Après le viol collectif dont a été victime, au début de ce mois, une jeune catholique, novice en formation pour la congrégation des Sœurs franciscaines de Saint-Joseph, les réactions d’indignation n’ont pas manqué. Le cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay et président de la Conférence épiscopale d’Inde (CBCI), a déclaré : « Le viol de cette jeune religieuse est un acte de barbarie infligée à une personne qui avait consacré sa vie à Dieu. Ce viol est un crime odieux et une transgression abominable faite à l’honneur des femmes et reflète l’état abyssal de la condition des femmes dans notre communauté, notre société et notre pays. »

Les faits se sont produits début juillet. La future religieuse, originaire du district de Kandhamal, en Orissa, était en formation à Chennai (Madras), au Tamil Nadu, au noviciat des Sœurs franciscaines de Saint-Joseph, une congrégation locale. Avertie au téléphone par une de ses cousines que sa mère était gravement malade, la religieuse, âgée de 22 ou 28 ans selon les sources, a pris le train de Chennai pour remonter mille kilomètres plus au nord jusqu’à Brahmapur (Berhampur), en Orissa. Là, deux de ses cousins l’attendaient pour la kidnapper et la séquestrer. Du 5 au 11 juillet, la jeune femme a été victime de viols répétés, avant d’être déposée à la gare où elle était arrivée avec pour instruction de ne rien dire de ce qui s’était passé.

En dépit de ces consignes, la jeune femme est parvenue jusqu’à son village où elle a porté plainte auprès de la police le 13 juillet et, le lendemain, celle-ci arrêtait les deux cousins en question. Deux jours plus tard, la cousine était à son tour interpellée. Selon des sources proches des enquêteurs et citées par la presse indienne, le mobile du crime serait la vengeance, un frère de la religieuse étant accusé d’avoir tué, il y a deux ans de cela, le père des cousins.

Ce crime concernant une religieuse originaire du Kandhamal, district de l’Orissa théâtre en 2008 de pogroms antichrétiens meurtriers perpétrés par des hindouistes, la crainte immédiate était que cette affaire puisse attiser à nouveau les violences intercommunautaires. Mgr John Barwa, archevêque de Cuttack-Bhubaneswar, dont le territoire comprend le Kandhamal, a très rapidement pris soin de déclarer que l’incident n’était « en aucune façon » lié aux persécutions antichrétiennes de 2008 dont ont été victimes les populations aborigènes (tribals) converties au christianisme. Il n’en a pas moins déploré ce nouvel acte de violence faite aux femmes. « Les coupables doivent être traduits en justice sans délai et la loi doit s’appliquer. Ce qui s’est passé est une honte », a-t-il déclaré.

Le viol de la jeune religieuse intervient alors qu’au mois de février dernier, une commission formée de plusieurs organisations chrétiennes a remis un rapport décrivant l’état d’insécurité et de violence sexuelle que subissent les femmes en Orissa, en particulier au Kandhamal. L’enquête faisait état d’une hausse « inquiétante » des violences envers les femmes, y compris envers les très jeunes filles, et dénonçait « la totale impunité accordée aux agresseurs ». Il était notamment expliqué que la police renâclait souvent à enregistrer les plaintes pour viol et qu’en cas de procédures judiciaires, très rares étaient les dossiers se concluant par une condamnation des violeurs. A titre d’exemple, était citée l’affaire de Sœur Meena Barwa, aujourd’hui âgé de 32 ans et violée et humiliée par des extrémistes hindous lors des violences de 2008 ; à l’issue d’une procédure à rallonge, sur les 22 suspects arrêtés par la police, 17 ont été remis en liberté sous caution.

Depuis le viol collectif d’une jeune étudiante indienne à New Delhi en décembre dernier, affaire qui avait suscité un vaste mouvement de protestations dans le pays, une prise de conscience nouvelle sur les violences sexuelles faites aux femmes s’est fait jour en Inde. Répondant à l’indignation publique, le gouvernement a déposé en mars dernier un projet de loi devant le Parlement punissant le viol de 20 ans de réclusion, voire de la peine de mort si la victime succombe à ses blessures (ce qui avait été le cas pour l’étudiante de Delhi) ou est laissée dans un état végétatif. Diverses ONG et associations indiennes ont critiqué ce texte comme un texte de circonstance qui ne résoudra pas le problème que représente la fréquence des viols en Inde.

Selon les statistiques de la police, 24 200 viols ont été rapportés en 2011, soit un toutes les vingt minutes. Chiffre que les ONG affirment très sous-estimés étant donné la très nette sous-déclaration de ce type de crime. Des observateurs notent que le déséquilibre persistant du ratio entre les sexes à la naissance – et son corollaire, à savoir les quelque 37 ou 38 millions de femmes qui manquent aujourd’hui à l’appel – fragilise encore la condition féminine, un grand nombre d’hommes ne trouvant pas de partenaires du sexe opposé pour se marier.

Régulièrement, la chronique des faits divers rapporte des viols perpétrés sur des personnes qui, il y a quelques années encore, étaient épargnées, comme les religieuses ou les étrangères. En mars dernier, au Madhya Pradesh, une touriste suisse de 39 ans était violée par six hommes devant son compagnon, ligoté par leurs agresseurs. En juin, c’était une touriste américaine qui était violée dans l’Himachal Pradesh. Tout dernièrement, ce 14 juillet au Jharkhand, quatre collégiennes, âgées de 12 à 14 ans, étaient violées par huit hommes qui étaient venus les chercher jusque dans le dortoir qu’elles occupaient dans un pensionnat tenu par l’Eglise évangélique d’Inde ; elles appartenaient à une communauté aborigène (tribal).

(Source: Eglises d'Asie, 17 juillet 2013)