’avons pas le droit de nous satisfaire de ce qui a déjà été fait. Nous ne devons jamais cesser de renouveler notre vie personnelle ainsi que la manière d’accomplir notre ministère sacerdotal. C’est pourquoi nous vous demandons de prêter l’oreille aux recommandations du pape François et de les considérer comme la boussole qui orientera votre ministère dans la paroisse. Tout comme l’évêque, le prêtre « doit toujours favoriser la communion missionnaire dans sa paroisse en poursuivant l’idéal des premières communautés chrétiennes, dans lesquelles les croyants avaient un seul coeur et une seule âme (cf. Ac 4, 32). Par conséquent, certaines fois, il devra se mettre devant pour indiquer la route et soutenir l’espérance du peuple, d’autres fois il sera simplement au milieu de tous dans une proximité simple et miséricordieuse, et en certaines circonstances il devra marcher derrière le peuple, pour aider ceux qui sont restés en arrière et – surtout – parce que le troupeau lui-même possède un odorat pour trouver de nouveaux chemins » ("La joie de l’Évangile", 31)

7. Nous souhaitons aussi partager la joie de nos frères qui ont choisi la vie consacrée, puisque le pape François a décidé de faire de l’année 2015, l’année de la vie consacrée. Nous pensons que ce sera l’occasion pour vous d’approfondir la nature de notre vocation afin de vivre « en renouvelant sans cesse votre goût pour l’amitié et le message du Christ » (« La joie de l’Évangile », 264). Une telle expérience nous poussera chaque jour davantage à aimer le Christ et à partager cet amour avec les autres, c’est-à-dire à s’engager dans l’évangélisation plus profondément, en union étroite avec l’Église locale. Nous remercions le Seigneur pour l’abondance des vocations religieuses dans l’Église du Vietnam et nous espérons que cette abondance portera beaucoup de fruits dans le champ de la mission, un champ qui est encore immense dans notre pays.

8. En conclusion de cette lettre pastorale, nous nous tournons vers Notre Dame de La Vang. Elle est la Mère proche et généreuse de l’Eglise du Vietnam. Nous la prions d’aider nos paroisses et nos communautés à être des témoins de l’esprit de communion et de service, de la foi ardente et généreuse, de la justice et de la paix, pour que la joie de l’Évangile imprime sa marque au cœur même du monde. Amen.

Fait à Nha Trang, le jour de la fête des saints et des saintes, le 1er novembre 2014.

[Signatures ]:
- Mgr Cosma Hoang Van Dat, évêque de Bac Ninh, Secrétaire général de la Conférence épiscopale.
-Mgr Paul Pui Van Doc, archevêque de Saïgon, Président de la Conférence épiscopale

(1) on peut trouver le texte vietnamien de cette lettre pastorale sur le site de la commission « Justice et paix » : http://conglyvahoabinh.org/thu-muc-vu-cua-hoi-dong-giam-muc-viet-nam-tan-phuc-am-hoa-doi-song-cac-giao-xu-va-cac-cong-doan-song-doi-thanh-hien/2014/11/

(Source: Eglises d'Asie, le 14 novembre 2014 )